Phénylcétonurie : cause, traitement, régime
La phénylcétonurie est une maladie génétique détectée systématiquement chez tous les nouveau-nés grâce au fameux test de Guthrie. En l'absence de traitement, elle peut être à l'origine d'un retard mental. Explications avec le Dr Jean-Baptiste Arnoux, pédiatre spécialisé en maladies métaboliques pédiatriques à l'hôpital Necker.
Définition
"La phénylcétonurie est une maladie génétique rare, qui appartient au groupe des maladies héréditaires du métabolisme. L'organisme des personnes atteintes est incapable de recycler la phénylalanine, un des composants des protéines alimentaires et des protéines de l'organisme. La phénylalanine en excès s'accumule alors dans le sang" indique le Dr Jean-Baptiste Arnoux, pédiatre. "Cette hyperphénylalaninémie peut empêcher dans l'enfance le bon développement du cerveau et entraîner des troubles cognitifs, un retard psychomoteur. Chez l'adulte, un taux élevé de phénylalanine peut entraîner une fatigue, des troubles de la concentration, des troubles de mémoire, des dysfonctions exécutives, autant de troubles réversibles en faisant baisser le taux de phénylalanine" informe le pédiatre.
Causes
"La phénylcétonurie est causée par un déficit de l'enzyme PAH qui permet le recyclage de la phénylalanine, explique le Dr Jean-Baptiste Arnoux. Le recyclage de la phénylalanine en excès ne fonctionne alors plus du tout ou pas bien". La phénylalanine est toxique pour le système nerveux lorsqu'elle est présente en trop grande quantité dans le sang.
Diagnostic
"En France, la phénylcétonurie fait partie des maladies dépistées par le programme national de dépistage néonatal, informe le Dr Jean-Baptiste Arnoux. Dans les pays dans lesquels il n'y a pas de dépistage à la naissance, cette maladie est diagnostiquée le plus souvent au cours de la première année de vie, lorsqu'un retard des acquisitions psychomotrices est constaté " indique le pédiatre.
Diagnostic néonatal
Un dépistage est effectué de manière systématique au troisième jour de vie du nourrisson afin de déterminer le taux de phénylalanine dans le sang. Un petit échantillon dans le sang est prélevé au talon ou dans une veine de l'enfant, et analysé selon le protocole du test de Guthrie. Le taux est considéré comme positif s'il excède les 3 mg/dl. Un nouveau prélèvement de contrôle est alors réalisé. Si le diagnostic se confirme, une prise en charge médicale est immédiatement proposée. Si le taux est supérieur à 5 mg/dl, des examens complémentaires sont réalisés. Depuis le début des années 70, plus de 2000 patients ont été dépistés et traités depuis la naissance (HAS 2018).
Diagnostic chez des patients non dépistés
La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande qu'un diagnostic soit effectué chez les personnes qui sont nées avant la mise en place du dépistage néonatal ou venant de pays ne bénéficiant pas de ce dépistage, et qui sont atteintes d'un retard du développement psychomoteur, de traits autistiques, surtout si ceux-ci sont accompagnés de troubles cutanéo-phanériens (dépigmentation, cheveux clairs, eczéma), ou aussi chez les femmes non dépistées qui ont des enfants présentant une microcéphalie, une hypotrophie et diverses malformations (en particulier cardiaques) associées à un retard du développement psychomoteur.
Examens
"Le dépistage de la phénylcétonurie à la naissance consiste en un dosage de la phénylalanine dans le sang" précise le pédiatre. Les autres examens de diagnostic sont un aminogramme plasmatique, un dosage des ptérines urinaires et de l'activité DHPR dans le sang (diagnostics différentiel), une analyse moléculaire et un test au BH4.
Traitement
"Le traitement est essentiellement un traitement diététique qui consiste à apporter à l'organisme ce qu'il lui faut de phénylalanine, c'est-à-dire ce qui correspond à sa capacité de produire ses propres protéines. Il existe en outre un médicament commercialisé en France qui vise à faire mieux fonctionner l'enzyme, mais il n'est efficace que chez certains patients " précise le pédiatre.
Régime diététique
"Le traitement diététique consiste en l'exclusion des aliments riches en protéines : viande, poisson, œufs, produits laitiers, produits céréaliers, légumineuses, graines. Les aliments autorisés sont la plupart des fruits et légumes, mais dans des quantités assez précises, les sodas, beurre et huile. Les patients doivent peser leurs aliments et, au terme de la journée, doivent avoir atteint une certaine quantité de phénylalanine, ni plus ni moins, pour pouvoir construire leurs propres protéines avec de la phénylalanine, sans pour autant l'accumuler dans le sang. Pour voir si leurs apports de phénylalanine sont corrects, les personnes mesurent elles-mêmes leur taux de phénylalanine en prélevant quelques gouttes de sang déposées sur un papier buvard, décrit le pédiatre. A ce régime s'ajoute la prise de compléments alimentaires. Deux types de DDAFMS (denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales) sont prescrites : des aliments spéciaux sans protéine, par exemple des pâtes, des céréales ou du riz sans protéine, qui peuvent être consommés à volonté, et des mélanges d'acides aminés sans phénylalanine. En outre, sont prescrits des compléments en vitamines et minéraux pour éviter les carences. Grâce à tous ces éléments, le régime est équilibré " indique le Dr Arnoux.
Médicaments
"Un médicament est commercialisé en France depuis 2009, le BH4 (nom commercial Kuvan), qui permet à l'enzyme qui recycle la phénylalanine d'être plus efficace. Habituellement, ce médicament fonctionne d'autant plus que la maladie est moins sévère, informe le Dr Jean-Baptiste Arnoux. Si cela fonctionne, il est possible d'augmenter les apports en protéines, mais il est très rare qu'il permette un régime alimentaire normal ou presque. Le traitement diététique avec les DADFMS doit le plus souvent être poursuivi, mais avec plus d'aliments naturels et de souplesse, précise-t-il. Un autre médicament, qui a une AMM au niveau européen, va sortir très prochainement en France. Il s'agit du pegvaliase (Palynziq), une enzyme issue d'une algue que la personne doit s'injecter par voie sous-cutanée une fois par jour. Ce médicament a l'air d'être efficace chez beaucoup de patients mais il ne fonctionne pas tout de suite et nécessite d'être introduit de façon progressive pour induire une tolérance et limiter les réactions allergiques " annonce le pédiatre.
Phénylcétonurie et aspartame
"L'aspartame a une structure qui comprend 2 acides aminés dont la phénylalanine. Si des enfants ou des femmes enceintes ayant une phénylcétonurie consomment de l'aspartame en quantités importantes, leur taux de phénylalanine va augmenter. C'est pourquoi l'aspartame dans les boissons et les aliments est interdit aux personnes souffrant de cette maladie. En revanche, les médicaments contenant de l'aspartame ne sont pas contre-indiqués, car l'aspartame y est présent en toutes petites quantités" indique le pédiatre.
Phénylcétonurie et albinisme
La phénylcétonurie peut entraîner un teint pâle et des cheveux blonds chez des personnes qui ne suivent pas le traitement et ont des taux très élevés de phénylalanine. "Cela s'explique par le fait que l'enzyme qui dysfonctionne dans la phénylcétonurie ne parvient plus à transformer la phénylalanine en tyrosine. Or, c'est cette dernière qui, en s'agrégeant, forme la mélanine qui donne de la couleur à la peau et aux cheveux " décrypte le pédiatre. Cette maladie peut donc impacter le métabolisme de la tyrosine, comme dans l'albinisme, mais ces deux maladies n'ont pas d'autre point commun.
Suivi
"La phénylcétonurie nécessite un suivi à vie, y compris pour les adultes, avec un objectif de taux de phénylalanine très strict, enseigne le Dr Jean-Baptiste Arnoux. Le taux de phénylalanine normal est de 1mg/dl. Jusqu'à l'âge de 12 ans et pendant la grossesse, le taux de phénylalanine visé est de 2 à 6mg/dl et chez les enfants de plus de 12 ans et chez l'adulte, l'objectif est de 2 à 10 mg/dl " précise-t-il.. "Un suivi nutritionnel avec une diététicienne spécialisée dans un centre de compétence des maladies métaboliques est nécessaires, ainsi qu'un suivi du développement psychomoteur. Une prise de sang pour surveiller le taux de phénylalanine est effectuée au moins une fois par semaine chez les nourrissons et les femmes enceintes, une fois par trimestre chez les adultes hors période de grossesse" détaille le pédiatre. "Une grossesse chez une femme ayant une phénylcétonurie doit être très surveillée. Il est essentiel de se rapprocher de son médecin spécialisé en cas de désir de grossesse, prévient le Dr Jean-Baptiste Arnoux. Si le niveau de phénylalanine dans le sang de la mère est trop élevé, il y a un risque d'intoxication du fœtus par la phénylalanine en excès, avec des risques de retards psychomoteurs, de malformations cardiaque ou rénale. C'est pourquoi un régime très strict comme dans l'enfance doit être mis en place pour protéger la croissance du fœtus, et ce régime doit être débuté dans les 3 mois avant le début de la grossesse."
Merci au Dr Jean-Baptiste Arnoux, pédiatre spécialisé en maladies métaboliques pédiatriques à l'hôpital Necker.