Phalloplastie (fabrication du pénis) : France, âge, comment ?
Grâce à la phalloplastie, il est possible de fabriquer un pénis à des personnes qui n'en ont pas. Cette intervention est réalisée dans le cadre d'une chirurgie de réassignation sexuelle pour les personnes transgenres assignées femme à la naissance. Elle peut aussi être proposée en cas de malformations ou d'absence congénitale de pénis.
La phalloplastie est une opération médicale visant à construire un pénis. "Les premières phalloplasties – sans rapport avec le transsexualisme – avaient été tentées dès 1916 sur des mutilés de guerre" rappelle la Haute Autorité de Santé dans un document de 2009. En 1936, le médecin russe Nikolai Bogoraz réussit la première phalloplastie réparatrice avec un tube et des greffes de peau prélevés sur l'abdomen chez un homme dont la femme avait sectionné le pénis. Il faut attendre 1948 pour que le premier transsexuel bénéficie d'une telle intervention, qui reste difficile, complexe, et aux résultats aléatoires.
Qu'est-ce qu'une phalloplastie ?
La phalloplastie est la technique chirurgicale qui vise à construire ou reconstruire un pénis. Cette intervention est réalisée dans le cadre d'une chirurgie de réassignation sexuelle pour les personnes transgenres assignées femme à la naissance. La phalloplastie consiste à former un pénis à partir d'un lambeau de peau prélevée ailleurs sur le corps. "C'est une intervention peu fréquente, elle est également réalisée par très peu de praticiens en France", énonce le Dr Marc Galiano, chirurgien urologue. Elle peut aussi être réalisée chez les hommes ayant une malformation du pénis (verge de très petite taille, après traumatisme ou cancer) ou pas de pénis.
Qui a recours à la phalloplastie ?
Cette reconstruction artificielle du pénis peut être réalisée par des personnes transgenres dans le cadre de leur transition. "Cette opération est minoritaire chez les hommes transgenres, concernant moins de 5% d'entre eux en France" nous informe Yann Buatois, secrétaire général de l'association Fransgenre. Cette opération peut également être réalisée par des hommes souffrant d'une malformation (micropénis par exemple) ou qui n'ont pas de pénis. Elle peut survenir après un traumatisme ou un cancer.
A quel âge peut-on avoir recours à la phalloplastie en France ?
Il n'y a pas de réponses officielles sur les sites institutionnels français. Le Professeur Rémi Besson, Responsable de la Clinique de Chirurgie Pédiatrique de l'Hôpital Jeanne de Flandre au CHRU de Lille nous précise les différents cas de figure :
► Réassignation sexuelle : "La chirurgie transidentitaire F to M (Female to Male / Femme à Homme) visant à construire une verge à partir d'un lambeau cutané associé à la pose de prothèse, c'est à partir de 18 ans. La chirurgie transidentitaire n'est autorisée qu'à l'âge adulte. La loi française ne reconnait pas le sexe neutre."
► Pour reconstruire une verge en cas d'agénésie de verge (absence congénitale totale de verge), dans le cas de verge de très petite taille ou dans les suites de traumatismes : "Dans ce cas il n'y a pas de limitation d'âge mais la lourdeur de l'intervention, les risques très élevés de complications et les résultats fonctionnels amènent à ne pas effectuer cette procédure dans ces indications extrêmes de reconstruction, avant l'adolescence."
En France, il est possible à partir de 18 ans de changer l'indication du sexe sur son état civil sans avoir été opéré, rappelle le site Service-Public. Il faut en revanche, pour ce cas, démontrer que la mention de votre sexe dans les actes de l'état civil ne correspond pas à celui sous lequel vous vous présentez et sous lequel vous êtes connu.
Comment est réalisée une phalloplastie ?
L'opération de phalloplastie est une intervention lourde qui nécessite plusieurs anesthésies générales. "L'opération dure 5 à 8 heures : une équipe prélève le lambeau et l'autre greffe" précise le Dr Damien Carnicelli, urologue au Centre Hospitalier Universitaire Lyon Sud, établissement pionner dans les interventions de réassignation sexuelle. Chez la personne transgenre, cette opération a différents enjeux : la création d'un phallus de taille "moyenne" ou "normale", d'un gland et d'un scrotum. Il n'est pas nécessaire de suturer le vagin. La phalloplastie permet également la construction d'un urètre pénien en fonction des souhaits du patient. "On peut aussi garder l'urètre natif" précise le Dr Carnicelli. Dans la technique la plus fréquente, "le phallus est réalisé grâce au prélèvement d'un lambeau de peau de l'avant-bras avec les nerfs et les vaisseaux radiaux. Une partie de cette peau est utilisée pour construire l'urêtre et l'autre est destinée à la verge et au gland", détaille le Dr Marc Galiano. Le lambeau de peau manquant de l'avant-bras est généralement comblé par une seconde greffe de peau prélevée sur la cuisse. "Lors de cette opération, le chirurgien doit également retirer la muqueuse du vagin et pratiquer une hystérectomie" ajoute le Dr Galiano. Une mastectomie sera également pratiquée, le plus souvent avant la phalloplastie. Les bourses sont créées grâce aux grandes lèvres du vagin. "Le nerf du clitoris est conservé et relié au nouveau pénis" précise le Dr Galliano. Cela permet au patient de ressentir des sensations. L'ajout d'un implant pénien dans un second temps permet ensuite de pouvoir avoir une érection avec pénétration. "Il existe une autre intervention qui représente une alternative à la phalloplastie, c'est la métaidoioplastie . Il s'agit de créer un pénis par l'allongement du clitoris après application d'une testostérone en gel et l'utilisation d'une pompe à vide. La verge obtenue est certes de petite taille environ 5cm mais pourvue d'une sensibilité normale", complète le chirurgien urologue. La phalloplastie peut aussi être réalisée avec la peau du ventre (phalloplastie abdominale, voir ci-dessous), du dos (phalloplastie dorsale) voire de la cuisse.
Peut-on avoir une érection après une phalloplastie ?
Tout dépend du cas de figure : "Spontanément chez une personne transgenre, il n'y a pas de tissus érectiles et de corps caverneux donc il ne peut pas y avoir d'érection sans prothèse" explique le Dr Damien Carnicelli. Deux types de prothèses peuvent être proposées, l'implant pénien que l'on propose aussi à l'homme "biologique" et l'implant créé par la société franco-suisse ZSI davantage adaptée aux opérations transgenres. Chez un homme biologique qui doit avoir recours à une phalloplastie (après une opération pour un cancer du pénis, parce qu'il a une petite verge...), "il y a les corps caverneux, le tissu érectile, le gland, on met alors une prothèse dans le pénis biologique qui va passer au travers du gland et du corps caverneux. Il peut alors y avoir une érection spontanée pour ériger la phalloplastie et il aura du plaisir quasiment comme avec le pénis biologique" poursuit le spécialiste. En terme d'efficacité, "la prothèse va fonctionner mais elle peut ne pas donner entièrement satisfaction à l'homme biologique car il va comparer au pénis ou à l'érection qu'il avait avant et à l'homme transgenre qui va imaginer le pénis idéal et être déçu de ne pas avoir l'effet escompté. Il n'a pas forcément le volume ou la largeur attendue mais il ne faut pas oublier qu'on est limité par ce que le patient peut nous donner. Il y a plusieurs paramètres à prendre en compte : la grandeur, l'embonpoint...". A l'inverse, la personne transgenre peut être très satisfaite des nouvelles sensations perçues.
Peut-on avoir une éjaculation après une phalloplastie ?
"Pour qu'il y ait une éjaculation de sperme, il faut qu'il y ait une prostate. 95% du volume du sperme y est produit" rappelle d'emblée le Dr Carnicelli. Chez les personnes transgenres assignées femme à la naissance, il n'y a pas de prostate donc pas d'éjaculation possible après l'opération. Chez les hommes "biologiques" qui ont recours à la phalloplastie et ont gardé leur prostate, ils pourront après stimulation jusqu'à l'orgasme avoir une éjaculation.
Qu'est-ce qu'une phalloplastie abdominale ?
Une autre technique existe, c'est la phalloplastie abdominale. "On utilise la peau du ventre pour créer le pénis. Contrairement à la technique des lambeaux qui se fait en une fois (le patient se réveille avec son phallus), la phalloplastie abdominale est réalisée en plusieurs opérations moins lourdes" détaille le Dr Carnicelli. Les médecins vont d'abord installer deux ballons sous la peau du ventre puis les gonfler jusqu'à 1 litre par ballon. "La peau se détend, on a un excès cutané. Trois à quatre mois après, on enlève les ballons et on en fait un tube" poursuit notre interlocuteur. Ce tube va du pubis au nombril "comme une poignée de valise". Cette "poignée" est ensuite libérée (en coupant sous le nombril). Cela forme un gros tube qui fait office de phallus (flasque). D'autres interventions pourront ensuite être réalisées pour former le gland, le scrotum, pour ajouter une prothèse (pour l'érection) et l'urètre si désiré. Il faut compter entre 1 an et demi à 2 ans pour la réalisation totale du processus. Avec cette technique, les cicatrices sont moins stigmatisantes car présentes sur le ventre, contrairement aux lambeaux prélevés sur le bras.
Qu'est-ce qu'une phalloplastie dorsale ?
"La plastie dorsale constitue à prendre un lambeau libre à partir du grand dorsale un muscle qui se trouve sur le dos", ajoute le Dr Galiano.
Quelle est la taille du pénis après l'opération ?
"On peut espérer en moyenne une longueur avec des lambeaux classiques d'environ 15 à 16 cm", répond le Dr Galiano.
Quels résultats avant-après ?
"La phalloplastie permet de construire un pénis à une personne qui n'en a pas. Pour un résultat optimal, il est impératif de réaliser cette opération avec un spécialiste de ces techniques qui a l'habitude de pratiquer ces interventions", recommande le Dr Galiano. L'idéal étant de s'adresser à des centres pluridisciplinaires comme il en existe à Lyon, Paris (Hôpital Foch), Brest, Lille. Visuellement, le résultat a été amélioré par la dermopigmentation (tatouage) "qui permet d'avoir de très bons rendus" explique le Dr Carnicelli. "L'homme biologique aura les récepteurs notamment le gland donc il conservera du plaisir en fonction d'eux mais le fait que le gland soit mou, que l'érection doive être déclenchée (par la pompe) peut altérer la satisfaction malgré le succès chirurgical. C'est une nouvelle chorégraphie sexuelle qui doit être mise ne place dans le couple, il faut y penser" ajoute le Dr Carnicelli. Chez la personne transgenre, selon le type de phalloplastie, "la prothèse peut ne pas donner une belle expansion, il peut y avoir de la déception" prévient-il.
Quels sont les risques de la phalloplastie ?
"Il peut y avoir des troubles de la cicatrisation. Il y a aussi un risque que le lambeau ne prenne pas, qu'il nécrose. La création de l'urètre à partir de peau de la cuisse peut aussi entraîner des soucis comme l'urine est au contact de la peau" répond le Dr Carnicelli. Concernant la prothèse posée à la suite de la phalloplastie, il peut y avoir un risque d'infection comme avec toutes prothèses (hanche...). Enfin, comme c'est un dispositif mécanique, la prothèse peut tomber en panne. "On revoit généralement les patients tous les 3 à 5 ans pour changer la prothèse comme ce sont des gens jeunes au début de leur vie sexuelle. Et puis les contraintes de la phalloplastie sur la prothèse ne sont pas les mêmes que dans un pénis biologique" précise l'urologue.
Quel est le prix d'une phalloplastie et est-elle remboursée ?
Cette intervention peut bénéficier d'un remboursement de la Sécurité sociale. Le prix d'une phalloplastie est d'environ 35 000 euros.
Quelles sont les contre-indications ?
"Physiquement, il n'existe pas de contre-indication à la réalisation du phalloplastie. C'est une intervention chirurgicale longue et qui n'est pas sans risque. Cette opération de reconstruction peut causer de nombreuses complications notamment des infections, hématome, nécrose de la phalloplastie et sténose de l'urètre", alerte le spécialiste. D'ailleurs, certaines complications peuvent nécessiter une nouvelle intervention.
Merci au Dr Damien Carnicelli, urologue au Centre Hospitalier Universitaire Lyon Sud, établissement pionner dans les interventions de réassignation sexuelle, au Professeur Rémi Besson, Responsable de la Clinique de Chirurgie Pédiatrique de l'Hôpital Jeanne de Flandre au CHRU de Lille et au Dr Marc Galiano, chirurgien urologue et auteur du livre " Mon sexe et moi ", rédigé avec Rica Etienne, aux éditions Marabout.