Pénurie de médecins : un suivi moins bon ? "Situer les déserts médicaux et nous accompagner pour nous y installer"

alexandre husson est généraliste remplaçant. il exerce depuis deux ans.
Alexandre Husson est généraliste remplaçant. Il exerce depuis deux ans. © Alexandre Husson

Alexandre Husson est président du Syndicat national des jeunes médecins généralistes. Il nous donne son point de vue sur les déserts médicaux et sur les attentes des jeunes médecins. 

Les déserts médicaux existent-ils en France ?

 Il ne faut pas être excessif, la France n'est pas un désert médical. Par rapport à d'autres pays, même développés, nous n'avons pas de zones réellement désertiques. Selon une étude récente de l'IRDES, 96% des Français habitent à moins de 30 minutes d'un médecin généraliste.
Les généralistes font partie des professions les mieux réparties sur le territoire, comme les boulangers par exemple, mais le ressenti de la population est différent.

D'où vient ce ressenti des Français ?

 Sûrement de trop longs délais pour l'obtention d'un rendez-vous. Les médecins sont débordés, en raison d'autres tâches que celles de voir des patients, et ils ne parviennent pas à dégager assez de temps médical. De plus, ils ne se déplacent plus, suite à la demande de l'Assurance maladie. Toutefois, ce problème ne concerne pas seulement les zones rurales, l'est parisien est également touché par exemple.

Les jeunes généralistes sont-ils réticents à s'installer à la campagne ?

"L'exercice en libéral est obsolète."

 Les jeunes généralistes s'installent peu en libéral, comme l'a montré le Cnom. Le "statut" du généraliste libéral seul dans son cabinet est devenu obsolète et c'est le frein principal. Si on le surmonte, la répartition sur le territoire se fera correctement et spontanément.  

La médecine générale est-elle délaissée par les étudiants ?

 Non, 90% d'entre eux sont satisfaits de leur orientation en médecine générale. Les jeunes la choisissent pour sa polyvalence : 60 % des futurs généralistes souhaitent acquérir en plus des compétences particulières liées à la santé de la femme, à la nutrition, la gériatrie etc.

Toutefois, nous manquons cruellement de formations en gestion ou en droit durant nos études de médecine, indispensables pour éviter la frilosité de certains étudiants à l'idée de s'installer en libéral. 

Faut-il réguler l'installation des jeunes généralistes ?

"L'incitation financière ne fonctionne pas"

 La coercition n'est bien sûr pas la solution. Comment imaginer qu'un individu contraint puisse bien soigner les autres ? Les médecins terminent leurs études à 30 ans, un âge auquel ils ont souvent déjà construit une famille, auquel ils doivent rembourser un prêt immobilier, etc. Les humains ne doivent pas être traités comme des pions. L'incitation financière ne fonctionne pas non plus.

Il faudrait structurer la médecine, réorganiser l'accès aux soins sur le territoire. Mesurer objectivement les besoins de la population et flécher l'installation. Aujourd'hui personne n'est vraiment capable de définir ce qu'est un désert médical, les situer précisément, nous dire comment évoluera la situation dans les prochaines années...  

Quelles sont les attentes des jeunes médecins ?

"Mieux gérer le temps médical pour recevoir davantage de patients."

 D'être accompagnés pour s'installer, et de voir leurs conditions d'exercices facilitées. Les gouvernants doivent structurer l'organisation de la médecine, encourager l'exercice en groupe et la circulation de l'information.

Pour exercer correctement, nous souhaitons disposer de locaux accessibles aux personnes handicapées et de matériel moderne, avec des dossiers médicaux informatisés. Cela nécessite de l'investissement. Nous pensons que la promotion de l'exercice dans le cadre de Société d'exercice libéral facilite cet investissement, le regroupement, et assure une sécurité.

Il faudrait également revoir la façon de gérer le temps médical avec le développement et l'organisation de la délégation des tâches dans nos cabinets, afin dégager plus de temps pour nos patients.

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