Prostatite chronique : bactérienne, causes, symptômes, traitements
Inflammation chronique de la prostate, la prostatite chronique peut survenir après une prostatite aigüe mal soignée ou s'installer insidieusement, à bas bruit. Sans danger au sens médical du terme, elle provoque des douleurs et des troubles urinaires. Le point avec le docteur Arnaud Cherasse, chirurgien urologue.
Qu'est-ce qu'une prostatite ?
"La prostatite est une infection urinaire masculine. Il s'agit d'une infection de la prostate, glande entourant le canal urinaire immédiatement à la sortie de la vessie, et responsable du phénomène éjaculatoire. Son infection est souvent liée à sa contamination par des bactéries remontant le canal urinaire depuis l'extrémité de la verge", développe Arnaud Cherasse, chirurgien urologue à la clinique du Val d'Ouest. Il est important de différencier la prostatite chronique de la prostatite aigüe. Affection sévère, la prostatite aigüe peut être une urgence médicale pouvant nécessiter une hospitalisation. Si elle n'est pas prise en charge, la prostatite aigüe peut mener au choc septique. "Si elle est rapidement identifiée et traitée, par antibiothérapie, la prostatite aiguë a une évolution souvent rapidement favorable", explique le D. Arnaud Cherasse, chirurgien urologue à la clinique du Val d'Ouest. Les bactéries Escherichia Coli et Enterococcus faecalis sont souvent impliquées dans la responsabilité des prostatites. D'autres germes peuvent être retrouvés dans les prélèvements dont des germes sexuellement transmis (chlamydiae, mycoplasmes) "sans certitude quant à leur propre responsabilité pour ce qui est de la prostatite", précise Arnaud Cherasse. "En premier lieu, la prostatite est causée par une déshydratation ou une retenue urinaire trop prolongée. La bactérie remonte le canal urinaire jusque dans la prostate, déclenchant alors la prostatite ". Les analyses d'urine mettront souvent en évidence la présence de germes. Le patient devra observer un traitement antibiotique de dix jours à six semaines. Dans les cas les plus graves, il sera hospitalisé et traité par antibiothérapie parentérale (voie intra-veineuse) en plus du traitement antibiotique par voie orale. Quelquefois cependant, la prostatite aiguë peut se prolonger ou récidiver, on parle alors de prostatite chronique, en différenciant désormais deux entités :
- la prostatite chronique bactérienne relevant d'une antibiothérapie prolongée (plusieurs semaines)
- le syndrome douloureux pelvien chronique ou "prostatite" chronique non bactérienne.
Prostatite chronique bactérienne : causes, symptômes
La prostatite chronique se manifeste parfois après la survenue d'une prostatite aiguë. Très rarement, la bactérie responsable est encore présente dans l'organisme. "La prostatite chronique peut succéder à une prostatite aigüe peu symptomatique. Le patient n'a pu ressentir qu'une partie des symptômes, peu marqués (fatigue, absence de troubles urinaires, simple gêne pelvienne, absence de fièvre). Le traitement a ainsi pu être retardé, ou trop bref et interrompu après le ressenti de l'amélioration rapide de l'état général, peu altéré", développe Arnaud Cherasse. Les symptômes peuvent être :
- une sensation de pesanteur dans le bas ventre
- une gêne, voire une douleur ou une brûlure lors de la miction
- une douleur lors de l'éjaculation.
La prostatite chronique relève d'une infection chronique ou s'installe au terme d'infections récidivantes. Elle doit faire l'objet d'un traitement antibiotique prolongé de trois à six semaines mais peut persister malgré tout. Lors des examens, dans le cadre d'une prostatite chronique, la mise en évidence du germe, même s'il est encore présent, est très aléatoire. "Les germes peuvent ne pas apparaître dans les résultats car trop peu concentrés ou uniquement présents dans les tissus de la prostate", argumente l'urologue.
Prostatite chronique non-bactérienne : causes, symptômes
On évoque pour désigner les prostatites chroniques non bactériennes une entité appelée syndrome douloureux pelvien chronique. Les symptômes associent là encore des douleurs génitales et/ou urinaires, associées à des troubles mictionnels et d'éventuels troubles sexuels. "La cause exacte de cette dernière est souvent difficile à identifier : ont pu être incriminés une origine infectieuse initiale, mais aussi des phénomènes inflammatoires", commente Arnaud Cherasse. "On peut supposer que ce tableau succède à une prostatite bactérienne, et qu'il traduise la persistance (au-delà de 3 mois) de phénomènes inflammatoires à distance de l'infection. Il se pourrait aussi qu'une inflammation soit seule en cause, dès le départ", poursuit-il. Dans les deux cas, infection initiale ou inflammation, le mécanisme de ces prostatites non bactériennes relèverait d'un déclenchement d'un signal douloureux chronique par un mécanisme neurologique faisant encore l'objet d'études.
Quel spécialiste consulter ?
Le patient se dirigera en premier lieu vers son médecin généraliste qui l'orientera vers un urologue qui posera le diagnostic. Pour les prostatites aiguës sévères, le patient peut se rendre directement aux urgences.
Comment pose-t-on le diagnostic ?
Les symptômes très spécifiques que décrira le patient lors de l'interrogatoire orienteront de manière fiable le spécialiste. Celui-ci pratiquera ensuite un examen clinique, le toucher rectal, qui permet au praticien de palper la prostate. Lors d'un examen normal, la prostate est souple et indolore. "Dans le cas d'une prostatite aiguë, la prostate est extrêmement douloureuse et molle – on dit qu'elle est 'succulente'. Dans le cas d'une prostatite chronique, le toucher sera très inconfortable, entre la gêne et la douleur. La prostate est un peu plus ferme, on la décrit souvent comme 'remaniée'"", commente le Dr Cherasse. Des analyses d'urine et de sang seront également pratiquées, à la recherche de germes et de marqueurs inflammatoires. Toutefois, comme précisé plus haut, celles-ci ne seront souvent pas révélatrices dans le cadre de prostatites chroniques. Le dosage du taux de PSA - "prostate-specific antigen" une protéine présente dans le sang fabriquée par la prostate, sera réalisé lors de la prise de sang. "C'est un bon révélateur, car le taux monte souvent dès qu'il se passe quelque chose dans la prostate (augmentation importante possible en cas de prostatite aiguë). En cas de prostatite chronique, il est très fluctuant. Un phénomène inflammatoire peut se produire et perturber la valeur du PSA comme un repas trop épicé ou la prise d'alcool, des facteurs d'inflammation pelvienne : le taux de PSA augmentera alors. Ce taux ne peu être considéré seul, il est important de l'interpréter en fonction de nombreux autres paramètres (toucher rectal, volume de la prostate)", poursuit le spécialiste.
Quels sont les traitements ?
Une antibiothérapie pourra être prescrite afin d'éliminer les derniers germes, encore présents, le cas échéant. Avec peu de chances de succès toutefois. Des antalgiques peuvent aussi être efficaces pour soulager la douleur. La prostatite chronique est un état inflammatoire que l'on ne peut traiter seulement avec les antibiotiques, à fortiori si elle est d'origine non bactérienne. "Une prostatite chronique ne s'opère pas, les antibiotiques ne fonctionnent souvent plus après une première cure prolongée, les anti-inflammatoires peuvent aider ponctuellement mais on ne peut pas les utiliser au long-cours", précise notre expert. Le patient peut se voir proposer une phytothérapie à base de plantes, "un traitement annexe dont on espère qu'il décongestionne et désenflamme la prostate", explique Arnaud Cherasse. Les probiotiques permettront de "recharger l'organisme en flore microbienne afin d'améliorer les défenses immunitaires lors de la prostatite chronique", ajoute-t-il.
Quelle prévention ?
"Le plus important, c'est de ne surtout pas arriver à la prostatite chronique. Il faut absolument avoir identifié et traité une prostatite aiguë, c'est à dire qu'au premier symptôme, on n'attend pas, on consulte. La prostatite chronique peut durer des années et 'pourrir' la vie d'un homme", lâche Arnaud Cherasse. "Boire et uriner limite le risque de prostatite en limitant le risque de voir les germes remonter le canal urinaire ", poursuit-il. Il cite quelques mesures de précaution pour prévenir la prostatite aigüe :
- Eviter ce qui fait baisser les défenses immunitaires (tabac...)
- S'hydrater
- Ne pas se retenir d'uriner
- Uriner régulièrement
- Eviter les rapports à risque et le cas échéant pratiquer des rapports anaux systématiquement protégés
- Avoir une hygiène corporelle irréprochable
"Il convient également d'éviter la consommation d'alcool ou de plats trop épicés qui pourraient être à l'origine de phénomènes inflammatoires à fortiori sur une prostate augmentée de volume ou déjà fragilisée par des infections passées", conclut-il.
Merci au Dr Arnaud Cherasse, chirurgien urologue à la clinique du Val d'Ouest, à Ecully.