Hépatite aiguë : c'est quoi, pourquoi le foie s'enflamme ?
Une hépatite aiguë est l'inflammation soudaine du foie. Elle est souvent virale, mais parfois aucune cause n'est retrouvée. Quels sont les symptômes ? Quel bilan de santé faire ? Réponses du Pr Patrick Marcellin, hépatologue.
L'hépatite aiguë se caractérise une inflammation du foie qui débute brutalement. Des douleurs abdominales, des diarrhées et des vomissements, une jaunisse et une augmentation des taux d'enzymes hépatiques (transaminases ASAT/ALAT) peuvent évoquer une inflammation du foie. Quelles sont les causes d'une hépatite aiguë ? Est-ce grave ? Quels sont les symptômes d'alerte ? Est-ce que ça peut guérir ? En combien de temps ? Réponses avec le Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon.
Définition : c'est quoi une hépatite aiguë ?
L'hépatite aiguë correspond à une inflammation du foie, c'est-à-dire à un infiltrat de globules blancs dans le foie, associée à une destruction des cellules hépatiques (appelées hépatocytes). Cette nécro-inflammation est donc caractéristique d'une hépatite. L'hépatite aiguë survient dans un intervalle de temps court (de quelques jours à quelques semaines).
Quelle est la différence entre une hépatite aiguë et chronique ?
"L'hépatite aiguë est une hépatite qui dure de quelques jours à quelques semaines et au maximum 6 mois", indique le Pr Marcellin. Au-delà de 6 mois, on parle d'hépatite chronique. "Néanmoins, il faut toujours se méfier car une hépatite aiguë peut être une poussée d'une hépatite chronique. En effet, l'exacerbation d'une hépatite chronique ressemble fortement à une hépatite aiguë", signale l'hépatologue. L'hépatite aiguë guérit en quelques semaines, même en l'absence de traitement. C'est le cas de l'hépatite A et B. Mais parfois, l'hépatite aiguë peut devenir chronique. C'est le cas de l'hépatite C. Une hépatite chronique est plus grave et peut évoluer vers une cirrhose ou un cancer du foie.
C'est quoi une hépatite aiguë fulminante ?
"90% des hépatites guérissent spontanément, sans traitement. Mais 10% des hépatites peuvent évoluer vers une forme plus grave. Parmi les formes graves, on retrouve l'hépatite fulminante. Comme il s'agit d'une hépatite très sévère, plus de 90% des cellules hépatiques meurent, ce qui entraîne une insuffisance hépatique. Cela reste exceptionnel, mais il faut y penser, particulièrement en cas d'infection concomitante d'hépatites B et D, ou d'hépatite virale liée au virus de l'Herpès ou d'hépatite médicamenteuse", explique le Pr Marcellin. Le foie endommagé n'est plus capable d'éliminer les toxiques comme il est censé le faire habituellement, les substances toxiques s'accumulent dans le sang et peuvent atteindre le cerveau, ce qui peut entraîner une encéphalopathie hépatique avec des confusions, qui peut elle-même entraîner un coma, potentiellement mortel en 24 ou 48 heures. "Dans ce cas, il faut hospitaliser le patient et envisager une transplantation hépatique en urgence, ce qui permet de sauver 90% des patients", indique l'expert.
Dans 90% des cas, une hépatite est asymptomatique
Quels sont les symptômes d'une hépatite aiguë ?
"Dans 90% des cas, une hépatite est asymptomatique. On fait probablement tous des hépatites sans s'en rendre compte car ça ne provoque aucun symptôme ou parfois simplement de la fatigue", indique le Pr Marcellin. En revanche, 10% des hépatites sont symptomatiques et entraînent les symptômes suivants :
- Une jaunisse (ou ictère), le symptôme le plus évocateur d'une hépatite. "Une jaunisse est due à l'augmentation de la bilirubine qui est moins métabolisée par le foie. Une jaunisse commence par provoquer le blanc de l'œil un peu jaune, puis le teint jaune. La jaunisse s'accompagne d'urines foncées", décrit le spécialiste.
- Une fatigue modérée
- En cas d'hépatite virale : un syndrome pseudo-grippal avec fièvre, courbatures, fatigue, douleurs articulaires, symptômes digestifs, nausées et maux de tête.
Quelle est la durée d'une hépatite aiguë ?
Une hépatite aiguë dure de quelques jours à quelques semaines, et au maximum six mois. La majorité des symptômes disparaissent en général en une semaine. Les symptômes comme la jaunisse disparaissent en 2 à 4 semaines. Dans certains cas, il faut plusieurs mois pour que la jaunisse guérisse complètement.
Quelles sont les causes d'une hépatite aiguë ?
L'hépatite aiguë est souvent d'origine virale - causée par un virus de l'hépatite A,B, C, D ou E - ou causée par d'autres virus : cytomégalovirus, mononucléose infectieuse avec le virus Epstein-Barr, herpès (surtout chez les gens immunodéprimés)...
- Le virus de l'hépatite A est transmis par des eaux et aliments contaminés. C'est l'hépatite aiguë du voyageur (Afrique, Amérique du Sud, Asie...).
- Le virus de l'hépatite B est transmis par voie sexuelle ou par contact avec le sang.
- Le virus de l'hépatite C est transmis par contact avec le sang. C'est l'hépatite aiguë du toxicomane.
- Le virus de l'hépatite D est un parasite de l'hépatite B. Il n'est jamais transmis sans le virus de l'hépatite B.
- Le virus de l'hépatite E (rare en France) ressemble au virus de l'hépatite A. Il est souvent transmis par la consommation de charcuteries.
Attention aux médecines douces ou à l'automédication : une hépatite peut parfois être provoquée par l'ingestion de produits censés être naturels
Une hépatite aiguë peut également être d'origine alcoolique (inflammation causée par la consommation chronique et excessive d'alcool), médicamenteuse. On distingue l'hépatite médicamenteuse allergique (le foie est allergique à la molécule du médicament consommé) de l'hépatite médicamenteuse toxique (engendrée par le surdosage d'un médicament ou d'un toxique, en particulier le paracétamol, mais aussi des solvants professionnels ou les champignons type amanite phalloïde souvent confondue avec un champignon comestible). "Attention aux médecines douces ou à l'automédication : une hépatite peut parfois être provoquée par l'ingestion de produits censés être naturels, prévient l'hépatologue. D'autres causes, plus rares, peuvent provoquer une hépatite aiguë comme l'hépatite auto-immune, l'hépatite d'hypoxie qui est d'origine cardiaque (le foie est mal irrigué à cause d'un problème cardiaque (un flux sanguin insuffisant) et les hépatocytes meurent) ou les hépatites d'origine génétique, particulièrement chez les enfants", décrit notre interlocuteur.
Est-ce grave une hépatite aiguë ?
90% des hépatites aiguës se résolvent spontanément. L'hépatite A aiguë guérit en quelques semaines, sans traitement et n'évolue pas vers une forme chronique. L'hépatite B aiguë évolue vers la guérison dans 90% des cas, et peut devenir chronique dans 10% des cas. L'hépatite C aiguë évolue vers la guérison dans 50% des cas, mais dans 50% des cas, elle peut persister et évoluer en une hépatite chronique. L'hépatite chronique est plus grave car elle peut évoluer en cirrhose ou en cancer du foie.
Bilan : comment pose-t-on le diagnostic d'une hépatite aiguë ?
"Devant une jaunisse, le médecin peut penser à une hépatite. Mais toutes les maladies du foie (cirrhose alcoolique, lithiase biliaire...) peuvent entraîner une jaunisse. Il faut donc réaliser une analyse de sang. Une hépatite se caractérise par une élévation des transaminases, des enzymes qui se trouvent dans les cellules du foie, quand ces cellules meurent, ces enzymes passent dans le sang. On comprend donc bien que plus les cellules hépatiques meurent, plus les transaminases sont élevées dans le sang. Une hépatite aiguë est suspectée en cas d'élévation des transaminases de 10 fois la normale", indique le Pr Marcellin (un taux pouvant légèrement varier en fonction du laboratoire) :
- Pour une hépatite bénigne, le taux de transaminases est inférieur à 400.
- Pour une hépatite modérée, le taux de transaminases est entre 400 et 1 000. Généralement dans le cas d'une hépatite, les transaminases ALAT sont supérieures aux transaminases ASAT
- Pour une hépatite sévère, le taux de transaminases est généralement compris entre 1 000 et 5 000
- Pour une hépatite fulminante, le taux de transaminases est généralement compris entre 5 000 et 10 000
Ensuite, il faut réaliser une échographie du foie pour s'assurer que ce n'est pas un calcul bloqué dans les voies biliaires par exemple ou un cancer. Dans le cas d'une hépatite, les voies biliaires sont normales et l'échographie du foie est normale. Il s'agit d'un examen indispensable pour éliminer une urgence chirurgicale. En cas d'hépatite, le médecin doit déterminer le pourcentage de fonction hépatique, mesuré à l'aide du taux de prothrombine (aussi appelé temps de Quick).
- Un taux de prothrombine (TP) supérieur à 90% suggère une fonction hépatique normale
- Un taux de prothrombine (TP) compris entre 70 et 90% suggère une hépatite "pas très grave"
- Un taux de prothrombine (TP) inférieur ou égal à 50% suggère une hépatite grave pouvant évoluer défavorablement. Cela nécessite une hospitalisation en urgence car il y a un risque réel d'hépatite fulminante (dans le cas d'une hépatite fulminante, le TP est inférieur à 20%).
Il faut déterminer la cause de l'hépatite :
Premièrement, le médecin généraliste fait un examen clinique (présence d'une jaunisse, foie gonflé...) et interroge le patient sur sa consommation d'alcool, de médicaments ou d'autres toxiques.
Deuxièmement, il prescrit trois sérologies pour voir si sont détectés des anticorps aux virus de l'hépatite A (IgM anti hépatite A), de l'hépatite B (IgM anti hépatite B) et de l'hépatite C (anticorps anti hépatite C). L'hépatite aiguë A est fréquente. Les hépatites aiguë B ou C sont plus rares.
Troisièmement (si les trois sérologies précédentes ne détectent aucun anticorps), on fait d'autres sérologies pour détecter les anticorps aux virus de l'hépatite D (une hépatite D ou Delta ne survient jamais sans l'hépatite B) ou de l'hépatite E
Si le diagnostic ne peut pas être posé avec l'interrogatoire et/ou les sérologies, il faut rechercher du côté des maladies rares du foie : l'hépatite auto-immune (recherche d'auto-anticorps), beaucoup plus fréquente chez la femme que chez l'homme, l'hémochromatose (surcharge en fer), la maladie de Wilson (surcharge en cuivre)...
Traitement : comment soigner une hépatite aiguë ?
L'hépatite B (guérison dans 90% des cas) et l'hépatite C (guérison dans 50% des cas) ne sont pas traitées, sauf si elles durent plus de 6 mois.
Pour les hépatites A et B, il n'y a pas de traitement. "90% des hépatites guérissent spontanément, sans traitement, car le corps parvient à combattre naturellement les virus en cause. On surveille les taux de transaminases jusqu'à temps qu'ils se normalisent. L'hépatite A guérit toujours sans séquelles, sauf si c'est une hépatite fulminante, mais c'est très rare. L'hépatite B (guérison spontanée dans 90% des cas) et l'hépatite C (guérison spontanée dans 50% des cas) ne sont pas traitées, sauf si elles durent plus de 6 mois. Il faudra alors réaliser un dosage des transaminases et diriger le patient vers un hépatologue. Il existe un traitement contre l'hépatite C qui permet la guérison dans 100% des cas (association de 2 ou 3 antiviraux à action directe administrés par voie orale pendant 8 à 12 semaines et bien tolérés). On ne dispose d'aucun traitement pour infléchir une hépatite E. Par ailleurs, il y a des nouveaux traitements qui arrivent sur le marché pour traiter les hépatites rares". Une hépatite entraînée par le virus de l'herpès ou le CMV (ce sont des hépatites assez rares) ne nécessite pas de traitement. Une surveillance, du repos et une alimentation équilibrée sont préconisés. Les symptômes disparaissent spontanément. les personnes atteintes d'hépatite aiguë sévère peuvent nécessiter une hospitalisation afin que les symptômes puissent être traités. En cas d'hépatite fulminante, une transplantation hépatique peut être réalisée en urgence. elle représente le meilleur espoir de survie.
Type d'hépatite | Traitement | Taux de guérison |
---|---|---|
Hépatite A | Pas de traitement | 100% (sans séquelles) |
Hépatite B | Pas de traitement | 90% |
Hépatite C | Pas de traitement sauf si elle dure plus de 6 mois = antiviraux | 50% sans traitement |
Hépatite D (toujours concomitante avec l'hépatite A) | Pas de traitement | 90% |
Hépatite E | Pas de traitement | 90% |
Hépatite fulminante | Hospitalisation + transplantation hépatique en urgence selon la gravité | 90% si transplantation hépatique |
Autre hépatite virale | Pas de traitement | 90% |
Quelle prévention pour éviter les hépatites ?
► Il existe un vaccin contre l'hépatite A : la vaccination après infection à est recommandée dans un délai maximal de 14 jours pour l'entourage familial d'une personne atteinte d'hépatite A (ou vivant sous le même toit) afin d'éviter la contamination de ses proches. La vaccination préventive est recommandée pour certaines personnes :
- les jeunes accueillis dans les établissements pour l'enfance et la jeunesse handicapées ;
- les personnes atteintes de mucoviscidose
- les personnes atteintes de maladies du foie pouvant devenir chroniques, par exemple, celles qui sont dues aux virus des hépatites B et C ou à une consommation excessive d'alcool
- les enfants, à partir de l'âge d'1 an, nés de familles dont au moins un des membres est originaire d'un pays où sévit de manière importante l'hépatite A et qui sont susceptibles d'y séjourner (en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique centrale et du Sud)
- les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes
- pour les professionnels à risque de contamination
- à partir de l'âge d'1 an pour tous les voyageurs devant séjourner dans une région du monde où l'hygiène est précaire
► Il existe un vaccin contre l'hépatite B (qui protège aussi contre l'hépatite D) : la vaccination contre l'hépatite B est obligatoire chez tous les nourrissons nés à partir du 1er janvier 2018 dès l'âge de 2 mois. La vaccination est aussi recommandée, en rattrapage, chez tous les enfants ou adolescents jusqu'à l'âge de 15 ans révolus, non antérieurement vaccinés.
► Il n'existe pas de vaccin contre l'hépatite C mais il y a un traitement qui la guérit à 100%
► Il n'existe pas de vaccin contre l'hépatite E : la prévention (respect de certaines règles d'hygiène et de cuisson des aliments notamment) constitue l'approche la plus efficace contre la maladie.
► Il n'existe pas de vaccin contre les autres virus pouvant entraîner une hépatite comme l'herpès, le CMV...
Merci au Pr Patrick Marcellin, hépatologue à l'hôpital Beaujon et Président de l'APHC (Association pour l'amélioration de la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques du foie)