Dystrophie musculaire : symptômes, femme, traitement
Les dystrophies musculaires regroupent un ensemble de myopathies héréditaires très hétérogène du point de vue génétique. Les gènes impliqués dans ces myopathies ont diverses fonctions, notamment dans la structure même de la fibre musculaire. Tout savoir avec le Dr Tanya Stojkovic, neurologue.
Définition : c'est quoi une dystrophie musculaire ?
Une dystrophie musculaire est une affection musculaire héréditaire de nature progressive, qui résulte de la mutation d'un gène essentiel pour la structure et l'activité de la fibre musculaire. La définition du terme dystrophie musculaire renvoie aux constations des anomalies observées en microscopie à partir d'une biopsie musculaire. Ces lésions musculaires se résument en une nécrose des fibres musculaires au fil du temps, le système de régénération devient insuffisant et la fibre en nécrose est remplacée par du tissu adipeux et de la fibrose. Il existe plusieurs types de dystrophies musculaires, en fonction du gène défaillant identifié. Toutefois, l'expertise d'un médecin spécialiste dans ce domaine reste essentielle pour les identifier. "L'une des dystrophies les plus fréquentes chez l'enfant est la dystrophie de Duchenne", note le Dr Tanya Stojkovic, neurologue.
C'est quoi une dystrophie musculaire de Duchenne ?
Cette affection musculaire touche le garçon et on dénombre 1/3 500 garçons nés avec cette anomalie génétique, transmise par la mère. Elle est due à l'absence d'un gène, la dystrophine, dont la production est essentielle au maintien des fibres musculaires. Différentes formes de la dystrophie sont présentes soit dans le muscle, le cœur mais également dans le cerveau. L'absence de production de cette protéine entraîne une dégénérescence progressive de l'ensemble des muscles squelettiques. Elle engendre alors la perte de la marche entre 10 et 15 ans et peut se compliquer d'une insuffisance cardiaque et respiratoire. De plus, l'expression cérébrale de ce gène explique les troubles du comportement, les difficultés d'apprentissage observés chez ces certains enfants. "Les premiers signes apparaissent souvent en moyenne vers l'âge de 4 ans chez un garçon chez lequel on constate de nombreuses chutes, des difficultés à se relever du sol, à courir, des mollets volumineux contrastant avec le volume des cuisses réduit", souligne-t-elle. Le médecin après examen va demander un dosage des CK (créatines kinases), composant du muscle, qui sont dans ce cas très élevées (> 50 fois la normale). Les autres complications sont une insuffisance respiratoire nécessitant l'aide d'une assistance respiratoire (ventilation avec un appareil respiratoire), une cardiomyopathie (altération de la fonction cardiaque) et des déformations orthopédiques telles que la scoliose nécessitant une chirurgie de la colonne vertébrale. La prise en charge multidisciplinaire au sein des différents centres de référence est essentielle. "Elle associe une surveillance des fonctions respiratoires, cardiaques et l'évaluation des fonctions motrices, cognitives et psychologiques, ainsi que leur prise en charge comprenant le traitement ciblé sur les fonctions cardiorespiratoires altérées mais également la kinésithérapie, l'ergothérapie, l'orthophonie, la prise en charge psychologique", ajoute-t-elle.
C'est quoi une dystrophie musculaire de Becker ?
La dystrophie de Becker fait également partie des dystrophies musculaires mais contrairement à la maladie de Duchenne avec laquelle elle partage le même gène, cette affection musculaire est beaucoup moins sévère dans son expression. En effet, la faiblesse est très variable, allant des formes plus sévères dont le début se situe souvent au cours de l'adolescence aux formes modérées révélées parfois tardivement (au-delà de 50 ans). La marche est longtemps conservée, avec une perte observée chez la moitié des patients au-delà de 40 ans. Tout comme la maladie de Duchenne, les complications cardiaques et respiratoires peuvent être notées mais elles sont nettement moins sévères. " Tout comme la dystrophie de Duchenne, des troubles de l'humeur, un syndrome anxiodépressif sont parfois constaté ", précise-t-elle.
La morphologie et la marche de ces enfants ou adultes est révélatrice.
Quels sont les symptômes d'une dystrophie musculaire ?
En général, pour les dystrophies de type Duchenne ou Becker, la morphologie et la marche de ces enfants ou adultes est révélatrice : "Ils présentent une marche dandinante, mettent les mains pour se relever du sol ou d'un siège. Leur examen montre des muscles très hypertrophiés (la taille des mollets contraste avec l'atrophie des muscles des cuisses, très fines). Ils rencontrent des difficultés à la marche, chutent régulièrement. C'est une partie de la charpente des fibres musculaires qui est atteinte". Les atteintes des muscles cardiaques et respiratoires sont fréquentes. "Le cœur étant un muscle, il peut être atteint de la même façon que les autres muscles au cours de la maladie. Il en est de même pour le diaphragme. Comme ces fonctions sont vitales, les paramètres cardiaques et respiratoires seront suivis attentivement", insiste le Dr Stojkovic. Toutes les fonctions quotidiennes reliées à l'intégrité musculaire sont atteintes chez les enfants et les jeunes adultes qui souffrent de la dystrophie musculaire. Il n'est pas rare de voir la dystrophie s'accompagner d'une cardiomyopathie, d'arythmie et d'une insuffisance des muscles respiratoires.
Quelles sont les causes d'une dystrophie musculaire ?
La présence d'une mutation du gène de la dystrophine sur l'un des chromosomes X d'une femme est responsable de ces maladies. Dans le cas de la dystrophie de Duchenne, la dystrophine n'est pas produite : elle est donc absente du muscle alors que dans la dystrophie de Becker, la dystrophine est encore présente mais en moindre quantité par rapport au sujet sain. Ces pathologies concernent en très grande majorité les garçons et de très rares cas les femmes. Les femmes sont donc transmettrices de ces dystrophies musculaires de type Duchenne et Becker. "Le dépistage des femmes dites conductrices de la maladie est systématiquement proposé et sera réalisé au cours d'une consultation de génétique médicale. Certaines jeunes femmes peuvent développer une dystrophie musculaire de Duchenne du fait de l'activation du chromosome X et développer une forme plus modérée de la maladie", ajoute le Dr Stojkovic.
Comment poser le diagnostic d'une dystrophie musculaire ?
Les divers signes cliniques, l'âge d'apparition des premiers symptômes et une histoire familiale de dystrophie musculaire sont les indices les plus significatifs pour que le médecin puisse poser un diagnostic ou supposer un diagnostic de dystrophie. Le diagnostic clinique est confirmé par plusieurs méthodes. Le taux de créatine-phosphokinase (CPK) est 50 à 200 fois supérieur à la normale pour la dystrophie de Duchenne ou 10 à 35 fois pour la dystrophie de Becker. La biopsie musculaire montre une dystrophie (fibres nécrotiques, régénératives). L'étude immunohistochimique révèle une absence totale de dystrophine dans la dystrophie de Duchenne, et une quantité et/ou qualité anormale dans la dystrophie de Becker. Le diagnostic de confirmation génétique est obtenu après analyse du gène de la dystrophine dans un laboratoire spécialisé. Certaines anomalies du gène (mutations) aboutissent à l'absence de dystrophine (dystrophie de Duchenne) et d'autres à une production réduite de la dystrophine (dystrophie de Becker).
Comment soigner une dystrophie musculaire ?
Il n'y a actuellement aucun traitement curatif pour les dystrophies musculaires de Duchenne ou de Becker. La prise en charge de ces patients est essentielle afin de conserver le plus longtemps possible une certaine autonomie et qualité de vie. La prise en charge est fonctionnelle (kinésithérapie, ergothérapie guidées par les médecins de médecine physique et de rééducation, ainsi que les ergothérapeutes), orthopédique (arthrodèse si scoliose importante, prothèses), respiratoire, cardiaque, nutritionnelle et psychologique. "Ces patients sont suivis régulièrement par différents professionnels de santé et accompagnés très souvent par les référents de l'Association française contre les myopathies". Des traitements plus spécifiques existent. Dans la maladie de Duchenne, la corticothérapie permet de reculer l'âge de la perte de la marche, de conserver plus longtemps les fonctions respiratoires et de réduire les déformations orthopédiques. Ce traitement nécessite un suivi régulier des paramètres biométriques, biologiques et de la densité minérale de l'os. D'autres thérapies sont en développement, telles que la thérapie génique (remplacement du gène défaillant par le gène sain au sein des cellules), ayant pour but de restaurer la production de la dystrophine. Il existe également la thérapie cellulaire, qui vise à augmenter la masse musculaire, à réduire la destruction des muscles dans les dystrophies de Duchenne et Becker.
Quelle espérance de vie avec une dystrophie musculaire ?
L'évolution de la dystrophie musculaire de Duchenne est sévère avec une insuffisance cardiorespiratoire terminale chez le jeune adulte. Cette espérance de vie s'est cependant nettement améliorée grâce à la prise charge globale de cette pathologie et notamment le traitement de la cardiomyopathie, ainsi que de la ventilation. Elle atteint aujourd'hui les 36 ans. Dans la dystrophie musculaire de Becker, l'âge moyen de décès est aux alentours de 45 ans mais la prise en charge multidisciplinaire de ces patients permet une espérance de vie proche de la normale.
Merci au Dr Tanya Stojkovic, Service de NeuroMyologie, responsable du centre de référence des maladies neuromusculaires de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Institut de myologie, à Paris.