Pénurie de médecins : un suivi moins bon ? "Lutter contre les dépassements d'honoraires abusifs"

jean-marie le guen est spécialiste des questions de santé publique.
Jean-Marie le Guen est spécialiste des questions de santé publique. © Mairie de Paris-Marie Robichon

Jean-Marie Le Guen est médecin, député et responsable pour le groupe socialiste des questions de santé. Ses solutions pour venir à bout des problèmes d'accès aux soins.

Qu'est-ce qu'un "désert médical" ?

 A mon sens, un désert médical est une région dont les habitants ont un souci d'accessibilité spatiale aux soins médicaux, mais pas seulement. En plus du temps de transport, nous devons tenir compte du délai d'attente de rendez-vous et de la dimension financière, c'est-à-dire des éventuels dépassements d'honoraires des médecins de la zone.

Une étude de la Drees de juin 2011 conclut que 95 % de la population française a accès à des soins de proximité en moins de quinze minutes. Les déserts médicaux existent-ils vraiment ?

"Deux facteurs : l'abaissement du numerus clausus et le vieillissement de la population"

 La Drees est à l'origine de chiffres qui nous disent que tout va bien, qu'il y a assez de médecins, et cela depuis plus de dix ans. Or, les élus locaux et les citoyens constatent bien que l'accès aux soins est un problème. La Drees voit uniquement la dimension territoriale et ne nuance pas ses chiffres en fonction de la spécialité des médecins. Il s'agit de constats administratifs qui ne correspondent pas à ce que ressentent les Français.

Comment les déserts médicaux se sont-ils formés ?

 Les déserts médicaux se sont formés sous l'action de deux facteurs. Premièrement, la restriction de la démographie médicale, avec l'instauration et l'abaissement du numerus clausus. Deuxièmement, le vieillissement de la population associé à la chronicisation des pathologies. Autrefois, lorsqu'on était malade, on guérissait ou on mourrait. Aujourd'hui, on est traité durant plusieurs années, comme c'est le cas pour le cancer par exemple. Ces traitements nécessitent des équipes médicales plus larges, l'acte de soins ne se conçoit plus sans professions paramédicales : infirmiers, diététiciens...

Selon vous, comment faudrait-il procéder pour réguler l'installation des médecins et réduire les déserts médicaux ?

"Mieux organiser la pratique médicale et éviter les abus de dépassements d'honoraires."

 Tout d'abord, je ne crois pas aux mesures coercitives. Ensuite, penser que l'appât du gain fera s'installer les jeunes médecins en zones rurales est aussi une erreur. Il faudrait plutôt leur organiser une nouvelle pratique médicale, les accompagner et les soutenir pour construire un projet médical autour d'un bassin de vie. Tenir compte de l'évolution de leur carrière me semble par ailleurs essentiel : un jeune médecin ne voudra peut-être pas travailler au même endroit toute sa vie.

Par ailleurs, il faudrait veiller à éviter les abus en matière de dépassements d'honoraires des médecins conventionnés secteur 2 dans certaines zones.

85 % des répondants à l'enquête que nous avons menée auprès de nos internautes, disent avoir eu du mal à obtenir un rendez-vous médical en 2011, toutes spécialités confondues. Cette part de la population vous semble-t-elle refléter la situation réelle?

 Vos 85% reflètent des réalités très différentes, qui vont du délai d'attente trop long pour un spécialiste, au manque de médecins qui consultent le samedi, etc. Dans les grandes villes, la difficulté d'accès aux soins peut également exister, du fait d'honoraires de praticiens parfois trop élevés et de délais de rendez-vous parfois trop longs.

L'enquête que nous avons menée auprès de nos internautes, montre qu'ils sont particulièrement nombreux à avoir des difficultés à obtenir un rendez-vous chez l'ophtalmologue. Comment expliquer ce phénomène ?

 Les ophtalmologues sont des spécialistes qui cristallisent les problèmes que nous avons évoqués. Ils ont connu un choc démographique avec l'abaissement du numerus clausus et de ce fait, la situation risque d'empirer dans les années à venir. L'évolution de la population joue également. Les Français vieillissent et ont davantage besoin d'ophtalmos. D'autant plus qu'autrefois, on ne traitait pas forcément les plus âgés car on pensait que la vue devenait mauvaise avec l'âge et que cela était inévitable. Cette "tolérance" des problèmes de vue a aujourd'hui disparu. On a pris conscience que la vue est importante pour conserver une bonne qualité de vie et une autonomie. Les personnes âgées sont donc davantage traitées. D'autre part, les ophtalmologues ont conservé le monopole de tous les gestes de leur profession. Une partie de leur pratique pourrait être déléguée aux orthoptistes par exemple. Et cette "décharge" pourrait être appliquée à d'autres spécialistes.

Aux gynécologues par exemple?

"Les ophtalmos cristallisent les difficultés d'accès aux soins"

 Concernant la gynécologie, il faut différencier ce qui relève de la grossesse ou du cancer et ce qui relève de la "bonne santé". Les visites annuelles, les frottis et la surveillance en général, pourraient être organisées de façon différente. Il faudrait différencier la demande et orienter la patiente en fonction de cela. Les généralistes pourraient par exemple prendre le relai pour certains actes.

Note : Contactée fin février dans un souci d'équité, la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) n'a pas souhaité s'exprimer, au vu de l'élection présidentielle approchante.

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