Sédation profonde : combien de temps avant le décès ?
Une personne atteinte d'une maladie incurable peut demander à bénéficier de la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès (SPCMD). Elle est autorisée en France. Conditions et déroulé.
La sédation est définie par le recours à des moyens, le plus souvent médicamenteux, pour soulager et apaiser un patient qui souffre. La sédation prend en compte le confort du patient et son environnement pour l'aider à soulager ses douleurs physiques et psychologiques. Elle est souvent utilisée pour pratiquer des soins et diminuer la douleur ressentie par le patient lors notamment d'un passage en réanimation. Selon le niveau de conscience du patient, la sédation peut être profonde et continue jusqu'au décès, palliative ou légère. Au cours d'une sédation légère, la personne peut sembler dormir mais ouvre ses yeux et/ou réagit quand on lui parle et/ou qu'on le touche. Dans la sédation profonde et continue jusqu'au décès, elle permet seulement que le décès intervienne dans des conditions de confort améliorées pour la personne.
Qu'est-ce qu'une sédation profonde et continue ?
Depuis février 2016, la loi Claeys-Leonetti offre en France un droit à "la sédation profonde et continue" jusqu'au décès pour les personnes malades en phase terminale. Cette pratique consiste à endormir profondément un patient de manière à s'assurer qu'il ne souffre plus alors que son décès est imminent et inévitable. Au cours d'une sédation profonde, la personne dort et ne réagit ni à la voix ni au toucher.
Qu'est-ce qu'une sédation palliative ?
Au cours de la sédation palliative, l'état de conscience du malade est abaissé à l'aide de médicaments afin de soulager les douleurs. Cette sédation peut être continuée jusqu'à la perte de conscience et le décès du patient. On évoque alors le terme de sédation palliative continue ou profonde.
Quelles différences entre la sédation profonde et l'euthanasie ?
"La sédation vise à altérer la conscience profondément tandis que l'euthanasie consiste à provoquer intentionnellement la mort", explique Maître Muriel Bodin, avocate au Barreau de Paris, spécialisée en droit de la santé. Dans son guide du parcours de soins de janvier 2020, la HAS a relevé six caractéristiques permettant de différencier la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès de l'euthanasie : l'intention, le moyen pour atteindre le résultat, la procédure, le résultat, la temporalité et la législation.
Sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès | Euthanasie | |
Intention | Soulager une souffrance réfractaire | Répondre à la demande de mort du patient |
Moyen | Altérer la conscience profondément | Provoquer la mort |
Procédure | Utilisation d'un médicament sédatif avec des doses adaptées pour obtenir une sédation profonde | Utilisation d'un médicament à dose létale |
Résultat |
Sédation profonde poursuivie jusqu'au décès dû à l'évolution naturelle de la maladie |
Mort immédiate du patient |
Temporalité | La mort survient dans un délai qui ne peut pas être prévu | La mort est provoquée rapidement par un produit létal |
Législation | Autorisée par la loi |
Illégale en France |
Que dit la loi en France ?
C'est la loi Claeys-Léonetti de février 2016 qui a permis la mise en place d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès des personnes malades en fin de vie. Cette sédation profonde est mise en place après l'arrêt des traitements. C'est ce que Jean Leonetti a appelé "le droit de dormir avant de mourir pour ne pas souffrir" (article L. 1110-5-2). En 2005, la loi Léonetti relative aux droits des malades et à la fin de vie a souhaité proscrire une éventuelle "obstination déraisonnable" du corps médical à une "prolongation artificielle de la vie" du patient (articles 1 et 9), y compris lorsque ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté. En 2022, la loi Kouchner a permis à toute personne atteinte d'une maladie incurable de décider elle-même de la poursuite ou de l'arrêt des traitements. "Elle a également la possibilité de désigner une personne de confiance concernant sa santé, notamment pour informer le corps médical de ses choix si elle n'est plus en capacité de le faire", précise l'avocate en droit de la santé.
Quelles sont les conditions pour demander la sédation profonde ?
Selon la loi du 2 février 2016 , la sédation profonde et continue maintenue jusqu'au décès (SPCMD) ne peut être administrée qu'à la demande du patient dans les deux cas suivants :
→ son pronostic vital est engagé et les traitements qui lui sont administrés ne permettent pas d'alléger sa souffrance ;
→ il décide volontairement d'arrêter un traitement, ce qui l'expose à des souffrances insupportables.
Autre cas de figure, le patient est inconscient et ne peut pas exprimer sa volonté. Le médecin peut mettre en place la SPCMD au titre du refus de l'acharnement thérapeutique, sauf si le patient s'y était opposé dans ses directives anticipées. "Il est très conseillé de rédiger des directives anticipées. Un avocat peut vous aider à les rédiger et à les faire respecter le moment venu", commente Maître Muriel Bodin.
Protocole : comment se passe une sédation ?
Conformément aux recommandations de la HAS, la mise en place d'une sédation profonde (SPCMD) répond à un protocole défini :
► Mise en place : la réalisation d'une SPCMD impose de pouvoir faire appel à une équipe spécialisée en soins palliatifs, un médecin référent et spécialisé en soins palliatifs doit pouvoir être joignable facilement. À domicile ou en Ehpad, la mise en place d'une SPCMD nécessite de pouvoir joindre 24h/24 un médecin, un(e) infirmier(ère) devant pouvoir se déplacer. À défaut, une hospitalisation à domicile peut être envisagée. Il faut aussi pouvoir s'assurer de la présence continue auprès du malade de membres de l'entourage capables d'alerter. Mettre en place une SPCMD à domicile ou en Ehpad nécessite d'avoir un lit de repli réservé dans un établissement de santé. Enfin, les consignes en cas d'évènement inattendu ou d'urgence doivent être laissées par écrit.
► Initiation de la sédation : Le médicament recommandé en 1re intention est le midazolam injectable. Les opioïdes seuls ne doivent pas être utilisés pour induire une sédation, ils seront poursuivis ou renforcés pour contrôler les douleurs et les dyspnées. L'infirmier(ère) débute alors l'administration et la titration des médicaments en présence du médecin. Puis le médecin est en charge de la surveillance du patient jusqu'à ce qu'il soit stabilisé.
► Entretien et surveillance : les injections de midazolam sont poursuivies tout au long de la SPCMD. L'équipe de soins contrôle le pouls et le rythme respiratoire et assure l'évaluation clinique (profondeur de la sédation, degré de soulagement, surveillance des effets indésirables) 2 fois par jour à domicile, 3 fois à l'hôpital ou en Ehpad. Seuls les traitements qui participent au maintien du confort du patient sont poursuivis. L'hydratation et la nutrition artificielles devraient être arrêtées. Les soins de confort (soins de bouche, hygiène, etc.), auxquels peuvent participer les proches si le patient en a émis le souhait, sont essentiels.
Quels sont les médicaments utilisés pour une sédation profonde et continue ?
Une sédation est obtenue grâce à des sédatifs qui sont prescrits selon un protocole bien standardisé. Elle associe toujours la prescription d'analgésiques visant à soulager toutes douleurs induites par la maladie et l'arrêt des traitements. La HAS préconise l'administration du midazolam, puissant sédatif, en première intention d'une sédation profonde et continue.
► En 1ère intention : le médicament recommandéest le midazolam injectable : la voie intraveineuse est recommandée, quels que soient l'âge et le lieu. La possibilité d'un réveil, notamment lors des soins, est anticipée par l'injection ponctuelle d'une dose complémentaire d'antalgique et de sédatif. En cas de difficulté d'approvisionnement du midazolam, le diazépam et le clonazépam peuvent être utilisés en recours temporaire.
► En 2e intention : en cas d'efficacité insuffisante du midazolam et hors situation particulière, les neuroleptiques sont les médicaments de choix de deuxième intention, notamment :
- la chlorpromazine en cas de sédation intraveineuse ;
- la lévomépromazine, plus sédative, en cas de sédation sous-cutanée.
En fonction du médicament sédatif de 2e intention, le midazolam sera poursuivi ou progressivement arrêté. En cas d'efficacité insuffisante des médicaments de deuxième intention, un transfert vers un service d'hospitalisation est recommandé.
Combien de temps dure une sédation avant le décès ?
Contrairement à l'euthanasie qui provoque la mort immédiatement, le délai de survenue du décès dans le cadre de la sédation est imprévisible.
Quels sont les effets secondaires ?
Ce n'est pas la sédation en elle-même qui provoque le décès, mais l'évolution de la maladie. La sédation profonde et continue vise simplement à soulager la souffrance du patient. Celui-ci est plongé dans un état de sommeil tel qu'il ne réagit plus aux stimulations. Les doses de médicaments utilisées ne l'exposent pas à de potentiels effets secondaires. La sédation permet seulement que le décès intervienne dans des conditions de confort améliorées pour la personne
Quel est le prix et le remboursement ?
"Le prix de la sédation profonde dépend du lieu où elle est pratiquée. A domicile, c'est le coût des visites domiciliaires de l'équipe médicale en charge de suivre le patient qui mourra à domicile. Cela peut durer plusieurs jours puisqu'il n'y a pas d'issue prévisible. Si c'est à l'hôpital, il faut compter le prix par jour, déduction faite de la prise en charge de la sécurité sociale", indique l'avocate spécialisée en droit de la santé.
Sources : Sites du Ministère de la Santé et de la Haute Autorité de Santé (HAS)