Addiction aux jeux vidéo : symptômes, ado, adulte, que faire ?
Des heures à jouer sans s'arrêter ? L'addiction aux jeux vidéos peut toucher aussi bien les enfants, ados que les adultes. Quels sont les signes ? Les causes ? Les conséquences sur l'individu, le couple ? Quels traitements possibles ? Réponses avec le Dr Juliette Hazart, addictologue.
Quel est le nom de l'addiction aux jeux vidéo ?
L'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) reconnaît l'existence du "trouble du jeu vidéo" ou "gaming disorder" dans sa onzième révision de la classification statistique internationale des maladies et des problèmes connexes (CIM-11) qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022, informe le Dr Juliette Hazart, addictologue. "Le qualificatif d'addiction aux jeux vidéo est encore débattu même si l'usage du jeu vidéo comporte certaines caractéristiques similaires à celles observées dans les addictions comportementales."
Qu'est-ce que c'est ?
"Pour parler de trouble du jeu vidéo, la CIM-11 a retenu plusieurs critères dont la perte de contrôle sur le jeu. C'est-à-dire qu'il y a perte du libre arbitre sur la conduite de jeu avec une pratique qui se produit à un moment où ça n'était pas prévu et dure plus longtemps que ce qui était planifié" poursuit l'addictologue. "De plus, la priorité est accordée à l'activité de jeu vidéo en regard d'autres activités quotidiennes et d'autres loisirs qui étaient auparavant investis. On assiste à une poursuite de la pratique malgré les conséquences dommageables directement liées à l'activité de jeu." Ces conséquences se manifestent sur le plan personnel, familial, social, éducatif, professionnel… "L'ensemble de ces manifestations doivent être présentes pendant au moins 12 mois pour considérer qu'il y a un trouble du jeu vidéo."
Quel test pour savoir si on est addict aux jeux vidéo ?
Il y a plusieurs critères qui servent à savoir si vous êtes addict aux jeux vidéos :
- S'il y a perte du contrôle sur le jeu.
- Si la priorité est accordée à l'activité de jeu vidéo "au dépend d'autres activités quotidiennes et d'autres loisirs qui étaient auparavant investis."
- Si la personne continue de jouer malgré les conséquences néfastes : "Il faut toujours s'intéresser à la fonction du jeu dans la vie de la personne pour voir dans quelle mesure l'usage excessif du jeu peut se rapprocher d'un trouble du jeu vidéo. Est-ce par exemple une stratégie mise en place pour faire face à d'autres difficultés comme des troubles émotionnels ou psychiatriques (dépression, troubles anxieux…) ?"
"La fréquence et la durée du jeu ne sont pas de bons indicateurs"
L'ensemble des critères doit être présent pour différencier les addicts aux jeux vidéo des joueurs passionnés et qui jouent beaucoup. "La fréquence et la durée du jeu ne sont pas de bons indicateurs pour considérer qu'il y a un usage problématique. Oui, les personnes ayant un trouble du jeu vidéo jouent souvent de façon intensive mais ça n'est pas toujours le cas" précise la spécialiste. "A contrario, des personnes peuvent jouer plusieurs heures par jour et cela sans retentissement dans leurs activités au quotidien. Elles ont un usage intensif qui n'est pas pathologique."
Quels sont les symptômes chez l'enfant et l'adolescent ?
"Les conséquences d'un usage excessif chez les jeunes enfants ne sont pas toujours visibles à court terme. Pourtant, cela peut altérer leurs capacités mentales, le cerveau se développant jusqu'à environ l'âge de 25 ans" prévient l'addictologue. Chez l'enfant et l'adolescent, les symptômes peuvent être :
- Des troubles de l'attention et de la concentration.
- Une baisse des performances scolaires.
- Des troubles du sommeil.
- Des difficultés à communiquer en face à face.
- L'enfant ou l'adolescent délaisse souvent ses loisirs habituels et peut réduire ses contacts dans la vie réelle.
- Une prise de poids du fait du temps de sédentarité augmentée avec la pratique du jeu vidéo. "Tout comme chez l'adulte, le jeu vidéo peut être une utilisation "refuge" sur des troubles psychiques débutants (dépression, trouble anxieux généralisé…) ou suite à un événement traumatique (divorce, deuil, violence…)."
Attention, jouer à un jeu vidéo ne veut pas dire qu'il y a forcément un trouble du jeu vidéo. "La pratique d'un jeu vidéo, quand elle n'est pas problématique, a des aspects positifs" informe l'addictologue. "Par exemple, à l'adolescence, les jeux vidéo peuvent être une source d'apprentissage, de construction de l'identité et de socialisation qui répond à cette période spécifique de la vie. A tout âge, le jeu vidéo peut renforcer la valorisation et la socialisation dans le cadre de certaines compétences mises en œuvre dans les jeux vidéos en ligne (stratégie, travail d'équipe, compétition…)."
Quels sont les symptômes chez l'adulte ?
"Sur le plan personnel, la souffrance psychologique est souvent au premier plan avec une diminution de l'estime de soi. On peut observer chez certains patients une augmentation de l'irritabilité et de l'agressivité. Le trouble du jeu vidéo peut augmenter le risque de développer des troubles anxieux (anxiété sociale). Des symptômes dépressifs peuvent être associés" décrit le Dr Hazart.
Quelles sont les causes ?
Dans un premier temps, les motivations pour jouer au jeu vidéo sont très variées. On retrouve souvent une recherche de divertissement, d'excitation, de plaisir, d'interaction sociale, d'encouragement ou de reconnaissance. "Les causes du développement d'un trouble du jeu vidéo sont multifactorielles" :
- "Chez certaines personnes fragilisées par des éléments psychologiques, sociaux et biologiques, l'usage va devenir problématique avec perte de contrôle."
- Le jeu vidéo peut aussi être utilisé comme un refuge face aux problèmes de la vie quotidienne (professionnel, familial, scolaire…) ou aux souffrances psychiques.
- Certains jeux vidéo sont plus à risque de conduire à une perte de contrôle : "C'est le cas de certains jeux en ligne qui activent intensément la reconnaissance sociale du joueur, la compétition et la cohésion au groupe."
Quelles conséquences sur le couple ?
Le trouble du jeu a souvent un retentissement sur le couple. "Il est à l'origine de conflits et parfois de séparation. En effet, la personne consacre moins de temps à sa vie de couple ce qui peut causer de l'insatisfaction chez le ou la partenaire" explique l'addictologue.
Quels dangers ?
- "Le trouble du jeu vidéo peut conduire à une diminution des interactions sociales voire un isolement social et une diminution des activités physiques. Les troubles du sommeil sont fréquents" informe le Dr Hazart.
- Certaines personnes ont des difficultés à distinguer la fiction de la réalité.
- "Certains jeux de rôle multijoueurs en ligne comme les MMORPG (Massively Multiplayer Online Role Playing Games) conduisent souvent à un sentiment de dépendance au groupe."
Quels sont les traitements pour soigner cette addiction chez l'adulte ?
"Il faut penser à dépister le problème et donc interroger ses patients. Il faut s'intéresser à la fonction du jeu chez cette personne" conseille l'experte. Quelques conseils généraux peuvent tout d'abord être proposés comme :
- Laisser l'ordinateur ou la console dans une pièce commune.
- Se fixer des temps de jeu et essayer de les respecter.
- Faire attention à son sommeil et à son alimentation.
- Éteindre l'ordinateur deux heures avant d'aller dormir.
- Diversifier ses activités sociales.
- Accompagner les patients à travailler sur le sens de ce qu'ils font devant le jeu vidéo.
- Les encourager à se questionner sur le temps passé ("volé") devant l'écran. "Il est important de ne pas stigmatiser l'usage mais de cibler plutôt la perte de contrôle et l'existence de dommages."
Quels sont les traitements chez l'enfant ?
"Les professionnels de santé peuvent accompagner et aider les parents à l'éducation à la régulation du jeu des enfants, c'est-à-dire à fixer des limites dans l'usage des jeux vidéo et plus généralement des écrans" informe l'addictologue. "A mon sens, l'un des premiers conseils à donner aux parents est de ne pas diaboliser le jeu vidéo, de s'y intéresser avec son enfant. Intégrer l'écran, support du jeu vidéo dans les espaces de vie collective et non dans les chambres mais aussi consacrer des temps sans aucun écran (repas, coucher…) sont aussi des repères importants pour les enfants. La mise en place d'un plan média familial est un bon soutien à une régulation de l'exposition aux jeux vidéo." Il faut aussi penser aux sigles PEGI (Pan European Game Information) avant de choisir un jeu pour son enfant. PEGI est un logo avec un âge inscrit dessus de 3 à 18 ans) qui permet de classer les jeux en fonction de leur violence et de leur réalisme et de ne pas les autoriser sous cette limite d'âge. Ils permettent de savoir quel jeu est adapté à quel public.
Psychologue, spécialiste, association : qui et quand consulter ?
"Il ne faut pas hésiter à consulter son médecin traitant qui pourra dépister les usages à risque et problématiques et orienter si nécessaire vers des structures spécialisées (MDA : Maison des adolescents, CSAPA : Centre de soins, d'Accompagnement et de Prévention en Addictologie…) et des spécialistes (médecins addictologues, psychologues, psychiatres…)." L'addictologue indique qu'il existe différentes approches spécialisées, le plus souvent des programmes ambulatoires suivis d'une psychothérapie d'orientation cognitive et comportementale (TCC). "Un traitement médicamenteux est nécessaire uniquement quand des comorbidités psychiatriques sont associées en particulier dépressives."
Merci au Dr Juliette Hazart, addictologue.