Le syndrome de Gougerot-Sjögren est-il mortel ?
Cette maladie touche particulièrement les femmes après 40 ans.
Le syndrome de Gougerot-Sjögren est une maladie auto-immune caractérisée par une diminution des sécrétions de larmes et de salive entraînant un syndrome sec pouvant toucher différents organes et viscères. Il s'agit d'une maladie rare touchant un peu moins d'un adulte sur 10 000 et "principalement les femmes" après 40 ans, nous informe le Dr Rakiba Belkhir, rhumatologue à l'hôpital Bicêtre. "On a beaucoup étudié le rôle des hormones sexuelles pour tenter de comprendre cette différence de prévalence entre les femmes et les hommes mais pour l'instant on n'a pas la réponse. Ce que l'on sait, c'est qu'il y a souvent un terrain génétique, c'est-à-dire qu'au sein d'une même famille de patients, certains vont avoir un syndrome de Gougerot-Sjögren, d'autres vont avoir des maladies auto-immunes différentes. C'est une maladie polygénique, ce qui signifie qu'il y a plein de gènes qui sont incriminés et quand on l'a, on ne le transmet pas systématiquement à ses enfants", précise la rhumatologue. Le syndrome de Gougerot-Sjögren, également appelé syndrome sec auto-immun, est une maladie rare qui se caractérise par la présence d'auto-anticorps, c'est-à-dire d'anticorps qui sont dirigés contre nos propres cellules. La maladie peut apparaître, à l'occasion d'un stress, d'une grossesse ou encore d'une infection virale.
Quels sont les symptômes ?
La maladie entraîne une réduction voire un arrêt complet de la sécrétion de certaines glandes du corps humain, notamment les glandes salivaires, lacrymales, vaginales et digestives. Ceci est responsable d'une sécheresse cutanée, d'une sécheresse oculaire, d'une sécheresse buccale. Les symptômes oculaires sont des picotements oculaires, impression de grain de sable dans les yeux, l'absence de larmes, des kératites à répétition. La sécheresse buccale et/ou oculaire est invalidante, obligeant le patient à boire la nuit et souvent à mettre des gouttes lubrifiantes dans les yeux. Les autres symptômes sont les douleurs (articulaires notamment) et la fatigue. "Une biopsie des petites glandes salivaires au niveau de la lèvre inférieure (sous anesthésie locale) va permettre d'aider au diagnostic en recherchant une inflammation à ce niveau-là" commente le Dr Rakiba Belkhir. Ce syndrome peut être isolé ou associé à d'autres pathologies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde ou le lupus érythémateux disséminé.
Des risques de lymphome ?
Le lymphome apparaît chez 5 % des patients, ce qui signifie que 5 personnes sur 100 pourraient développer un lymphome. Il s'agit d'un lymphome très particulier qui touche en particulier la parotide, glande salivaire la plus importante du corps, et qui est généralement de très bon pronostic. "Ce sont tellement des lymphomes de bas grade que de nombreux médecins ne traitent pas, ils se contentent de les surveiller. D'autres équipes les traitent avec des chimiothérapies allégées comme il s'agit d'un lymphome peu agressif. Le lymphome est un reflet de la maladie qui indique que le syndrome de Sjögren est très actif sur le plan immunitaire, il se développe à cette occasion", rassure la rhumatologue.
Quels sont les traitements ?
Le traitement de cette maladie reste difficile, aucun ne permet de la soigner. Les traitements proposés ciblent les symptômes. "C'est une maladie qui va toucher les patients de façon très différente. Certains vont n'avoir que des douleurs et de la sécheresse buccale et oculaire. D'autres vont développer des formes plus sévères qui vont toucher les poumons ou le rein, explique la spécialiste. De nombreux essais ont été effectués avec des médicaments qui sont utilisés dans les maladies auto-immunes, notamment le Plaquénil®, mais il ne fonctionne pas sur tout le monde donc nous n'avons pas de traitement de référence. D'où l'importance des essais cliniques qui sont en cours actuellement. On va juste prendre en charge les symptômes : la douleur avec des anti-inflammatoires et des antidouleurs, la sécheresse oculaire avec des collyres, la sécheresse buccale avec de la pilocarpine ".
Quelle espérance de vie ?
Le syndrome altère la qualité de vie des malades mais n'a pas d'impact sur le pronostic vital en l'absence de complication plus grave. La principale complication systémique est la survenue de lymphome qui est environ 10 fois plus fréquente que dans la population générale. Cependant sa fréquence reste faible : 5 % des patients
Des risques si on est enceinte ?
"Le syndrome de Sjögren ne pose pas de problème particulier chez la patiente pendant la grossesse dans le sens où elle ne va pas faire plus de poussées. En revanche, il peut avoir un effet négatif sur le fonctionnement cardiaque du fœtus quand on découvre les anticorps SSA (syndrome sec A) avant et pendant la grossesse ", prévient le Dr Rakiba Belkhir. Une surveillance particulière va donc être instaurée, notamment par une écho-cardiographie fœtale au deuxième et troisième trimestre pour dépister cette anomalie. Si elle est avérée, des traitements seront mis en place. Le risque principal pour l'enfant, c'est d'avoir un pacemaker dès la naissance pour améliorer la conduction du cœur.
Syndrome de Gougerot-Sjögren secondaire
On parle de syndrome de Sjögren secondaire quand celui-ci est secondaire à une autre maladie auto-immune. Par exemple, la polyarthrite rhumatoïde qui est la maladie auto-immune articulaire la plus fréquente en France. "Souvent, on dit polyarthrite rhumatoïde avec syndrome de Sjögren secondaire. Pour nous, cela veut simplement dire que c'est la polyarthrite qui est prédominante chez la patiente. On travaille actuellement pour savoir si le syndrome de Gougerot-sjögren secondaire est vraiment différent du primitif mais pour l'instant, on ne sait pas", poursuit la spécialiste.
Merci au Dr Rakiba Belkhir, rhumatologue à l'hôpital Bicêtre, centre de référence national pour le syndrome de Gougerot-Sjögren.
- Protocole National de Diagnostic et de Soins, Maladie (ou syndrome) de Sjögren, HAS, mars 2022