Le Covid diminuerait-il la taille du cerveau ?

Le Covid diminuerait-il la taille du cerveau ?

Une étude publiée en mars 2022 révèle que l'infection au coronavirus ferait diminuer la taille globale du cerveau et la quantité de matière grise dans les régions liées à l'odorat et à la mémoire. Explications.

Aux symptômes connus du Covid-19 (fièvre, toux, rhume...) se sont ajoutées des signes neurologiques propres à l'infection comme la perte du goût et de l'odorat (sans qu'il n'y ait de rhume associé donc de nez bouché). L'infection au covid-19, même bénigne, ferait aussi diminuer la taille globale du cerveau et la quantité de matière grise dans les régions liées à l'odorat et à la mémoire selon une étude publiée dans la revue Nature le 7 mars 2022. Cette étude a été menée auprès de 785 adultes britanniques âgés de 51 à 81 ans. Les chercheurs ont constaté des différences significatives dans les IRM réalisées avant et après l'infection. Plus de la moitié des participants ont été testés positifs au Covid-19 entre les deux scanners. Les chercheurs ont comparé ces deniers au groupe qui n'avait pas été contaminé par le coronavirus.

 "Les participants infectés ont également montré en moyenne un déclin cognitif"

Ils ont observé chez les premiers une plus grande réduction de la taille globale du cerveau, une plus grande réduction de l'épaisseur de la matière grise, une atrophie et des tissus endommagés dans les régions liées à l'odorat et aux facultés mentales. "Les participants infectés ont également montré en moyenne un déclin cognitif plus important entre les deux moments" souligne l'étude. En France, le Directeur général de la santé, le Pr Jérôme Salomon, a confirmé en avril 2020 que "des lésions neurologiques sont souvent observées chez les patients Covid-19 en réanimation, (des lésions) parfois transitoires, parfois permanentes". Dans une étude d'Akiko Iwasaki, immunologue de l'université de Yale, publiée en 2021 dans la revue Journal of Experimental Medicine, les chercheurs ont confirmé "des preuves de la capacité neuro-invasive du SRAS-CoV2 (notamment à partir d'observations dans les autopsies des patients décédés de la Covid-19et une conséquence inattendue de l'infection directe des neurones par le SRAS-CoV-2". Le virus de la maladie Covid-19 est donc bien capable d'envahir le cerveau et de s'y dupliquer.

Comment le virus infecte le cerveau ?

Le virus Sars-Cov-2, aux mêmes titres que les autres coronavirus humains dispose d'un potentiel neuro-invasif et neurotrope. Plusieurs études sont menées pour tenter de comprendre comment ce nouveau virus s'attaque à la région cérébrale.

► L'étude publiée le 7 mars 2022 montre qu'une infection au covid-19, même bénigne, ferait diminuer la taille globale du cerveau et la quantité de matière grise dans les régions liées à l'odorat et à la mémoire. "Ces résultats d'imagerie cérébrale peuvent être les marqueurs in vivo d'une propagation dégénérative de la maladie par les voies olfactives, d'événements neuro-inflammatoires [maladies inflammatoires du cerveau] ou de la perte du [traitement de l'information sensorielle] due à l'anosmie" selon les chercheurs de l'étude. 

►L'étude publiée en octobre 2021, co-réalisée par l'Inserm, de l'Université, du CHU et de l'Institut Pasteur de Lille et des collègues du CNRS indique un effet direct du Sars-CoV-2 sur les vaisseaux sanguins du cerveau. Les chercheurs ont découvert que le Sars-Cov-2 fait fabriquer, à partir de son propre matériel génétique, des ciseaux moléculaires qui vont couper une protéine appelée NEMO, indispensable à la survie des cellules endothéliales qui vont donc mourir. Or, les cellules endothéliales du cerveau composent la barrière hémato-encéphalique (BHE) dont la fonction principale est d'isoler le système nerveux central et la circulation sanguine pour empêcher la pénétration de substances étrangères ou molécules toxiques dans le cerveau. Ces mêmes cellules permettent également le transfert des nutriments essentiels au bon fonctionnement du cerveau. Lorsqu'elles meurent, ces cellules ne peuvent plus assurer leur fonction.

►L'étude de janvier 2021, co-réalisée par des chercheurs de l'Université de Yale (USA), de Sorbonne Université, de l'Inserm et du CNRS à l'Institut du Cerveau ainsi que de l'hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP atteste de la capacité du SARS-CoV-2 à pénétrer dans les neurones et à utiliser leurs composants pour se multiplier, entraînant alors des changements métaboliques dans les cellules infectées, sans pour autant les détruire. Les cellules voisines des neurones infectés se voient, elles, privées d'oxygène et finissent par mourir. Comment fait le virus ? Des données antérieures ont mis en évidence que dans le reste de l'organisme, le virus utilisait la protéine ACE2, présente à la surface des cellules. Celle-ci est particulièrement exprimée dans les poumons, expliquant pourquoi le virus s'attaque plus spécifiquement à cet organe. Cette voie d'entrée restait cependant à démontrer dans les neurones. Dans les résultats de janvier 2021, les chercheurs confirment son importance pour l'infection des cellules cérébrales. "L'infection neuronale peut être évitée en bloquant ACE2 avec des anticorps ou en administrant du liquide céphalo-rachidien d'un patient COVID-19" indiquent-ils.

Quels sont les effets neurologiques du Covid-19 ?

Les atteintes neurologiques liées au Covid-19 sont diverses allant de signes bénins et passagers comme la perte du goût et de l'odorat à des cas plus graves comme des des crises convulsives, des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et des encéphalopathies. La dernière étude publiée en mars 2022 révèle que l'infection au covid-19, même bénigne, ferait diminuer la taille globale du cerveau et la quantité de matière grise dans les régions liées à l'odorat et à la mémoire et provoquerait une atrophie. "Les participants infectés ont également montré en moyenne un déclin cognitif plus important entre les deux moments [IRM]" souligne l'étude. Ces effets sur le cerveau ont été remarqués de manière plus prononcée chez les personnes âgées et celles qui ont été hospitalisées mais ils sont également présents chez les patients qui n'ont une qu'une forme légère de la maladie ou les asymptomatiques. Ces effets ne semblent pas irréversibles mais les recherches se poursuivent. L'étude d'octobre 2021 révèle que l'impact du coronavirus sur les cellules endothéliales peut provoquer deux conséquences :

  • Des microhémorragies dans des régions où le sang n'est pas censé accéder librement
  • Une hypoperfusion de certaines régions du cerveau (diminution du débit sanguin pouvant entrainer le décès des patients dans les cas les plus graves)

Une étude publiée le 1er avril 2020 dans la Revue Radiology a ainsi rapporté le cas d'une Américaine âgée de 60 ans testée positive au Covid-19 et qui a présenté une encéphalopathie hémorragique nécrosante aiguë. Soit une maladie neurologique rare caractérisée par l'apparition de convulsions, un état altéré de conscience, un déclin neurologique et divers degrés de dysfonction des reins. Des médecins rapportent aussi des cas de patients présentant une perte de repères, des délires avant même de développer de la fièvre ou une maladie respiratoire, observe le Dr Alessandro Padovani qui a ouvert une unité NeuroCovid pour soigner les patients souffrant de troubles neurologiques à l'hôpital de l'Université de Brescia en Italie. Aux Etats-Unis, un neurologue de l'hôpital Long Island Jewish Forest Hills, Rohan Arora fait le même constat : "Nous voyons beaucoup de patients dans des états de confusion" a t-il déclaré à nos confrères de l'AFP.  Il affirme que 40% des rescapés du coronavirus sont concernés, tout en ignorant si ces troubles sont durables. Le passage en réanimation peut être à l'origine de confusion, en particulier à cause des médicaments. Mais le neurologue constate que le retour à la normale, pour les patients Covid-19, semble prendre plus longtemps que pour ceux qui ont survécu à une crise cardiaque ou un AVC.

Sources

Le SRAS-CoV-2 est associé à des modifications de la structure cérébrale dans la biobanque britannique. Revue Nature, 7 mars 2022.

La principale protéase M pro du SRAS-CoV-2 provoque une pathologie cérébrale microvasculaire en clivant NEMO dans les cellules endothéliales cérébrales. Revue Nature Neuroscience. 21 octobre 2021.

Neuroinvasion of SARS-CoV-2 in human and mouse brain. 12 janvier 2021. JEM.

Des résultats confirment la capacité du SARS-CoV-2 à infecter les neurones. Inserm. 13 janvier 2021.

Premier cas de lésions cérébrales dues au Covid-19 à l'IRM, Département de Radiologie, au Henry Ford Health System de Detroit (USA), Revue Radiology, 1er avril 2020.

Institut Armand-Frappier, laboratoire de neuroimmunovirologie, "Coronavirus humains respiratoires neuro-invasifs et neurothropes : agents neurovirulents potentiels, 2014, disponible dans la Revue John Libbey. 

Journal of Medical Virology, Le potentiel neuroinvasif du SRAS-CoV2 peut jouer un rôle dans l'insuffisance respiratoire des patients Covid-19, 27 février 2020.

MedRxiv, Manifestation neurologiques des patients hospitalisés avec Covid-19 à Wuhan en Chine, 25 février 2020.