Musicothérapie : définition, bienfaits, active, réceptive...
L'utilisation de la musique et des sons comme outil thérapeutique peut apaiser la santé mentale, émotionnelle mais aussi physique. Explications d'Émilie Tromeur-Naversi, musicothérapeute-clinicienne, neuro-musicothérapeuthe, et présidente de la Fédération française de musicothérapie.
Définition : c'est quoi la musicothérapie ?
"La musicothérapie est une pratique de soin, de relation d'aide, d'accompagnement, de soutien ou de rééducation", explique la Fédération française de musicothérapie. Cette technique thérapeutique utilise le son et la musique pour aider le patient qui présente des souffrances ou des difficultés liées à des troubles psychiques, physiques, sensoriels, ou neurologiques. Elle s'adresse également à des personnes en difficulté psycho-sociale. Du nourrisson à la personne âgée, en soins palliatifs : tout sujet, s'il est sensible à cette technique, peut être ainsi suivi. Après une première rencontre avec le patient qui développe les raisons de sa venue ainsi que ses goûts musicaux, le musicothérapeute dresse son bilan psycho-médical. "En observant les réactions du patient, le spécialiste va évaluer son degré de réceptivité et voir si cette pratique est pertinente pour lui. Parfois, elle ne l'est pas", explique Émilie Tromeur-Naversi, musicothérapeute-clinicienne, neuro-musicothérapeuthe et présidente de la Fédération française de musicothérapie. Si le patient est sensible à cette technique, le bilan psycho-médical permet de définir quel type de musicothérapie semble le plus adapté à ses besoins : la musicothérapie active ou plutôt la réceptive ?
Qu'est-ce que la musicothérapie active ?
La musicothérapie est dite "active" lorsque "le musicothérapeute propose à la personne de produire du son ou de la musique, d'improviser, de créer" indique Émilie Tromeur-Naversi.
Qu'est-ce que la musicothérapie réceptive ?
On parle en revanche de musicothérapie réceptive lorsque le dispositif est fondé sur l'écoute musicale et sonore, qui "va aider le patient à réagir et à verbaliser ses émotions." La musicothérapeute-clinicienne précise que l'on qualifie parfois à tort cette technique de "passive", plutôt que de réceptive. "C'est une mauvaise traduction de l'anglais", regrette-t-elle. "Le patient n'est en rien passif, il est en éveil et en action."
Quels bienfaits ?
"Les objectifs diffèrent en fonction du patient. Lorsque ce dernier souffre d'anxiété, de phobies telle que la phobie scolaire, qu'il est en état de déprime, ou encore, qu'il a subi un traumatisme, la musicothérapie va l'accompagner psychologiquement et l'apaiser. Elle lui permet évoluer vers un mieux-être", détaille l'interrogée. Cette thérapie par le son permet aussi à certains patients d'exprimer leurs émotions et leurs sensations, qu'ils laissent surgir. "Elle est un autre moyen de communication quand la verbale est rompue", ajoute Émilie Tromeur-Naversi.
Indications
La musicothérapie peut être indiquée et prescrite médicalement par le médecin traitant du patient, par son psychiatre, ou par son psychologue, par exemple. Mais comme pour une séance chez ce dernier, les personnes peuvent s'y rendre librement. "Il n'est pas nécessaire d'être muni d'une prescription, puisque les séances de musicothérapie ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale", précise la musicothérapeute. Émilie Tromeur-Naversi déplore que sa profession n'ait pas de cadre réglementaire en France, et donc, pas de protection de l'usage du titre, qui éviterait à certains patients d'être suivis par certaines personnes mal-intentionnées ou mal formées à ce métier à la fois de musicien et de thérapeute. "Être musicien ne suffit pas", insiste l'interviewée. Pour y voir plus clair, la Fédération française de musicothérapie, qu'elle préside, a réalisé un annuaire des professionnels diplômés d'une formation délivrée par une université ou un centre agréé, affiliés à l'organisme après avoir signé un code de déontologie et d'éthique.
Musicothérapie et autisme
L'emploi de la musicothérapie réceptive avec une personne autiste permet d'aider cette dernière à s'exprimer. Par le regard, par exemple. "Le thérapeute va observer un lien visuel, un échange de regard", développe Émilie Tromeur-Naversi. "Il peut aussi remarquer que la personne autiste s'exprime par le touché : en touchant l'instrument, ou alors, en acceptant qu'on le touche ou d'être touchée", poursuit-elle.
Musicothérapie et Alzheimer
La musicothérapie est aussi utilisée pour des patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Son emploi va dépendre du degré de démence. La spécialiste distingue trois profils, à trois étapes différentes de la maladie.
- "Au moment du diagnostic, nous travaillons sur l'acceptation de la maladie. J'accompagne le patient très anxieux", dit d'abord musicothérapeute-clinicienne.
- Dans le cas d'une démence modérée, cette dernière va travailler avec le patient pour l'aider à développer ses potentialités de communication autre que verbale, "tout en soutenant le verbal, qui est toujours là mais qui commence à évoluer et à s'effriter", précise-t-elle.
- Quand le malade d'Alzheimer est dans un état de démence sévère, les musicothérapeutes vont uniquement travailler sur la communication non-verbale, puisque la verbale est déjà trop détériorée.
Les musicothérapeutes peuvent parfois donner des outils aux proches démunis, mais les exercices se dérouleront différemment sans la présence du professionnel, d'après la musicothérapeute. "Le patient réagira probablement de manière moins hostile aux exercices du musicothérapeute qu'à ceux de ses proches, pour lesquels la dimension affective est très lourde. Chez le musicothérapeute, il n'y a pas de détresse dans le regard comme chez les aidants, le patient peut le ressentir et la relation peut donc être différente", pointe la spécialiste.
Musicothérapie contre la douleur
La musicothérapie peut aussi avoir un effet antidouleur sur les patients en souffrances physiques ou atteints d'une douleur chronique. Pour les relaxer, le professionnel propose une technique réceptive de "détente psycho-musicale." Cette méthode est "souvent appliquée dans les services oncologies ou encore en post-opératoire, car elle agit directement sur la pression artérielle et le rythme cardiaque", dit la présidente de Fédération française de musicothérapie.
Comment se déroule une séance ?
Le praticien accueille le patient puis lui présente l'outil sonore, celui qu'il va, ensuite, écouter (musicothérapie réceptive), ou utiliser pour créer (musicothérapie active). En fin de séance, le patient va s'exprimer, dans un moment dédié, sur ce qu'il a ressenti. Et enfin, un temps de clôture est réalisé par le musicothérapeute, qui aura noté les progrès du patient au cours de la séance.
À quelle fréquence pratiquer ?
Hors protocole de rééducation, Émilie Tromeur-Naversi propose une séance par semaine avec le patient, fixée chaque fois le même jour de la semaine et à la même heure, "afin de créer un repère au patient", ajoute l'interrogée. Dans le cadre d'une rééducation, plusieurs rendez-vous peuvent être donnés au patient dans une même semaine. La neuro-musicothérapeuthe propose généralement un cycle de huit séances à ses patients, à reconduire en fonction de leurs besoins. Selon leurs pathologies, la thérapie peut durer entre un trimestre et un an.
Exemple de musicothérapies
→ La technique "graphique" est un premier exemple de musicothérapie. "Les enfants avec qui le praticien travaille sur l'émotionnel doivent dessiner sur le son qu'ils entendent, de manière très spontanée", explique Émilie Tromeur-Naversi. "Les enfants qui ont des troubles de l'attention peuvent apprendre à lire avec de la musique, cette technique se développe beaucoup", donne-t-elle pour autre exemple.
→ La musicothérapie neurologique, ou la neuromusicothérapie (NMT), quant à elle, agit sur les fonctions motrices, cognitives, sensorielles des patients atteints par la maladie de Parkinson, de Huntington, victimes d'un AVC, souffrant de lésion cérébrale traumatique, ou encore, de paralysie cérébrale.
→ Autre cas, pour soulager les patients qui souffrent de douleurs ou d'anxiété, le musicothérapeute construit une bande sonore d'une durée de 20 à 40 minutes. "Avec le bilan psycho-médical, le professionnel sait sur quel genre de musique ou de son le patient est en position de détente et d'apaisement", explique l'interviewée. "Une bande bien construite démarre par un thème orchestral, rythmé, puis le musicothérapeute baisse les paramètres, et un seul instrument joue très lentement. Pour ne pas laisser le patient en état de semi-conscience, il monte de nouveau le volume, et passe d'un rythme lent à un rythme moyen. Il faut réveiller le patient sans qu'il ne soit dans le même état anxieux qu'au départ." Parfois, les musicothérapeutes réalisent ce montage sonore, et d'autres fois, ils jouent en live. "Quand je travaille en soins palliatifs, je ne joue qu'en live", affirme la musicothérapeuthe. "Pour démarrer mes improvisations, je me calle sur le rythme cardiaque du patient. En direct, je peux aussi observer l'amplification ou le ralentissement de la respiration, les expressions du visage, la position des mains, des jambes… et ajuster, selon, le rythme de ma musique."
Quels inconvénients ?
Le bilan psycho-musical, réalisé avant de débuter une thérapie, permet de ne pas mettre en danger les patients pour qui le son peut être psychiquement envahissant, trop agressif, et source d'angoisse. "Et si le patient est réceptif à cette technique, mais qu'il semble craintif, le musicothérapeute va utiliser la voix comme objet sonore, le corps aussi, plutôt qu'un instrument dont le son sera trop agressif pour lui."
Merci à Émilie Tromeur-Naversi, musicothérapeute-clinicienne, neuro-musicothérapeuthe, et présidente de la Fédération française de musicothérapie.