Arthrite juvénile : symptômes, diagnostic, traitement
L'arthrite juvénile idiopathique est une maladie chronique qui apparaît pendant l'enfance, souvent avant 16 ans. Elle reste rare. Quels sont les symptômes ? Les traitements ? Le diagnostic ? Le pronostic ? Explications du Dr Séverine Guillaume-Czitrom, rhumatologue pédiatrique au CHU du Kremlin-Bicêtre.
Définition : qu'est ce qu'une arthrite juvénile Idiopathique ?
L'arthrite juvénile idiopathique (AJI) désigne les inflammations des articulations, de cause inconnue (c'est pour cela qu'on dit qu'elle est idiopathique), survenant avant l'âge de 16 ans et dont les symptômes durent au moins six semaines. "C'est un groupe de maladies rares qui touche moins de 1 enfant sur 2000, aussi bien les garçons que les filles", explique le Dr. Séverine Guillaume-Czitrom. Il existe sept formes distinctes d'AJI :
- l'arthrite systémique (maladie de Still),
- l'oligoarthrite juvénile,
- la polyarthrite juvénile avec facteur rhumatoïde,
- la polyarthrite juvénile sans facteur rhumatoïde,
- les arthrites avec enthésites (spondylarthrites juvéniles),
- les rhumatismes psoriasiques juvéniles
- les arthrites juvéniles indifférenciées.
L'âge de début et la distribution filles/garçons varient selon la forme d'AJI.
Quels sont les symptômes ?
Cette affection se caractérise par des inflammations articulaires ou "arthrites." "La définition d'une arthrite est l'association d'une douleur et d'une raideur et/ou d'un gonflement d'une articulation. On entend par raideur articulaire, la diminution de la mobilité d'une articulation", précise le Dr Guillaume-Czitrom.
► L'arthrite systémique associe une ou des arthrites, à des pics de fièvre élevés une à deux fois par jour et à des éruptions cutanées au moment des pics fébriles. Elle survient le plus souvent vers l'âge de 2 ans mais la maladie peut aussi toucher des adolescents. Les garçons sont autant touchés que les filles.
► La polyarthrite sans facteur rhumatoïde touche plus de 5 articulations. " Cette forme atteint plus souvent les filles et connait 2 pics de fréquence : la première à 2-4ans et la seconde à l'adolescence, remarque notre expert. Elle peut s'accompagner d'une uvéite qui est une inflammation dans l'œil. La présence ou non de facteur rhumatoïde (FR) détermine la forme de ces polyarthrites "avec ou sans FR" et est considéré comme un marqueur pronostique ".
► Les oligoarthrites de l'enfant sont les formes les plus fréquentes, très souvent féminines, apparaissant entre 2 et 4 ans principalement, avec un risque oculaire d'uvéite plus marqué que dans les autres formes.
► L'arthrite avec enthésites (spondylarthrite) se manifeste par une inflammation articulaire avec inflammation de l'enthèse (point d'ancrage des tendons sur les os). Cette forme ressemble beaucoup à la spondylarthrite de l'adulte avec les mêmes caractéristiques démographiques.
► Les rhumatismes psoriasiques associent arthrites et psoriasis (inflammation chronique de la peau avec desquamation).
Quelles sont les localisations de l'arthrite juvénile ?
L'arthrite juvénile atteint jusqu'à 4 articulations.
Les localisations dépendent de la pathologie. Ainsi, l'oligoarthrite juvénile atteint jusqu'à 4 articulations, les genoux et les chevilles principalement (grosses articulations), et de façon asymétrique. La polyarthrite sans facteur rhumatoïde affecte au moins 5 articulations dès les premières semaines d'évolution. La distribution des arthrites peut être symétrique ou non, plutôt au niveau des grosses articulations. "Plus rare et plus grave, la polyarthrite avec facteur rhumatoïde touche généralement les mains et les pieds en premier de manière symétrique, avant de s'étendre aux autres articulations, ajoute la rhumatologue pédiatrique. Les arthrites avec enthésites et rhumatismes psoriasiques touchent initialement les grosses articulations périphériques de manière asymétrique. Enfin, plus rare, mais caractéristique du rhumatisme psoriasique est la dactylite, donnant une allure en fuseau du doigt."
Quelles sont les causes ?
L'arthrite juvénile est idiopathique, ce qui signifie que ses causes sont inconnues. "C'est donc un diagnostic d'exclusion, ce qui signifie que des causes infectieuses ou tumorales doivent avoir été exclues, explique le Dr. Séverine Guillaume-Czitrom. On considère que l'AJI est une maladie autoimmune ou autoinflammatoire et qu'à l'occasion d'un évènement non identifié, une cascade inflammatoire est déclenchée dans une ou plusieurs articulations et que cette inflammation perdure probablement du fait d'un déficit en inhibiteurs de l'inflammation propre à l'individu atteint."
Quel est le diagnostic ?
Le diagnostic des arthrites de l'enfant doit être posé de manière précoce par des spécialistes en rhumatologie pédiatriques. Un examen clinique complet s'impose. Des examens complémentaires peuvent être nécessaires pour éliminer les causes infectieuses ou tumorales, préciser le type d'arthrite dont souffre le patient : un frottis sanguin, une bandelette urinaire, la recherche d'anticorps, une radiographie et une échographie peuvent être nécessaire.
Quels sont les traitements ?
Le traitement proposé sera en fonction de l'enfant, de la forme d'arthrite et de la gravité de ses symptômes. Il fait appel aux rhumatologues pédiatriques, ophtalmologues, kinésithérapeutes et en cas de nécessité aux psychologues. La première ligne de traitements des arthrites juvéniles idiopathiques repose sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens. "En cas d'échec, plusieurs possibilités s'offrent selon le nombre d'arthrites et la gravité de la forme d'AJI : traitements locaux par infiltrations de corticoïdes d'action longue dans les articulations ou traitements systémiques par voie orale, sous-cutanée ou intraveineuse (corticoïdes, médicaments faiblement immunosuppresseurs synthétiques et/ou biologiques), recommande la rhumatologue. L'objectif de la stratégie thérapeutique sera toujours d'interrompre la cascade inflammatoire de la manière la plus complète possible pour restaurer au mieux les capacités de l'enfant." Parfois, en parallèle, l'enfant devra suivre des séances de rééducation. Dans la majorité des cas, il lui sera conseillé de continuer à pratiquer des exercices physiques régulier pour assurer une croissance harmonieuse et le développement musculaire.
Un aménagement de la scolarité et un suivi psychologique peuvent être nécessaire. "Enfin tous les enfants atteints d'AJI et présentant un risque d'uvéite feront l'objet d'une étroite surveillance ophtalmologique systématique", précise notre expert.
Quel est le pronostic ?
L'inflammation chronique des articulations peut entraîner des anomalies de croissance localisées généralement peu visibles par accroissement du débit sanguin à ce niveau. "Mais plus préoccupant, une arthrite chronique peut engendrer des lésions permanentes comme des altérations définitives du cartilage articulaire responsables de douleurs aux mouvements et de limitations de mobilité ou des rétractions musculo-tendineuses ou de déformations articulaires. Diagnostiquer et traiter précocement une AJI permet de lutter contre les arthrites et d'éviter les dégradations des articulations", explique le Dr. Guillaume-Czitrom.
Merci au Dr. Séverine Guillaume-Czitrom, rhumatologue pédiatrique au CHU du Kremlin-Bicêtre.