La pilule contraceptive fait-elle grossir ?
La pilule contraceptive est parfois associée à une prise de poids, une rétention d'eau ou encore une augmentation de l'appétit.. Combien de kilos en moyenne ? Au bout de combien de temps ? Quelles sont les pilules à privilégier ? A éviter ? Que faire ? Réponses des Drs Sophia Taieb et Odile Bagot, gynécologues.
Même si la pilule reste un moyen de contraception fiable, discret, qui préserve la liberté des utilisatrices, et plutôt bien adapté à celles qui ont des rapports sexuels réguliers, une femme sur deux (étude réalisée par l'Institut Sofres Santé) estime que la pilule a des effets indésirables gênants comme la prise de poids ou la rétention d'eau. Qu'en est-il ? Combien de kilos pris en moyenne ? Au bout de combien de temps ? Que faire ? Changer de pilule ? Opter pour une autre contraception ? Démêlons le vrai du faux avec les explications du Dr Safia Taieb et du Dr Odile Bagot, gynécologues.
La prise de poids peut-elle être un effet secondaire de la pilule ?
Presque tous les fabricants de pilules mentionnent la prise de poids dans la liste des effets indésirables sur la notice d'utilisation. Pourtant, selon la Haute Autorité de Santé, il n'existe "pas de preuve de prise de poids sous pilule oestroprogestative, la relation entre prise de poids et progestatifs seuls étant mal documentée". Le Dr Odile Bagot, gynécologue, partage cet avis. "Les études ont montré que la prise de poids était peu importante. Le progestatif peut, en effet, provoquer un phénomène de rétention d'eau, mais la variation de poids directement attribuable à la pilule n'est généralement pas supérieure à 1,5 kg. La prise de poids doit toujours être corrélée avec le contexte. Généralement, la prise de poids coïncide avec un changement de mode de vie favorisant la prise de poids comme le fait de manger plus souvent à l'extérieur, de consommer davantage d'alcool, de faire moins de sport", explique la gynécologue. La pilule peut donc provoquer un phénomène de rétention d'eau et une augmentation du volume des seins mais rarement plus. D'autant plus que l'on n'a pas, comme dans un cycle naturel, un syndrome prémenstruel qui donne envie de se jeter sur le sucre donc cela limite la prise de poids. "C'est tellement ancré dans la tête des femmes que la pilule va les faire grossir qu'elles attribuent la moindre variation de poids à la pilule. En réalité, la plupart des femmes concernées par les variations de poids l'étaient déjà auparavant. Certaines pilules, dont le progestatif a un effet diurétique en raison d'un effet antialdostérone, sont même susceptibles d'entrainer une petite perte de poids. Disons que sur 10 femmes qui vont prendre la pilule, il y en a une qui va prendre du poids, une qui va en perdre et 8 qui resteront stables", indique la spécialiste.
Causes : pourquoi prend-on du poids quand on prend la pilule ?
"La prise de poids sous pilule est principalement due aux œstrogènes qu'elle contient. En effet, ces hormones interviennent dans la fabrication et le stockage de la graisse, favorisent la rétention d'eau et peuvent engendrer des œdèmes au niveau des membres inférieurs, du haut des cuisses, du bas-ventre et des seins amenant ainsi des effets indésirables tels qu'une lourdeur, une tension ou des douleurs mammaires, ou une pesanteur pelvienne (du bassin)". C'est la progestérone, une deuxième hormone contenue dans certaines pilules, qui permet de contrer les effets des œstrogènes. "Les hormones œstrogènes peuvent provoquer une prise de poids lorsque ces dernières sont sécrétées en trop grande quantité par les ovaires ou lorsqu'elles ne sont pas contrées par la progestérone, explique le Dr Safia Taieb. Le surdosage en œstrogènes, le stress, l'âge précoce de la première prise ou une longue durée d'utilisation de pilule sont de nombreux facteurs qui favorisent la prise de poids sous pilule. De même, changer souvent de pilule (tous les ans ou tous les deux ans) peut potentiellement occasionner une prise de poids. En effet, au début de chaque nouveau moyen de contraception, les œstrogènes tentent de dominer les effets de la progestérone pour bloquer l'ovulation, et leurs effets peuvent ainsi se traduire par une prise de poids. Au fil du temps, l'organisme s'habitue à ce changement hormonal et le poids se stabilise."
Au bout de combien de temps ?
Si prise de poids il y a, elle survient au cours des trois premiers mois. "Ce type d'effet secondaire ne survient pas au bout de cinq ans", ajoute notre interlocutrice.
Quelles sont les pilules qui ne font pas prendre du poids ?
L'effet de la pilule sur le corps est la résultante de deux choses : l'équilibre oestro-progestatif que l'on va apporter avec la pilule et de la réaction de la femme. "On pense souvent qu'une pilule très peu dosée va limiter la prise de poids mais certaines femmes vont développer une hyper oestrogénie réactive, c'est-à-dire que leurs ovaires vont quand même fabriquer des œstrogènes pour compenser. Résultat, elles vont avoir davantage de rétention d'eau et de douleurs au niveau des seins. À contrario, une pilule plus forte va mettre leurs ovaires au repos et améliorer leurs symptômes", détaille le Dr Odile Bagot. Par exemple : Leeloo, monophasique, est dosée à 20 microgrammes d'ethinyl estradiol sur toute la plaquette, alors que Daily G , triphasique, comporte des comprimés dosés à 35 microgrammes dans certains comprimés.
Quels sont les pires pilules ?
Les recommandations demandent que l'on prescrive en première intention une pilule de deuxième génération
"Les recommandations demandent que l'on prescrive en première intention une pilule de deuxième génération, la moins dosée en oestrogènes, pour des raisons vasculaires. Mais on ne peut pas dire qu'il y a de bonnes ou de mauvaises pilules car cela dépend de la réaction de chaque femme", nuance l'experte. De manière générale, les pilules de première génération sont celles que l'on peut considérer comme les "pires" du fait de leur taux d'hormones très élevé, elles ne sont plus commercialisées en France. Les pilules de troisième générations ont fait polémique il y a quelques années, mais on sait aujourd'hui qu'en l'absence de risque vasculaire on peut les prescrire en toute sécurité. Leurs avantages : certaines ont un bénéfice sur la peau ou comportent un progestatif (la dropspirénone) qui diminue le risque de rétention d'eau. Leur inconvénient : aucune n'est remboursée. Certaines pilules dont le progestatif est de troisième génération mais dont le risque vasculaire est équivalent à celui d'une deuxième génération ont également une action anti-acnéique. Il s'agit de :
- Oedien,
- Triafemi,
- Femi et ses génériques (Naravela, Optikinzy). (pas de remboursement non plus, mais des prix moins élevés pour les génériques)
Combien de kilos en moyenne ?
La plupart des femmes ne prennent pas de poids du tout. Lorsque c'est le cas, la prise de poids ne devrait pas excéder 1,5 kg. La prise de poids est variable d'une femme à l'autre, car nous métabolisons différemment les hormones de la pilule : "une personne ayant un métabolisme lent, ressentira plus les effets indésirables de la pilule qu'une personne active", précise le Dr Taieb.
Que faire ?
Aujourd'hui, les pilules contraceptives sont devenues beaucoup moins dosées en œstrogènes et l'utilisation des progestatifs de nouvelles générations réduit considérablement le risque de prise de poids. Bonne nouvelle également, puisque différentes études scientifiques ont mis en lumière un nouveau progestatif, la Drospirénone, qui en s'opposant à la rétention d'eau induite par l'Éthinylestradiol (l'œstrogène contenu dans les pilules contraceptives), montrerait un meilleur contrôle de la prise de poids. "Si la femme est préoccupée par une certaine prise de poids, son médecin peut lui conseiller de diminuer les dosages en œstrogènes et opter pour une pilule de génération récente, micro-dosée (3e ou 4e génération), soit changer complètement de moyen de contraception et choisir un dispositif intra-utérin (stérilet) qui, contrairement aux pilules, à l'implant ou au patch contraceptif, ne diffuse pas d'hormones", explique le Dr Taieb.
Si malgré le changement de contraception, la prise de poids continue, cette dernière est peut être due à un mauvais comportement alimentaire ou au stress. Enfin, la pilule contraceptive aurait des conséquences sur l'appétit et favoriserait les grignotages. "En effet, de part mon expérience, j'ai remarqué que la majorité des femmes disent que la pilule augmenterait l'appétit, la pilule est "diabétogène", c'est-à-dire qu'elle fait monter le taux d'insuline dans le sang et l'insuline donne faim. Il est donc important de refréner ses envies de grignotage et de bien faire la différence entre une véritable faim et une simple envie de manger", conclut la gynécologue.
Quand envisager un changement de pilule ?
"On peut essayer de changer de pilule mais cela ne changera pas grand chose car elles sont assez proches les unes les autres. La prise de poids est davantage liée au mode de vie et à la nature de la personne qu'à la pilule elle-même", prévient la spécialiste. La seule véritable alternative, c'est le stérilet au cuivre ou à la progestérone - surtout Kyleena faiblement dosé - qui, même s'il contient une hormone n'interfère pas avec l'équilibre hormonal général.
Merci aux Drs Sophia Taieb et Odile Bagot, gynécologues.