CIVD (coagulation intravasculaire disséminée) : symptômes, définition, une urgence ?

Le syndrome de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) est le résultat de l'activation généralisée de la coagulation sanguine qui peut avoir de nombreuses causes. Aux conséquences particulièrement sévères, la CIVD doit être prise en charge le plus précocement possible. Pendant l'épidémie de Covid, elle est survenue chez des personnes vaccinées avec le vaccin AstraZeneca.

CIVD (coagulation intravasculaire disséminée) : symptômes, définition, une urgence ?
© tussik13

Définition : qu'est-ce que la CIVD ? 

La coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) est caractérisée par l'activation généralisée et non contrôlée de la coagulation (formation exagérée de thrombine, enzyme- clé de la coagulation, et de fibrine, forme insoluble du fibrinogène à l'origine du caillot) dans un système vasculaire anatomiquement intact. "Il s'agit d'un syndrome thrombo-hémorragique. Ce phénomène aigu à l'intérieur du compartiment vasculaire est responsable de la formation de micro-caillots dans la circulation qui vont obstruer les vaisseaux et compromettre tous les organes irrigués par ceux-ci : cœur, poumon, foie, rein, cerveau, intestin… avec pour conséquence des ischémies sévères (manque d'apport d'oxygène). Tous les facteurs de la coagulation étant consommés par ces micro-thromboses diffuses, il va y avoir de façon paradoxale dans les suites un risque d'hémorragie" informe le professeur Ismaïl Elalamy, médecin hématologue, Chef du service d'hématologie biologique de l'hôpital Tenon à Paris. "Cette situation, qui n'est pas exceptionnelle, peut survenir dans de nombreuses situations, médicales et chirurgicales" précise le spécialiste.

Quels sont les symptômes ? 

Les manifestations cliniques dépendent de la cause. De façon générale, les signes d'alerte de la CIVD sont thrombotiques et/ou hémorragiques. "Les symptômes peuvent être des céphalées violentes qui s'intensifient, des troubles de l'équilibre, des troubles de la vision (je vois double, je vois flou), des douleurs abdominales violentes avec parfois une diarrhée, une situation de coliques importantes, un bras ou une jambe présentant un œdème (gonflement), une couleur rouge ou blanche, des myalgies très importantes qui s'intensifient témoignant de l'obstruction vasculaire par la formation de caillots au sein du compartiment vasculaire. Puis surviennent des phénomènes hémorragiques avec des saignements "en nappe" ou des ecchymoses étendues en "carte de géographie" en rapport avec une fibrinolyse réactionnelle…" décrit le Pr Elalamy.

Quelles sont les causes ? 

La CIVD peut avoir de nombreuses causes, notamment une septicémie, un polytraumatisme, un cancer, ou encore une pathologie compliquant une grossesse, qui peuvent activer la coagulation de manière généralisée. "En cas de septicémie, les bactéries présentes dans le sang être responsables de l'activation de la coagulation en créant des agressions et des lésions cellulaires. Elles jouent le rôle de "torche" de tout le compartiment vasculaire" explique le Pr Ismaïl Elalamy. Une septicémie entraîne une CIVD dans 30 à 50% des cas. Le polytraumatisme, lui, crée des lésions osseuses avec libération dans le sang circulant de débris osseux qui sont des potentiels activateurs de la coagulation" décrit le médecin qui précise qu'un polytraumatisme cause une coagulation intravasculaire disséminée dans 5 à 10% des cas. Autre cause majeure de CIVD, le cancer. "Les tumeurs libèrent des produits incendiaires qui miment la thrombine ou des produits de dégradation cellulaire qui sont toxiques et qui peuvent favoriser l'activation de la coagulation, comme au cours des complications obstétricales telles qu'une rupture placentaire, une prééclampsie, ou la rétention d'un fœtus mort in utero" informe le Pr Elalamy. D'autres situations toxiques comme une envenimation par une morsure de serpent peuvent également être le point de départ d'une stimulation violente et intense de la coagulation. Enfin, certains vaccins contre le SARS-COV2 (virus de la COVID-19) avec un vecteur à adénovirus (comme AstraZeneca, ou Janssen) peuvent déclencher de façon exceptionnelle une CIVD. "L'incidence est très rare, le bénéfice de la vaccination reste très supérieure au risque, et nous savons mieux gérer ce problème quand cela est pris en charge précocement. Il est important que les personnes vaccinées consultent leur médecin en présence de signes décrits ci-dessus apparaissant plus de 4 jours après la vaccination" rassure le Pr Elalamy. "Il s'agit d'un accident immunologique très particulier en rapport avec des auto-anticorps dans le sang circulant provoquant une activation pluri-cellulaire et une hyper-coagulation" détaille-t-il.

Quels sont les risques ? 

Le risque d'une CIVD est une défaillance multi-viscérale à cause des micro-thromboses et un risque hémorragique cataclysmique en rapport avec un déficit généralisé en facteurs de la coagulation. C'est pourquoi il est important que ce syndrome soit pris en charge au plus tôt. "En fonction de l'étendue et de l'importance de cette coagulopathie, la prise en charge est plus ou moins aisée. Le pronostic est réservé lorsque les organes vitaux sont touchés" explique le Pr Ismaïl Elalamy. "On peut dire que CIVD est un aussi acronyme qui souligne le pronostic péjoratif de cette situation critique : "Coagulopathie Indiquant la Venue du Décès !" Les anglo-saxons utilisent d'ailleurs l'acronyme de DIC pour "Disseminated Intravascular Coagulopathy" et de "Death Is Coming."

Comment faire le diagnostic ?

Le diagnostic est basé à la fois sur des critères cliniques (signes de thrombo-hémorragie surtout micro-vasculaire), anamnestiques (histoire de la maladie), et biologiques (consommation des facteurs de la coagulation et des plaquettes pour former les caillots). "Il existe des scores biologico-cliniques qui vont permettre de déterminer la probabilité de CIVD selon le contexte, des signes de dysfonction organique, les paramètres biologiques (temps de coagulation, activation de la coagulation et la consommation de facteurs, inhibiteurs de la coagulation et plaquettes)" indique le médecin hématologue. Un des scores de référence est le score de la Société Internationale sur la Thrombose et l´Hémostase (ISTH).

Comment traiter la CIVD ? 

Le traitement de la CIVD repose en premier lieu sur le traitement de la cause :

  • Antibiothérapie efficace en cas de septicémie,
  • Prise en charge du problème obstétrical par l'évacuation d'un fœtus mort-in utéro,
  • Stabilisation des lésions osseuses en cas de polytraumatisme pour qu'il n'y ait plus de libération de moelle osseuse ou de débris osseux,
  • Opération ou traitement d'un cancer pour que la réduction de la masse tumorale ne pollue plus le sang par le relargage de produits pro-coagulants.

En parallèle, il s'agit de corriger les déficits. "Il faut compenser ce que le patient consomme en plaquettes, en plasma, en facteurs naturels inhibiteurs de la coagulation" informe le Pr Elalamy. "Le traitement plurifactoriel est décidé au cas par cas et la correction se fait de manière progressive pour " freiner et accélérer " en même temps. On doit rétablir l'équilibre avec une coagulation mieux maitrisée grâce à l'apport soigneux et contrôlé d'anticoagulants pharmacologiques, de plaquettes et de facteurs plasmatiques" précise-t-il. "Ce traitement est compliqué, et il sera délicat si le diagnostic a été fait tardivement" souligne le médecin. "Dans le cadre spécifique d'une CIVD après un vaccin anti-SARS-COV2 à vecteur adénoviral, le traitement qui doit être entrepris le plus précocement possible consiste à administrer des anticoagulants et des immunoglobulines intraveineuses qui, en occupant les sites récepteurs membranaires sur toutes les cellules du compartiment vasculaire, permettront de neutraliser la stimulation immune incendiaire par les auto-anticorps" détaille le Pr Elalamy.

Remerciements au Pr Ismaïl Elalamy, médecin hématologue, Chef du service d'hématologie biologique de l'hôpital Tenon à Paris.