Misophonie : définition, cause, test, traitement
La misophonie est un trouble qui se caractérise par une intolérance à certains bruits ou sons (de bouche, de mastication, de déglutition, reniflements...). Quels sont les symptômes ? Les causes ? Le tests de diagnostic ? Les bons traitements ? Réponses d'Anne-Marie Piffaut, psychothérapeute ORL.
Mastication, déglutition, respiration bruyante… Lorsque ces bruits naturels deviennent insupportables s'ils sont produits par autrui, c'est ce que l'on appelle la misophonie. Cette intolérance, terriblement angoissante voire agaçante au moment des repas, par exemple, peut être soignée. Anne-Marie Piffaut, psychothérapeute ORL et auteure du livre Misophonie : L'intolérance aux bruits des autres, révèle au mieux ce qu'il faut savoir sur ce trouble.
Définition : c'est quoi la misophonie ?
La misophonie est l'intolérance aux bruits organiques produits par les autres comme la mastication, la déglutition ou la respiration. Les misophones supportent leurs propres bruits mais ne supportent pas ceux des personnes qui les entourent. Chez certains, cela s'étend à la misokinésie : l'intolérance aux mouvements répétés comme les mouvements des doigts (tapotement des doigts sur le clavier de l'ordinateur), des mains ou de jambes qui se croisent et se décroisent. "Les misophones en arrivent à anticiper ces bruits irritants et stressants, ce qui sécrète chez eux de l'adrénaline. Avant même que le moment ne se produise, ces personnes se mettent déjà dans un état psychologique complexe. Lorsque les bruits arrivent, ils ressentent de la colère et peuvent devenir agressifs ou alors, ils fuient (stratégie d'évitement). Parfois certains se mettent à taper sur la table, à chanter fort ou à hurler", explique le Dr Anne-Marie Piffaut, auteure de Misophonie. L'intolérance aux bruits des autres. Cette forme plus spécifique de l'hyperacousie (l'intolérance aux bruits de la vie quotidienne), touche jusqu'à 10 millions de personnes en France. Mais Anne-Marie Piffaut tient à préciser : "Il s'agit d'un symptôme, et non pas d'une maladie. Ce symptôme est là pour dire quelque chose et tant que le sens n'est pas compris, les personnes s'inventent des histoires qui parfois n'ont rien à voir avec la véritable cause."
Quelle est la cause ?
Ces personnes l'ignorent le plus souvent, car la cause est ancrée dans leur mémoire traumatique, dans leur subconscient.
La cause de la misophonie part d'une hyperexcitabilité nerveuse ou d'une hypervigilance. "Soit elle est organique, c'est-à-dire qu'on est né hypersensible, soit elle est en lien avec le passé, avec un vécu difficile qui a amené à être très attentif au moindre bruit, au moindre stimulus". Il s'agit parfois de personnes nées prématurément, marquées par les bruits des instruments posés sans délicatesse sur la couveuse, de soins précoces effectués sans ménagement ou d'autres victimes de comportements abusifs. "Ces personnes l'ignorent le plus souvent, car la cause est ancrée dans leur mémoire traumatique, dans leur subconscient, mais leur corps se souvient et les émotions se manifestent par des sensations désagréables sans raison apparente", souligne l'ORL.
Quels profils à risque ?
Parmi les personnes hypersensibles ou encore à "haut potentiel", nombreuses sont celles qui souffrent d'intolérances aux bruits, particulièrement aux bruits organiques mais aussi aux autres stimuli sensoriels visuels, tactiles, et même à certaines odeurs et aux mouvements rythmés. Les personnes présentant un trouble autistique et qui sont plus concernées par l'hyperacousie peuvent également souffrir de misophonie et de misokinésie mais Anne-Marie Piffaut, qui ne reçoit pas de patients autistes souligne : "Je ne veux pas mettre des gens dans des cases. La misophonie provient d'une souffrance. Tout le monde peut en souffrir." Les profils à risque sont donc simplement "des personnes avec des histoires de vie, des personnalités et des sensibilités diverses. Ce qui compte c'est le vécu émotionnel et comment faire pour le désensibiliser. Il y a des solutions".
Quels types de bruits ?
Les bruits les plus insupportables aux misophones sont :
- La mastication
- Les bruits de bouche
- L'aspiration d'un liquide avec une paille
- La déglutition
- Se curer les dents à l'aide d'un cure-dents ou avec la langue
- Les reniflements
- Les respirations fortes ou qui s'accélèrent
- Les bruits intestinaux
Quel est le diagnostic ?
"N'importe quelle personne qui ne supporte pas les bruits organiques peut faire son propre diagnostic", estime Anne-Marie Piffaut. Il existe des tests et des questionnaires mais, selon elle, "ils n'ont pas d'intérêts dans le cas de la misophonie". "Pour traiter un patient, nous n'avons pas besoin de quantifier le degré de misophonie d'une personne. Quand la personne est guérie, elle le sait et se dit très reconnaissante", explique-t-elle.
Quel est le traitement ?
Le traitement le plus efficace consiste en une psychothérapie intégrative qui replace le patient au cœur de son parcours de soin. D'après le Dr Piffaut "La misophonie ne se traite pas avec les tranquillisants ou les antidépresseurs". Elle assure que d'autres traitements sont possibles. Parmi ceux-ci, elle cite :
→ la cohérence cardiaque qui modifie les ondes du cortex cérébral qui deviennent identiques à celles du sommeil. Cette méthode permet de tranquilliser la personne.
→ la résolution émotionnelle (EmRes ou encore R.E) qui, en faisant disparaître les sensations désagréables, libère les pensées et permet de réfléchir de façon plus adaptée aux situations problématiques ou, quand les troubles sont plus intenses, elle propose l'EMDR de l'anglais "Eye Movement Desentitization and Reprocessing", qui signifie en français "Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires". "L'EMDR ouvre la mémoire traumatique. Grâce aux stimulations bilatérales alternées, les personnes remontent le long des chaînes associatives de la mémoire en désensibilisant les émotions jusqu'à l'origine du problème", précise l'ORL. "Les émotions disparaissent alors, ce qui permet de voir les choses autrement (traitement cognitif)". Il n'est pas rare d'entendre les personnes en fin de séance, reconnaître à propos des bruits organiques "finalement ce n'était pas si grave que ça", "Je peux les supporter maintenant". Plus on est dans l'évitement du problème et plus on le pérennise. Il faut que les personnes aient suffisamment envie de guérir pour retraverser les situations riches en émotions déjà vécues jusqu'à leur désensibilisation totale, ceci toujours avec les praticiens EmRes ou EMDR car le cadre calme et protecteur est nécessaire. Il faut qu'elles soient suffisamment motivées pour suivre les consignes en totale autonomie de façon assidue, plusieurs fois par jour, comme par exemple avec la cohérence cardiaque. EmRes quant à elle sera effectuée en instantané chaque fois qu'une émotion viendra les perturber. C'est l'association de ces trois pratiques qui donnera les meilleurs résultats. Ils dépendent bien entendu de la capacité des personnes à devenir autonomes et de la gravité des cas, c'est ce que détaille l'auteure dans son livre.
Merci à Anne-Marie Piffaut, psychothérapeute ORL et auteure du livre Misophonie : L'intolérance aux bruits des autres