Greffe de coeur : durée de vie, pourquoi ça échoue ?
La comédienne Charlotte Valandrey est décédée à l'âge de 53 ans le 13 juillet 2022. Elle venait de recevoir un nouveau coeur, "le troisième". La greffe de cœur est une intervention chirurgicale qui consiste à remplacer un cœur malade par un cœur sain.
La comédienne Charlotte Valandrey est décédée à l'âge de 53 ans, à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, à Paris, a annoncé son agente à l'AFP le 13 juillet. "Le 14 juin dernier, Charlotte a dû être opérée en urgence pour remplacer son 'cœur d'occasion' comme elle l'appelait, mais cette nouvelle greffe n'a pas pris, ce troisième cœur n'a pas vécu", ont expliqué sa fille, sa sœur et son père dans un communiqué. Séropositive depuis ses 18 ans, la comédienne a suivi une trithérapie qui a fragilisé son coeur. Elle avait subi une première greffe en 2002 à l'âge de 34 ans. Un patient transplanté cardiaque court, comme premier risque, le rejet de greffe. Son système immunitaire reconnaît l'organe qu'on lui donne comme étranger et va avoir comme première réaction de l'attaquer pour le détruire. Le rejet est une réaction physique, naturelle, qui est combattue en bloquant partiellement le fonctionnement du système de défense immunitaire. On utilise pour cela des médicaments "immunosuppresseurs". "De plus en plus efficaces et maîtrisés, les traitements immunosuppresseurs ont des effets indésirables. Ils ont notamment l'inconvénient de rendre l'organisme plus vulnérable aux maladies infectieuses (virales, bactériennes, fongiques) et aux tumeurs cancéreuses" explique l'Agence de Biomédecine. Selon l'Agence de Biomédecine en 2019, 5 897 greffes ont été pratiquées en France, dont 425 greffes du cœur.
Définition : c'est quoi une greffe de cœur ?
Une greffe de cœur est en général le remplacement d'un cœur défaillant d'une personne par le cœur d'une autre personne décrétée en mort cérébral par le corps médical. Il existe différents types de greffe : l'allogreffe est la plus répandue, le donneur et le receveur sont dans ce cas de la même espèce ; l'hétérogreffe est exceptionnelle et se fait entre individus d'espèces différentes. "Ces dernières sont anecdotiques par rapport au nombre de greffes réalisées tous les ans en France et dans le monde. Elles restent de l'ordre de l'expérimentation", souligne le Pr Paul Menu, chirurgien cardiaque. La greffe du cœur est possible à partir du groupe tissulaire et non en fonction du sexe ou de l'origine des personnes concernées. "On peut très bien mettre un cœur d'un homme à une femme, un cœur d'un Asiatique à un Caucasien. On peut aussi mettre en place un cœur artificiel dans certaines situations quand la santé du patient en attente de cœur se dégrade".
Quelle est la durée de vie d'un cœur greffé ?
La durée de vie moyenne d'une personne greffée est de plus de 10 ans. "Le doyen français des greffés du cœur, Emmanuel Vitria, a vécu à Marseille pendant vingt-deux ans".
Indications : quand faire une greffe de cœur ?
La moitié des indications d'une greffe de cœur sont des cardiomyopathies dilatées (CMD), maladies du muscle cardiaque sans cause apparente et sans traitement médicamenteux. La deuxième indication (25 % des greffes) est liée à des problèmes d'insuffisance cardiaque dû à des problèmes coronariens : "lorsque les artères du cœur, les coronaires, sont trop abîmées, qu'il est impossible de les dilater ou de les ponter ou qu'elles l'ont déjà été et que le cœur ne va toujours pas bien, et que les patients concernés sont jeunes c'est-à-dire moins de 50 ans", ajoute-t-il. La troisième indication (25 %) est liée aux problèmes infectieux.
Comment se déroule une greffe de cœur ?
► La première étape est l'inscription du malade sur la liste nationale d'attente de greffes. Celle-ci est envisagée par les cardiologues à partir du moment où les traitements thérapeutiques classiques n'apportent plus de réponses et que le patient a moins de 60 ans. Son dossier est étudié pour s'assurer de son éligibilité : le groupe tissulaire, le groupe HLA et le groupe sanguin seront ajoutés pour mieux envisager la compatibilité receveur-donneur. Tous les dossiers sur la liste d'attente sont gérés par l'association France Transplant.
"L'opération est plus lourde : 24 heures en réanimation puis 2 à 10 jours en chambre isolée pour éviter les infections surtout avec les médicaments immunosuppresseurs".
► La deuxième étape est qu'il faut un donneur en mort cérébrale. Celle-ci sera décrétée par deux médecins réanimateurs indépendants de la greffe du futur receveur. "Le patient en mort cérébrale n'a qu'une espérance de vie de 48-72 heures. Il faut que le diagnostic soit fait rapidement et savoir s'il n'y a pas eu de non-consentement pour le prélèvement d'un de ses organes", note le Pr Menu. ► Le dossier du donneur est ensuite transmis à France Transplant qui va gérer la comptabilité entre donneur et receveurs à partir du groupe sanguin et du groupe tissulaire notamment. Une sélection de 2 à 3 dossiers de receveurs est établie. Le régulateur va alors prendre contact avec les services concernés et analyser le degré d'urgence de chacun des malades en attente d'une greffe afin de choisir le receveur, et ce dans un laps de temps restreint.
► Une fois le receveur retenu, les équipes de prélèvement et de préparation de la greffe vont se mettre en place à distance. "Aujourd'hui, tous les prélèvements sont multi-organes : on peut donc prélever en même temps les reins, le poumon et parfois le foie, et surtout en dernier le cœur. La qualité du greffon sera vérifiée avant transplantation". La transplantation cardiaque est une opération techniquement simple : l'ensemble du cœur est ainsi suturé. "L'opération est plus lourde pour le patient du fait des problèmes immunologiques, de rejet : 24 heures en réanimation puis 2 à 10 jours en chambre isolée pour éviter les infections surtout avec les médicaments immunosuppresseurs". Un cœur artificiel, complètement mécanique, peut être transplanté dans le cadre de "super urgence" quand le patient sur liste d'attente se dégrade fortement. "Cette mise sous assistance peut permettre de palier dans l'attente d'une greffe de cœur. Il y a moins de 5 patients/an qui vivent une année voire deux années complètes avec un cœur artificiel et une assistance circulatoire dans l'attente d'un greffon biologique", souligne-t-il.
Les receveurs doivent avoir moins de 65 ans.
Qui peut recevoir une greffe de cœur ?
Des hommes, des femmes de moins de 60-65 ans et des enfants de plus de 5 ans peuvent recevoir une greffe de cœur. "Il y a très peu de transplantations cardiaques chez l'enfant – moins de 5 par an – du fait de complications au niveau de la croissance avec le traitement par immunosuppresseurs. Chez les adultes, l'âge et les éventuelles autres comorbidités seront à prendre en compte". La moyenne d'âge des transplantés cardiaques est 44 ans.
Qui peut donner son cœur ?
Tout le monde peut donner son cœur, sauf ceux qui ont une hémopathie (maladie du sang), un cancer ou qui sont décédés par un médicament (suicide chez les adolescents avec des médicaments) et les patients de plus de 65 ans. "Les prélèvements sont généralement réalisés chez des patients ayant subi un accident de voiture, de moto, âgés de 25 à 40 ans".
Quel est le prix d'une greffe de cœur et quel remboursement ?
La greffe de cœur fait partie des maladies prises en charge à 100 % par la Sécurité sociale. "Globalement, une greffe de cœur coûte à la société entre 150 et 200 000 euros. Dans les gros services avec des unités de soins intensifs réservées à la greffe comme à la Pitié-Salpêtrière ou à Bordeaux, le volume important de patients peut réduire les coûts".
Comment vivre avec un cœur greffé ?
Les personnes vivent très bien avec un cœur greffé : "Il faut savoir que c'est souvent des personnes qui ont été très malades pendant des années, qui ont vécu dans des situations extrêmes, vivre sous couverture chauffante pour maintenir sa température corporelle, être dans l'impossibilité de se laver seul, de se coiffer, et qui avec la greffe revivent", raconte le Pr Menu. Les femmes transplantées cardiaques peuvent suivre une grossesse, peuvent faire du sport. Les contraintes sont celles du traitement quotidien immunosuppresseur et le risque d'infections.
Merci au Pr Paul Menu, professeur émérite, chirurgien cardiaque au CHU de Poitiers et membre de la Fédération Française de Cardiologie (FFC) et de la commission éthique de la FFC.