J'ai tout le temps envie de faire pipi : pourquoi ?
En pleine journée ou la nuit, vous avez tout le temps envie de faire pipi ? Stress, hyperactivité de la vessie, diabète, cystite, MST... Plusieurs raisons peuvent expliquer ce que l'on appelle la "pollakiurie". Quand consulter ? Quel est le délai normal entre deux mictions ? Le point avec le docteur Ala Chebbi, urologue.
"Le fait de faire pipi fréquemment s'appelle la pollakiurie. En temps normal, les intervalles entre deux mictions sont supérieurs à deux heures. Si on urine fréquemment avec des intervalles plus courts, cela est considéré comme pathologique", explique le docteur Ala Chebbi, urologue qui précise que "la pollakiurie est fréquente chez les femmes". Si ces envies d'uriner fréquentes surviennent dans la journée, on parle de "pollakiurie diurne" (ou "nycturie"). Mais elles peuvent aussi arriver la nuit, dans ce cas, il s'agit d'une pollakiurie nocturne. "A partir de deux levées par nuit, on considère que c'est pathologique." Parfois aussi, l'envie fréquente de faire pipi est idiopathique "c'est-à-dire qu'on a une pollakiurie sans causes identifiables" précise l'urologue.
Une consommation excessive d'eau
"La potomanie est un trouble défini par une consommation excessive de boissons, généralement de plus de 3 ou 4 litres par jour. Elle va augmenter le volume uriné en 24 heures (polyurie) et, donc, la fréquence mictionnelle", explique le Dr Chebbi. Pour avoir moins envie de faire pipi, il faut se limiter à une quantité d'eau d'1,5 à 2 litres par jour. "Cette quantité peut être plus ou moins adaptée notamment en fonction de l'activité physique réalisée. Grâce à la mise en place d'un calendrier mictionnel dans lequel la patiente doit noter l'heure et le volume de ses mictions sur 24 heures, on peut facilement établir le diagnostic."
Une cystite
"Les cystites (inflammation aiguë de la vessie, ndlr) sont une cause fréquente de la pollakiurie", informe l'urologue. "Quand on a une cystite, on a une infection urinaire qui va entraîner une irritation de la vessie et cette irritation va augmenter la fréquence mictionnelle." En cas d'infection, l'envie d'aller faire pipi est donc plus fréquente. D'autres symptômes sont souvent associés : des brûlures en urinant, des envies pressantes (ou impériosités) ou encore des douleurs du bas ventre. Pour calmer cette pollakiurie induite par la cystite, il faut "traiter l'infection, en général sans gravité, par antibiothérapie." Pour cela, il faut consulter le médecin généraliste.
Un calcul dans la vessie
"Quand on a un calcul (agrégat notamment composé de calcium et de consistance pierreuse) dans la vessie, la muqueuse est irritée. Cela peut alors augmenter la fréquence des mictions, commence l'urologue. Ce diagnostic est facilement confirmé à l'aide d'une simple échographie ou d'une cystoscopie."
L'hyperactivité de la vessie
"L'hyperactivité de la vessie est très fréquente et touche plus souvent les femmes que les hommes, constate l'urologue. Elle se définit par le fait d'avoir des urgenturies, c'est-à-dire des envies impérieuses, soudaines et irrépressibles d'aller uriner." L'hyperactivité vésicale est souvent accompagnée de l'augmentation de la fréquence des mictions voire parfois de fuites urinaires. "Elle est diagnostiquée par un interrogatoire et la tenue sur trois jours d'un calendrier mictionnel. Elle peut être traitée par certaines mesures hygiéno-diététiques, notamment par une hydratation moins importante le soir pour éviter de se lever la nuit pour uriner. Il est aussi conseillé de limiter la consommation de boissons excitantes comme le café ou le thé par exemple."
L'anxiété, le stress
L'envie de faire pipi peut survenir pour des raisons dites "psychogènes", comme le stress ou l'anxiété. "Ce stress peut notamment être lié à l'anticipation d'éventuelles fuites urinaires, chez des personnes souffrant d'incontinence urinaire. Il s'agit d'une pollakiurie réflexe durant laquelle la personne se dit : "Je dois aller uriner pour éviter d'être dans une situation potentiellement gênante ou invalidante en public"."
Un diabète
"Le diabète de type 1 et certains diabète de type 2 non équilibrés par un traitement augmentent le taux de glucose dans le sang, ce qui entraîne ce que l'on appelle une polyurie (augmentation du volume d'urine émis par jour), qui est à différencier de la pollakiurie, explique l'urologue. Le volume d'eau dans l'urine est plus important ce qui peut provoquer des envies d'uriner plus fréquentes, indirectement, par ce mécanisme de polyurie."
Les effets secondaires des médicaments
"Il s'agit plus principalement des médicaments diurétiques", informe l'urologue. "Ils agissent sur les reins et peuvent être utilisés dans le cadre d'un traitement de l'hypertension artérielle." Ce sont également des médicaments qui vont augmenter le volume d'urine émise. "Ils n'agissent pas à proprement parler sur la fréquence des mictions, mais en augmentant le volume uriné, ils entrainent une pollakiurie."
En cas de MST ou d'IST
"La femme a une particularité par rapport à l'homme : elle a un urètre (canal connecté à la vessie qui amène les urines ndlr) court. Donc elle peut contracter plus facilement des infections sexuellement transmissibles et en particulier les deux plus fréquentes : le chlamydia et le gonocoque. Ces dernières peuvent entraîner une pollakiurie", explique le Dr Chebbi. Pour quelle raison ? "Les infections sexuellement transmissibles provoquent une inflammation locale de la vessie, qui va entraîner une augmentation de la fréquence des mictions. C'est le même mécanisme que lors d'une infection bactérienne type cystite aiguë."
Une tumeur à la vessie
"Ce type de cancers peut particulièrement toucher chez les femmes de plus de 50 ans et qui fument, car le tabac est un facteur de risque reconnu du cancer de la vessie" prévient le Dr Ala Chebbi. L'envie fréquente d'uriner peut être un symptôme révélateur de ce type de cancer. Si une patiente évoque une pollakiurie, "il ne faut pas passer à côté de ce diagnostic, en particulier en présence des facteurs de risque cités". "Le médecin peut être amené à demander une échographie de la vessie ainsi qu'une cystoscopie, c'est-à-dire la visualisation, à l'aide d'une petite caméra, de la paroi interne de la vessie, sous anesthésie locale."
Une maladie neurologique : AVC, Parkinson...
"C'est une cause plus rare, souligne le docteur Chebbi. Certaines pathologies neurologiques comme par exemple la sclérose en plaque, les accidents cardiovasculaires cérébraux (AVC) ou la maladie de Parkinson, peuvent, via une atteinte du système nerveux, augmenter les mictions." Dans certains cas, le diagnostic de l'une de ces pathologies neurologiques peut se faire à partir de ce symptôme.
La grossesse
"La pollakiurie est fréquente pendant la grossesse. Elle touche environ 6 femmes sur 10 au cours du 1er trimestre, et jusqu'à 8 femmes 10 en fin de grossesse. Elle est liée à un mécanisme hormonal mais aussi physique, informe le Dr Chebbi. La taille de l'utérus augmente, il va exercer une pression sur la vessie. Cette dernière aura moins de place pour s'étendre, la capacité vésicale va diminuer et la femme enceinte aura tendance à uriner plus fréquemment."
L'hypertrophie de la prostate chez l'homme
Une des causes les plus fréquentes de l'augmentation de la fréquence des mictions chez l'homme est l'hypertrophie bénigne ou adénome de la prostate. "Il s'agit d'un phénomène physiologique naturel : avec l'âge, la prostate, située sous la vessie, augmente de taille. Parfois, la prostate peut donc obstruer le canal urinaire et empêcher la bonne vidange de la vessie", explique le docteur.
Qui consulter ?
En cas de symptomatologie similaire à ce qui est évoqué ci-dessus, il faut consulter d'abord le médecin généraliste. C'est lui qui, en fonction des symptômes et de son diagnostic, pourra rediriger vers un confrère spécialisé dans la problématique.
Merci au docteur Ala Chebbi, urologue.