Appareil Philips pour apnée du sommeil : rappel, liste, risque de cancer ?
En juin 2023, plus de 200 personnes ont porté plainte contre Philips dans l'affaire des appareils pour apnée du sommeil défectueux. En cause, la présence d'une mousse insonorisante liée à un risque potentiel d'inhalation de particules cancérigènes.
217 personnes ont déposé plainte le 15 juin 2023 à Paris, dont trois pour homicide involontaire, dans le cadre de l'affaire des appareils respiratoires pour l'apnée du sommeil défectueux du groupe Philips, a annoncé le 16 juin Me Christophe Lèguevaques. Le motif de la plainte : "tromperie, mise en danger de la vie d'autrui, pratiques commerciales trompeuses, et administration de substances nuisibles". Cette plainte fait suite au rappel mondial d'appareils pour apnée du sommeil de la marque Philips qui a eu lieu en juillet 2021 à cause du possible risque de désintégration de mousse dégradée qui pourrait former des composés organiques volatils (COV) potentiellement cancérigènes. Ces appareils concernent 370 000 patients en France. Auditionnée le 31 mars 2023 par la Justice, la société Philips, n'ayant pas respecté ses obligations fixées par décision de police sanitaire, a été mise en demeure afin de procéder au remplacement des appareils défectueux restants. Que reproche-t-on à Philips ? Que s'est-il passé avec ces appareils ? Retour sur les faits.
Résumé de l'affaire des respirateurs Philips
► En juillet 2021, Philips a publié une notification de sécurité concernant des appareils de PPC, des respirateurs destinés aux patients souffrant d'apnée du sommeil ou nécessitant une assistance respiratoire à domicile. Ces appareils aident à respirer pendant la nuit. A été mis en évidence un risque de dégradation de la mousse d'insonorisation (placée à l'intérieur de l'appareil) sous forme de particules pouvant être ingérées ou inhalées par l'utilisateur. Problème : la mousse dégradée pourrait former des composés organiques volatils (COV) potentiellement cancérigènes.
► Le 8 juillet 2021, l'Agence du médicament a réuni un comité d'experts composé de représentants d'associations d'usagers du système de santé ainsi que de personnalités qualifiées en raison de leurs compétences en médecine générale, en pneumologie, en toxicologie, en dispositifs médicaux et en épidémiologie, afin de mieux appréhender les risques potentiels liés à l'utilisation de ces appareils défectueux. A date, l'ANSM a reçu près de 300 000 signalements d'effets indésirables.
► Par précaution, l'ensemble des appareils concernés (370 000 modèles en France) ont été rappelés, indique l'Agence du médicament en novembre 2021. Ces appareils étaient censés être remplacés or ce remplacement a pris du retard et certains patients ont continué à utiliser les appareils en question, n'ayant pas été mis au courant de ces risques. A date, Philips avait remplacé seulement un tiers des appareils défectueux.
► Le 7 février 2022, L'ANSM qui a tenu une nouvelle réunion d'échange, a souhaité contraindre Philips à accélérer le remplacement des machines et que les prestataires de soins à domicile informent les patients concernés, par la prise d'une décision de police sanitaire dans laquelle l'Agence du médicament exige que 100% des appareils de ventilation défectueux soient remplacés au 31 décembre 2022 auprès des prestataires.
► Le 11 février 2022, Philips a fait part de son désaccord dans un communiqué considérant "que la décision de police sanitaire de l'ANSM est injustifiée et étudie la possibilité d'intenter un recours contre cette décision dans les plus brefs délais".
► Le 20 juin 2022, une enquête préliminaire est ouverte par le pôle santé du Parquet de Paris, après la plainte de 8 utilisateurs de respirateurs pour apnée du sommeil Philips. Une douzaine d'autres plaintes ont été déposées en régions. Cette enquête a été ouverte pour "mise en danger de la vie d'autrui", "tromperie aggravée" et "administration de substances nuisibles".
► Le 18 novembre 2022, franceinfo rend public le fait que Philips aurait continué d'utiliser une mousse possiblement cancérigène pour équiper ces respirateurs contre l'apnée du sommeil malgré plusieurs alertes émises par un fabricant américain. Ces documents partagées par un collectif d'avocats français, américains, italiens et autrichiens sont désormais dans les mains des magistrats en charge de l'enquête préliminaire, peut-on lire dans l'article.
► Le 30 janvier 2023 : le groupe Philips supprime 6 000 emplois à cause de l'affaire du rappel de 5.2 millions de respirateurs pour apnée du sommeil. Philips avait déjà annoncé la suppression de 4 000 postes.
► Le 31 mars 2023 : L'ANSM réunit de nouveau les associations de patients, les représentants des professionnels de santé et les prestataires de soins à domicile (PSAD) pour leur partager un point de situation sur le remplacement des appareils de ventilation défectueux Philips. Dans ce cadre, la société Philips a de nouveau été auditionnée. Pendant l'audition, l'ANSM apprend que Philips n'a pas respecté ses engagements et les obligations fixées par la décision de police sanitaire (de remplacer la totalité des appareils défectueux). Philips est ainsi mise en demeure de mobiliser tous moyens à sa disposition pour procéder au remplacement des appareils défectueux restants. L'ANSM saisit également le procureur de la République.
Quel est le risque de cancer avec les appareils Philips défectueux ?
Sur la base des premières données disponibles qui étaient encore limitées à cette époque, Philips, par mesure d'extrême précaution et par souci de transparence, a fait part de potentiels risques cancérigènes liés à l'utilisation de certains de ses appareils. Depuis, des tests et analyses toxicologiques complémentaires ont été menés par des laboratoires d'essais certifiés et un expert tiers qualifié. Dès décembre 2021, ces tests ont révélé des résultats rassurants sur les émissions de COV des dispositifs DreamStation de 1ère génération. De même, sur une période identique, une étude canadienne totalement indépendante, publiée dans l'American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine et réalisée auprès d'environ 6 900 patients atteints de SAOS ayant utilisé un dispositif PAP entre 2012 et 2020, dont environ 1 200 utilisateurs d'appareils PPC de la marque Philips, n'a pas mis en évidence un risque plus élevé de cancer chez ces derniers, par rapport aux patients utilisant un appareil de PPC d'un autre fabricant ou aux patients atteints de SAOS non appareillés.
Quels sont les appareils Philips concernés par le rappel ?
Les appareils fabriqués après le 26 avril 2021 et ceux des autres marques ne sont pas concernés.
Philips a publié la liste des modèles concernés (fabriqués avant le 26 avril 2021) par le rappel :
- des ventilateurs avec support de vie (Trilogy100, Trilogy200) utilisés à domicile, à l'hôpital, et dans les établissements sanitaires pour les patients ventilo-dépendant;
- des ventilateurs sans support de vie (BiPAP autoSV (DreamStation, Advanced, PR1/SystemOne,C-series), BiPAP S/T et AVAPS ( DreamStation, PR1, C-series), Omnilab Advanced +, BiPAP A30, BiPAP A40, BiPAP SOH) utilisés à domicile pour les patients atteints notamment de BPCO, de syndrome d'obésité hypoventilation, de cyphoscoliose et de pathologie neuromusculaire ;
- des appareils de pression positive continue (PPC) (REMstar Pro, Auto, Expert (DreamStation, PR1/SystemOne, Q-series), BiPAP Auto, DreamStation Go) utilisés à domicile principalement pour traiter le syndrome d'apnée du sommeil
Attention, les appareils fabriqués après le 26 avril 2021 et ceux des autres marques ne sont pas concernés. Pour connaître le modèle de votre appareil, reportez-vous aux indications figurant sur celui-ci. Si la date de fabrication n'y est pas précisée, rapprochez-vous de votre prestataire de soins à domicile ou du médecin qui vous l'a prescrit. Ces informations figurent aussi dans votre carnet de suivi, assorties du numéro de série de votre appareil.
Quels sont les symptômes d'alerte avec les appareils Philips ?
En cas d'une exposition à des particules de mousse dégradée, les risques sont :
- Des irritations (peau, yeux et voies respiratoires)
- De la toux,
- Une pression thoracique
- Une infection des sinus
- Des maux de tête ou des étourdissements
- De l'asthme
- Des effets indésirables sur d'autres organes (par exemple, les reins et le foie)
- Des nausées ou vomissements
- Des risques de toxicité et des risques cancérigènes : "au vu des données transmises par Philips, un risque cancérigène après une exposition à long terme des dispositifs concernés ne peut être exclu", indique l'ANSM.
Quelle est la conduite à tenir pour les utilisateurs des respirateurs Philips ?
L'ANSM a indiqué aux patients qui utilisent ces machines la conduite à tenir :
- Ne pas arrêter votre traitement, quel que soit le type d'appareil utilisé. L'arrêt du traitement présente un risque avéré à court terme, par exemple une aggravation de l'insuffisance respiratoire. D'après les premières données disponibles, le risque de cancer lié à l'utilisation de ces appareils n'est pas avéré, précise l'ANSM.
- Votre pneumologue ou prestataire de santé à domicile vous a contacté ou vous contactera afin d'organiser la réparation ou le remplacement de vos équipements, selon la disponibilité du matériel.
- En cas de céphalées, irritation (peau, yeux, voies respiratoires), de réactions inflammatoires, de toux, de pression thoracique, d'asthme et d'infection des sinus, ou d'autres symptômes pouvant être liés à l'utilisation du dispositif, contactez votre médecin.
- En cas de tels effets indésirables, nous vous invitons également à faire une déclaration sur le portail des signalements, en y précisant le numéro de série complet de l'appareil (votre médecin peut vous aider à faire cette déclaration).
De leur côté, les médecins de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF) conseillent également de continuer d'utiliser le respirateur en leur possession. L'équilibre bénéfice-risque étant favorable.
Source : Appareils de ventilation Philips : l'ANSM saisit la justice, ANSM, 17 avril 2023