Ivre sans boire d'alcool : c'est quoi le syndrome d'auto-fermentation alcoolique ?

La consommation d'aliments riches en glucides tels que les pâtes, le pain ou encore les pommes de terre amplifie le phénomène.

Ivre sans boire d'alcool : c'est quoi le syndrome d'auto-fermentation alcoolique ?
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Poursuivi pour conduite en état d'ivresse en récidive, un Belge de 40 ans a été relaxé en avril 2024 après avoir prouvé qu'il souffrait du syndrome d'auto-fermentation alcoolique. Ce phénomène, également connu sous le nom de "syndrome de fermentation intestinale" ou "d'auto-brasserie" est extrêmement rare : une poignée de personnes à travers le monde serait concernée, et à peine une vingtaine en France depuis qu'il a été diagnostiqué. "Chez ces malades, le corps produit de manière endogène de l'alcool éthylique (éthanol) lorsqu'ils consomment beaucoup de glucides (sucres) ou des aliments à haute teneur en glucides comme le pain, les pâtes ou les pommes de terre" nous explique le Dr Joséphine Sérinet, médecin généraliste au Centre Alcoologique Alpha à Royan (17). Ce phénomène peut conduire à un état d'ébriété (avec un taux d'alcool pouvant aller jusqu'à 4 grammes d'alcool par litre de sang) sans aucune consommation d'alcool externe.

Un déséquilibre du microbiote intestinal en cause

Ce syndrome peut avoir plusieurs causes. "Ces causes sont généralement liées à des facteurs qui perturbent l'équilibre de la flore intestinale ou favorisent la croissance excessive de levures (champignons) dans le système digestif" poursuit le médecin. "L'équilibre entre les différentes espèces de bactéries et de levures dans l'intestin est crucial pour une digestion saine." Tout facteur pouvant perturber cet équilibre peut favoriser la croissance excessive de levures productrices d'alcool. "Certains types de levures, en particulier les espèces de la famille des Candida (comme Candida albicans), sont capables de fermenter les sucres présents dans les aliments et de produire de l'alcool." Une surcroissance de ces levures est souvent la cause directe du syndrome d'auto-fermentation.

L'excès d'antibiotiques favorise l'auto-fermentation

Parmi les facteurs qui peuvent perturber l'équilibre de la flore intestinale, on peut citer les antibiotiques. "Consommer de façon répétée et prolongée, les antibiotiques vont détruire les bactéries bénéfiques qui contrôlent la croissance des levures, favorisant la prolifération des levures et l'auto-fermentation" souligne le Dr Sérinet. On pense par exemple aux adolescents qui suivent des traitements antibiotiques contre l'acné pendant plusieurs mois. Certaines maladies intestinales sont également en cause : "C'est le cas du syndrome de l'intestin irritable, de la maladie de Crohn, des rectocolites hémorragiques, d'une tumeur intestinale, gastrique voire d'opérations comme le By-pass ou la sleeve qui peuvent créer un environnement favorable à la croissance des levures et à la fermentation." Enfin, certaines maladies métaboliques, telles que le diabète, peuvent entraîner une augmentation de la concentration de glucose dans les intestins, ce qui fournit un substrat supplémentaire pour la fermentation des levures.

Des symptômes d'ébriété sans avoir bu d'alcool

Si le patient souffrant du syndrome d'auto-fermentation-alcoolique n'a pas ingéré une seule goutte d'alcool, son état est pourtant comparable à celui d'une personne qui en a bu. "Selon le taux d'alcool produit par l'organisme, la personne peut ressentir une sensation d'ébriété, des maux de tête, des nausées et de la fatigue. Mais selon la quantité de quantité de glucides consommée, elle peut développer une confusion, des vertiges et des troubles de la parole." Si le syndrome n'est pas traité, on peut constater, à terme, un effet de tolérance à l'alcool et donc un risque de dépendance, de cirrhose, d'hypertension artérielle ou d'atteintes neurologiques ou d'hépatite. Le diagnostic peut s'avérer tardif, car la maladie reste très rare.

"Dans tous les cas, l'éthylotest sera positif"

"Dans tous les cas, l'éthylotest sera positif, assure notre interlocutrice. Il peut être complété par un test de provocation au glucose." Le patient va ingérer par voie orale une solution avec 200 grammes de glucose et on va mesurer par éthylotest ou prise de sang son taux d'éthanol à 30 minutes, puis 1 heure, 4 heures et 8 heures. "Dans certains cas, une fibroscopie et/ou une biopsie peut être réalisée afin de prélever des sécrétions gastro-intestinales pour cultures bactérienne et fongique."

Les traitements visent à rétablir l'équilibre du microbiote

Les traitements dépendent de la cause. "Si le syndrome est lié à la prise d'antibiotiques, le patient devra, sous contrôle de son médecin, arrêter immédiatement le traitement" alerte le Dr Sérinet. En cas de maladies gastro-intestinales ou de diabète, un traitement spécifique sera proposé. "En complément, des suppléments probiotiques contenant des bactéries bénéfiques peuvent aider à rétablir l'équilibre de la flore intestinale et à réduire la croissance excessive de levures. Fréquemment, des médicaments antifongiques peuvent être prescrits pour réduire la population de levures dans le système digestif." Un régime alimentaire pauvre en glucides est aussi mis en place. "Enfin, dans certains cas, un soutien psychologique peut être bénéfique, en particulier si la personne doit faire une cure de sevrage ou présente des troubles chroniques liés à l'alcool."

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