Dépakine : c'est quoi, effets, dangers pendant la grossesse ?
Commercialisée par Sanofi en 1967, la Dépakine est un médicament prescrit en cas d'épilepsie ou de troubles bipolaires. Utilisée pendant la grossesse, elle expose à un risque de malformations congénitales et de troubles du développement (autisme, retard du langage...) chez l'enfant. Pourquoi fait-il scandale ? Comprendre.
A cause de ses dangers pendant la grossesse, le médicament Dépakine fait scandale depuis plusieurs années. Le 3 août 2020, son fabricant, le groupe pharmaceutique Sanofi a été mis en examen pour "homicides involontaires" dans l'enquête ouverte en 2016 sur sa commercialisation. Cette mise en examen est "une très grande victoire pour les familles de victimes de la Dépakine", avait réagi l'Apesac (Aide aux parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anticonvulsivant). Sanofi avait déjà été mis en examen en février pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires", dans le cadre de cette enquête visant à établir s'il y a eu "tromperie sur les risques inhérents à l'utilisation du produit" . La Dépakine est un traitement à base de valproate de sodium prescrit chez les personnes souffrant d'épilepsie ou de troubles bipolaires. Utilisé pendant la grossesse, ce médicament serait dangereux et entraînerait des malformations congénitales ainsi que des troubles du développement (intellectuel, comportemental...) chez l'enfant. Pendant des années, ces risques -confirmés par des études scientifiques- n'ont pas été mentionnés sur sa notice. La Dépakine a continué d'être prescrite chez des femmes enceintes ou en âge de procréer alors que les dangers pour le fœtus étaient connus. Pour la première fois depuis la commercialisation de cet antiépileptique, l'Etat est condamné le 2 juillet 2020 pour "défaut d'information" et doit indemniser plusieurs familles victimes. Dangers, effets secondaires... Le point sur ce médicament au cœur d'un scandale sanitaire.
Définition : qu'est-ce que la Dépakine ?
La Dépakine est un médicament à base de valproate de sodium (substance active) indiqué dans le traitement de l'épilepsie et des troubles bipolaires chez l'adulte et l'enfant âgé de plus de 6 ans. Il s'agit également d'un traitement préventif des convulsions liées à la fièvre chez l'enfant de plus de 6 ans lorsque les benzodiazépines se sont montrées inefficaces. Chez l'adulte comme chez l'enfant, la prescription initiale de la Dépakine ne peut se faire que par un médecin spécialiste (neurologue, psychiatre ou pédiatre) et le traitement (posologie...) doit absolument être réévalué chaque année, également par un médecin spécialiste. Chez la femme, la prescription de Dépakine ne peut se faire sans que celle-ci ait reçu la brochure d'informations expliquant clairement les risques pour les enfants à naître et qu'elle ait signé un formulaire d'accord de soins.
Quel laboratoire la fabrique ?
La Dépakine est fabriquée par le laboratoire Sanofi-Aventis France qui la commercialise depuis 1967.
Pourquoi fait-il scandale ?
Du fait de sa dangerosité lorsqu'elle est prise pendant la grossesse et du manque d'information vis-à-vis de ces risques, la Dépakine (et ses dérivés) sont largement pointés du doigt par l'Agence du médicament et au cœur d'un scandale depuis des années. Etudes scientifiques, rebondissements.... Voici les dates-clefs pour tout comprendre de l'affaire de la Dépakine :
- Dès les années 1980, de nombreuses études révèlent les risques de malformations congénitales pour le fœtus exposé au valproate de sodium, la molécule active de la Dépakine.
- Dès le début des années 2000, le valproate de sodium est soupçonné d'impacter le développement cognitif et comportemental des enfants exposés in utero. Suites à ces nouvelles données scientifiques, le laboratoire Sanofi indique avoir alerté à plusieurs reprises les autorités de santé et sollicité des modifications dans les documents d'informations.
- Ce n'est qu'en 2010 que les risques de malformations congénitales et de troubles neurocomportementaux sont mentionnés dans la notice de ces médicaments.
- En 2014, plusieurs familles portent plainte contre le laboratoire Sanofi pour défaut d'informations concernant les risques de la Dépakine.
- En juin 2015, l'Agence nationale du médicament (ANSM) décide de renforcer les conditions de prescription et de délivrance de ce médicament pour les femmes enceintes ou en âge de procréer, avec notamment la mise en place d'un formulaire d'"accord de soins" qui doit être obligatoirement signé par les patientes.
- Début 2016, l'Inspection générale des affaires sociale (Igas) fait état de 450 malformations congénitales à la naissance entre 2006 et 2014 en France. L'Igas dénonce également l'"inertie" des autorités sanitaires françaises et du laboratoire Sanofi, et précise qu'à partir de 2003-2004, l'accumulation des signaux justifiait des mesures d'information des autorités sanitaires nationales et de l'agence européenne à l'attention des médecins et des patientes.
- Le 21 septembre 2016, l'association des victimes de la Dépakine (Apesac) dépose une plainte avec constitution de partie civile pour obtenir l'ouverture d'une information judiciaire et la désignation d'un juge. Une enquête est ouverte et vise à établir s'il y a eu "tromperie sur les risques inhérents à l'utilisation du produit et les précautions à prendre ayant eu pour conséquence de rendre son utilisation dangereuse pour la santé de l'être humain".
- Le 15 novembre 2016, l'Assemblée nationale donne son feu vert à la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine.
- En juillet 2017, les médicaments à base de valproate de sodium (Dépakote, Dépakine, Dépamide et leurs génériques) sont contre-indiqués aux femmes enceintes, mais également aux femmes et adolescentes en âge de procréer et n'ayant pas de contraception efficace. Cette contre-indication fait suite à la publication des deux premiers volets d'une étude menée par l'ANSM et la Cpam en août 2016 et en janvier 2017.
- Le 16 janvier 2019, le laboratoire Sanofi refuse d'indemniser les victimes de la Dépakine et assure avoir "informé les autorités en toute transparence" sur les risques du médicament. Il se justifie en précisant que depuis la fin des années 80, les autorités sanitaires auraient "à plusieurs reprises rejeté leurs demandes qui visaient, en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques, à mentionner dans la notice patient les risques pour le fœtus."
- Février 2020, Sanofi est mis en examen pour "tromperie aggravée" et "blessures involontaires".
- Le 2 juillet 2020, l'Etat est reconnu coupable dans ce scandale sanitaire. Le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) condamne l'Etat à indemniser trois familles dont les enfants sont lourdement handicapés après avoir été exposés in utero à la Dépakine. Le tribunal estime que l'Etat n'a pas suffisamment informé les patients sur les risques de ce médicament. Le laboratoire Sanofi ainsi que les médecins-prescripteurs sont également responsables de ce défaut d'information, mais dans une moindre mesure.
→ Au total, entre 16 600 et 30 400 enfants pourraient avoir été atteints de troubles mentaux et du comportement après avoir été exposés à la Dépakine (et ses dérivés) depuis sa commercialisation en 1967, estime l'Agence du médicament.
Dépakine et grossesse : quels dangers ?
La Dépakine expose à un risque de malformation congénitale et de troubles neuro-comportementaux, dont l'autisme.
Dans un communiqué du 26 mai 2015, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de Santé signale que les enfants exposés pendant la grossesse aux médicaments à base de valproate de sodium ou à ses dérivés présentent un risque élevé de malformations congénitales graves (spina bifida, anomalies cardiovasculaires ou des organes génitaux externes) ainsi qu'un risque accru de troubles neuro-développementaux précoces (4 à 5 fois plus de risques par rapport aux enfants non exposés au valproate de sodium in utero). Ces troubles, qui apparaissent généralement avant l'âge de 6 ans, correspondent à des troubles autistiques, des retards mentaux, des troubles de l'attention ou encore de difficultés ou des retards de langage. La période d'exposition la plus à risque se situerait au cours du deuxième et/ou du troisième trimestre de la grossesse. Dans ce contexte, l'ANSM décide en juillet 2017 d'interdire la prescription et la délivrance de ces médicaments pour les femmes enceintes, ainsi que pour les filles, adolescentes et femmes en âge de procréer et n'ayant pas de contraception efficace.
Dépakine et psychiatrie : quelles indications ?
La Dépakine est un médicament utilisé en psychiatrie. Ce traitement peut être prescrit en cas d'épilepsie (généralisée ou partielle) ou de troubles psychiatriques comme des épisodes maniaques du trouble bipolaire. Pour ces patients, la prescription initiale de la Dépakine ne peut se faire que par un psychiatre, qui doit réévaluer chaque année le traitement.
Quels sont les effets secondaires ?
- Dans plus de 10% des cas, la Dépakine entraîne l'apparition de nausées et de tremblements.
- Dans 1 à 10% des cas, la Dépakine entraîne : des vomissements, des diarrhées, des maux d'estomac, le plus souvent en début de traitement, un gonflement des gencives, une inflammation de la bouche, une prise de poids, une somnolence, des maux de tête, une sensation de vertiges, des troubles de la mémoire, une confusion des idées, de l'agressivité, des hallucinations, une agitation, des troubles de l'attention, une baisse d'audition, des mouvements involontaires et saccadés des yeux, des règles irrégulières, une anémie, une baisse des plaquettes sanguines, une hépatite.
- Dans moins de 1% des cas, la Dépakine entraîne : une chute de cheveux souvent passagère, une texture anormale des cheveux, une absence de règles, une ostéoporose, un trouble de la fertilité réversible à l'arrêt du traitement, une insuffisance rénale, une pancréatite, une réaction allergique.
- Très rarement (moins de 0.1% des cas), la Dépakine peut entraîner : une incontinence urinaire, une éruption cutanée potentiellement grave, une faiblesse musculaire, un lupus érythémateux ou une anomalie de la numération formule sanguine.
Des effets sur le comportement ?
Une augmentation du risque de dépression et de comportement suicidaire serait observée chez les patients qui sont traités par des antiépileptiques. Ce risque ne peut être exclu avec la Dépakine et ses dérivés. En revanche, les scientifiques ignorent encore quelles sont les causes de ce sur-risque de dépression et de pensées suicidaires. Si vous constatez la survenue d'idées morbides ou de signes de dépression (changement d'humeur, détachement affectif, difficultés de concentration...), signalez-le rapidement à votre médecin. Par ailleurs, compte tenu de ces risques, la vigilance de l'entourage est de rigueur.
Quelle est sa posologie ?
La Dépakine se prend le plus souvent sous la forme de comprimés à avaler, de préférence au cours des repas pour limiter les risques de troubles digestifs. La Haute autorité de Santé recommande la posologie suivante : 20 à 30 mg/kg par jour, répartis en deux ou trois prises.
► Voir la fiche médicament de la Dépakine : posologie, précautions d'emploi, interactions médicamenteuses...
Quels sont les génériques de la Dépakine ?
→ Médicaments princeps (non génériques). La Dépakine® est disponible le plus souvent sous la forme de comprimés (200 mg ou 500 mg), mais également en sirop (57.64 mg/ml) ou en solution buvable (200 mg/ml). Tous ces médicaments sont disponibles sur ordonnance (liste II) et sont remboursables à 65% par l'Assurance maladie. D'autres médicaments ont pour molécule active un dérivé du valproate de sodium (divalproate de sodium, valpromide...). Il s'agit de : Dépakote®, Dépamide®, Micropakine®.
→ Génériques de la Dépakine commercialisés en France : Valproate de sodium Arrow®, Valproate de sodium Biogaran®, Valproate de sodium EG®, Valproate de sodium Mylan®, Valproate de sodium Sandoz®, Valproate de sodium Teva Santé®, Valproate de sodium Zentiva®.
Sources : Base de données publiques des médicaments / Dossier Valproate et dérivés, ANSM.