Éco-anxiété : comment lutter contre l'angoisse des problèmes écologiques ?

Phénomène très actuel, l'éco-anxiété, ou la solastalgie, fait partie des éco-émotions et traduit l'angoisse ressentie face aux problématiques environnementales comme le réchauffement climatique, la pollution, la catastrophe nucléaire. Les jeunes et les femmes sont particulièrement concernés. Que faire ?

Éco-anxiété : comment lutter contre l'angoisse des problèmes écologiques ?
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Dérèglements climatiques, pollution de l'air, des sols, de l'eau, épuisement des ressources, disparition des espèces végétales et animales, risque de catastrophes nucléaires, bien-être animal... Ces problématiques environnementales dramatiques peuvent avoir un impact fort sur la santé mentale des Français. Si bien que depuis quelques années, le concept "d'éco-anxiété" ou solastalgie est de plus en plus décrit et observé. Qu'est-ce que c'est vraiment ? Par quels symptômes se manifeste-t-il ? Quelles conséquences a-t-il et quelles sont les solutions pour lutter contre ? Décryptage avec le Dr Fanny Jacq, médecin psychiatre. 

Définition : c'est quoi l'éco-anxiété ?

"L'éco-anxiété ou la solastalgie (c'est la même chose !) fait partie du champ plus vaste des éco-émotions (terme inventé par le chercheur finlandais M. Panu Pikhala, ndlr), qui sont l'ensemble des émotions et des sentiments générés par les problématiques écologiques ou environnementales, définit d'emblée le Dr Fanny Jacq. Dans les éco-émotions, il y en a qui sont positives comme l'espoir, l'envie de mener un combat, la motivation, mais aussi des émotions plutôt négatives comme la peur, la colère ou l'anxiété. L'éco-anxiété correspond à une angoisse que l'on ressent ou à une peur de l'avenir face aux questions environnementales". 

Quelles sont les statistiques et les profils des éco-anxieux ?

Selon le sondage IFOP menée pour Qare sur un échantillon de 2 100 personnes représentatives de la population française (âgée de 15 ans et plus), face aux problématiques environnementales, 72% des Français déclarent ressentir de la responsabilité et 67% de la peur face à l'avenir. Les profils qui ressentent de l'éco-anxiété sont :

  • Les femmes (plus de la moitié des femmes, 55% chez les moins de 35 ans)
  • Les jeunes (53% des moins de 35 ans)
  • Les citadins (49%) : "Chez ces personnes, il doit y avoir une forme de culpabilité plus importante au quotidien en termes de voiture, de pollution, de lumière, d'écran... Sans doute qu'elles ressentent également plus les effets des problématiques environnementales avec la pollution, les crises d'asthme... Et enfin, les populations urbaines sont généralement plus connectées et regardent plus les médias", commente Fanny Jacq. 
  • Les cadres et professions intermédiaires (54%)
  • Les parents (61% des mères de famille, "qui n'agissent pas que pour elles mais pour leurs enfants")

Par quels symptômes se manifeste l'éco-anxiété ?

"Il faut faire le distinguo entre le "normal" et le "pathologique". Aujourd'hui, hélas, "être éco-anxieux" et ressentir de l'anxiété face à un problème qui est bien réel, c'est plutôt normal. Ce qui ne serait pas normal, ce serait de ne pas du tout s'en préoccuper. Après tout va dépendre de l'intensité de cette anxiété et de son impact sur la vie de la personne, détaille notre interlocutrice. On peut se dire que c'est excessif ou hors de proportion quand on constate : 

► Une anxiété paralysante : la personne ressasse ou angoisse dès qu'elle apprend une information concernant la planète, ou reste passive face à un futur potentiel (l'éco-anxiété inhibe la capacité d'action, rend impuissant...). 

► Une insécurité existentielle ou identitaire : avec une prépondérance du doute, un questionnement autour du sens global de l'existence...

► Des décisions "radicales" comme le fait de ne pas vouloir d'enfant (toujours selon le même sondage, 42% des femmes de moins de 35 ans déclarent que la crise climatique impacte leur désir d'enfant, ce qui s'explique par une inquiétude de donner naissance à un enfant dont l'avenir est assombri par la crise, par une empathie pour l'enfant à naître et par un sens de la responsabilité en pouvant choisir de ne pas se reproduire) ; une remise en question de la sphère professionnelle (perte de sens, de motivation).

► Un isolement : la personne s'empêche de sortir et d'avoir une vie "normale". 

► Un impact sur la santé et le bien-être : l'éco-anxiété peut entraîner des obsessions, des mécanismes compensatoires, des troubles du sommeil, des troubles alimentaires...

Quels sont les livres sur l'éco-anxiété ?

  • L'éco-anxiété (vivre sereinement dans un monde abîmé), du Dr Alice Desbiolles 
  • L'éco-anxiété ne passera pas par moi, de Elise Rousseau
  • Les émotions du dérèglement climatique, du Pr Antoine Pelissolo et Dr Célie Massini
  • Petit guide de survie pour éco-anxieux, de Charline Schmerber

Quelles solutions pour lutter contre l'éco-anxiété ?

En parler et verbaliser. Il faut s'autoriser à ressentir et à verbaliser son éco-anxiété auprès de ses proches afin de se libérer d'une charge émotionnelle trop grande. 

► S'ancrer dans le présent. "L'éco-anxiété est une anxiété anticipatoire - ce que je veux dire c'est qu'il y a des problématiques environnementales bien réelles mais que la planète n'est pas en train de disparaître dans la semaine - donc il faut essayer de se remettre dans l'ici et le maintenant. Trop anticiper est contre-productif, nous empêche d'avancer et de prendre de bonnes décisions. Il faut plutôt essayer de faire la part des choses entre le réel et les problèmes potentiels, s'ancrer dans le présent : marcher, faire du sport, se mettre plutôt dans son corps que dans sa tête", conseille Fanny Jacq.  

► Se mettre en action. "Il faut se demander comment on peut s'engager collectivement ou individuellement pour contrer le problème réel", conseille la psychiatre. Cela contribue à diminuer l'angoisse et à prendre du recul. "Il ne faut être ni dans le renoncement, ni dans le passage à l'acte irréfléchi, mais dans l'adaptabilité".

Limiter sa consommation (au moins temporairement) des médias qui peuvent être trop anxiogènes. "On peut s'autoriser à désactiver temporairement les notifications des journaux et des médias les jours où l'on se sent particulièrement stressé, limiter son usage des réseaux sociaux… Plutôt que d'avoir des infos en boucle. D'autant que les éco-anxieux sont déjà très sensibilisés aux questions environnementales", souligne notre interlocutrice. 

► Consulter un psychologue ou un psychiatre "si on a l'impression que ça nous impacte trop. C'est un motif de consultation que l'on voit de plus en plus", conclut notre experte. 

Merci au Dr Fanny Jacq, Médecin Psychiatre et directrice santé mentale de Qare.

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