Virus d'Epstein-Barr : c'est quoi, contagion, traitement
Le virus d'Epstein-Barr (EBV, virus de l'herpès) peut entraîner une mononucléose et potentiellement une sclérose en plaques (SEP), selon une étude américaine. Symptômes, transmission, traitements... Eclairage du Pr Charles Cazanave, médecin spécialiste en pathologie infectieuse et tropicale au CHU de Bordeaux.
Le virus Epstein-Barr est un virus de l'herpès. Il peut provoquer l'herpès génital ou encore la mononucléose. Quels symptômes entraine-t-il ? Y a-t-il un vaccin pour s'en prémunir ?
Définition : qu'est-ce que le virus Epstein-Barr ?
"Le virus Epstein-Barr est un virus qui fait partie de la grande famille des Herpès-virus, les plus connus d'entre eux étant le HSV-1, responsable du bouton de fièvre et le HSV-2, responsable l'herpès génital, une MST (maladie sexuellement transmissible)," informe le Pr Charles Cazanave, médecin spécialiste en pathologie infectieuse et tropicale au CHU de Bordeaux.
Quelles maladies peut-il entraîner ?
► La mononucléose. "La maladie le plus souvent en lien avec le virus EBV est la mononucléose infectieuse. Il s'agit d'une primo infection au virus EBV, lors du premier contact avec ce virus. Cette primo infection est plus ou moins symptomatique selon les cas et les personnes" indique le Pr Charles Cazanave. "Cette maladie souvent appelée "maladie du baiser" touche de façon préférentielle les adolescents et jeunes adultes, avec un pic d'incidence entre 15 et 25 ans " précise-t-il. "Ce virus reste dans nos lymphocytes et peut refaire parler de lui dans certaines circonstances de déficit immunitaire comme par exemple en cas d'infection à VIH non traitée et évoluée. Les maladies ganglionnaires (lymphomes : lymphome de Hodgkin, lymphome de Burkitt) dues au virus EBV sont cependant très exceptionnelles" rassure-t-il.
►La sclérose en plaques (SEP) pourrait être causée par le virus d'Epstein-Barr (EBV), a montré une vaste étude épidémiologique américaine, publiée le 13 janvier 2022 dans la revue Science. "Le risque de sclérose en plaques serait multiplié par 32 après une infection par le virus d'Epstein-Barr, mais n'a pas augmenté après une infection par d'autres virus, y compris le cytomégalovirus transmis de manière similaire", indiquent les auteurs, après avoir analysé une cohorte comprenant plus de 10 millions de jeunes adultes en service actif dans l'armée américaine, dont 955 ont reçu un diagnostic de SEP lors de leur période de service. Tous, sauf un, présentaient des anticorps anti-EBV dans le sérum au moment de leur diagnostic. Il s'agit de "la première étude fournissant une preuve convaincante de causalité", a déclaré Alberto Ascherio, auteur principal et professeur d'épidémiologie à l'école de santé publique d'Harvard. Un premier lien avec le virus d'Epstein-Barr avait été fait il y a plus de 30 ans, avec un risque multiplié par trois de développer la maladie si l'on a eu une mononucléose infectieuse tardivement à l'adolescence ou à l'âge adulte. Ces nouveaux résultats vont plus loin et pourraient permettre d'élaborer un traitement capable de soigner cette maladie auto-immune, qui concerne environ 100 000 personnes en France, dont une majorité de femmes, et avec plus de 2 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année. Toutefois, selon des chercheurs de l'université de Stanford, ayant publié un commentaire de l'étude dans la revue Science, d'autres facteurs, génétiques par exemple, pourraient avoir un rôle dans le développement de la maladie.
Est-il contagieux ?
"La mononucléose infectieuse est une maladie très contagieuse. On considère qu'environ 65% de la population a rencontré ce virus et que 90% des adultes de 30 ans sont immunisés. Ils ont pu faire une forme peu symptomatique voire asymptomatique" (sans symptôme) renseigne ce spécialiste.
Quelles sont les causes et mode de transmission ?
"Le virus Epstein-Barr se transmet essentiellement par la salive" indique le Pr Charles Cazanave. C'est pourquoi elle touche surtout les adolescents lors des "premiers baisers". "Elle peut également toucher les enfants mais cela est plus rare " précise le spécialiste. La transmission se fait dans ce cas par la mise à la bouche de jouets, les baisers des proches éventuellement.
Quels sont les symptômes ?
"La forme classique de la mononucléose infectieuse chez les personnes de 15 à 25 ans se caractérise par une fièvre qui peut être élevée (39,5-40°C), une fatigue, des maux de tête, une sensation de malaise, signes le plus souvent associés à une angine qui peut être très gênante avec difficultés à avaler, des ganglions au niveau du cou, des aisselles et de l'aine " informe le Pr Charles Cazanave. "De façon exceptionnelle, lorsque la personne se retrouve sans quasiment pouvoir avaler à cause d'une forte angine, la mononucléose infectieuse peut entraîner une hospitalisation avec perfusion et traitement anti-inflammatoire " précise le médecin.
En quoi consiste le diagnostic ? Quels tests ?
"Le diagnostic de la mononucléose infectieuse repose sur une Numération Formule Sanguine (NFS) et une sérologie spécifique EBV. La NFS révèle un syndrome mononucléosique : augmentation des lymphocytes qui ont une forme particulière. La sérologie spécifique EBV consiste à rechercher la présence d'anticorps au début de la maladie, en phase intermédiaire ou en phase tardive. S'y ajoute une analyse des transaminases, marqueurs du foie, qui peuvent être augmentées dans la mononucléose" explique le Pr Charles Cazanave.
Résultats des taux : ça veut dire quoi ?
"L'élévation du taux de lymphocytes dans la Numération Formule Sanguine et les anticorps EBV qui se positivent quelques jours après le début des symptômes permettent de faire le diagnostic de mononucléose infectieuse" informe le spécialiste. Une sérologie EBV peut révéler une infection ancienne au virus EBV, une infection primaire débutante, une infection en cours ou une réactivation du virus.
Quels sont les risques de complications ?
"La principale complication de la mononucléose infectieuse est la rupture de la rate, informe le Pr Charles Cazanave. La rate étant un ganglion, elle augmente de volume". Cette complication est très rare. "Elle peut être prévenue par le repos et par le fait de ne pas faire de sport de combat. De façon exceptionnelle, il peut y avoir des complications neurologiques, comme par exemple une paralysie faciale ou des affections de type lymphome " indique le spécialiste.
Quels sont les traitements ?
"Comme pour toutes les maladies virales il n'y a pas de traitement spécifique hormis le repos et le traitement des symptômes (prise de paracétamol pour soulager la fièvre et les maux de tête)" indique le médecin. Dans les formes plus graves, de la cortisone peut être administrée sous couvert d'une surveillance hospitalière".
Prévention : y a-t-il un vaccin ?
Il n'existe pas de vaccin contre le virus EBV ni de prévention. "La mononucléose infectieuse fait partie de ces maladies de la première partie de vie pour lesquelles on s'immunise. C'est est une maladie bénigne dans la majorité des cas, c'est pourquoi il n'y a pas de recherche pour développer un vaccin" souligne le Pr Charles Cazanave.
Merci au Pr Charles Cazanave, médecin spécialiste en pathologie infectieuse et tropicale au CHU de Bordeaux.