Polyneuropathie : définitions, symptômes, traitement
Cette dégradation de plusieurs nerfs périphériques peut concerner les diabétiques, les patients atteints d'un cancer traités par chimiothérapie, ou souffrant d'alcoolisme. Des légers fourmillements à la paralysie, quelles conséquences peuvent avoir l'endommagement de ces nerfs ? Réponses éclairantes du Docteur Donia Mahjoub, neurologue.
Polyneuropathie périphérique
La polyneuropathie périphérique désigne l'inflammation de plusieurs nerfs dits "périphériques", c'est-à-dire, qui n'appartiennent pas au système nerveux central (le cerveau et la moelle épinière). Le système nerveux périphérique comprend : les nerfs crâniens, tels que ceux qui innervent le visage, les yeux, le nez, les muscles de la langue, de la gorge et des oreilles, ou encore, les nerfs qui sont liés aux membres.
Polyneuropathie axonale
La polyneuropathie axonale désigne plus précisément l'inflammation de l'axone, c'est-à-dire, la fibre nerveuse, qui avec d'autres fibres va constituer une sorte de câble électrique, qui permet de donner le signal à un organe ou à un muscle pour son fonctionnement.
Polyneuropathie sensitive
La polyneuropathie peut être sensitive, motrice ou mixte sensitivo-motrice. La polyneuropathie sensitive désigne l'atteinte de nerfs sensitifs ou des nerfs mixtes (sensitifs et moteurs à la fois). "Ces petits nerfs donnent le signal de notre sensibilité : ils
nous permettent par exemple de ressentir la température, la douleur, le toucher sur la peau, ou encore, avoir de l'équilibre", détaille la neurologue Donia Mahjoub. Elle poursuit : "Ces nerfs sensitifs sont endommagés lorsqu'ils sont touchés, rompus, sectionnés, ou enflammés à cause d'un traitement médicamenteux ou par chimiothérapie, ou encore, par le système immunitaire, lorsque les anticorps attaquent ces nerfs qu'ils confondent avec d'autres germes ressemblants."
Polyneuropathie démyélinisante
"Si la cellule nerveuse est constituée d'un câble (axone), cet axone est parfois lui-même (pour environ 50% des axones) entouré d'une membrane, comme une gaine, appelée myéline", dit d'abord le Docteur Donia Mahjoub, neurologue. Cette myéline permet de protéger et nourrir les fibres nerveuses, et ainsi d'assurer la conduction d'un neurone à l'autre, et donc, la transmission d'informations. Lorsque les myélines de plusieurs nerfs sont enflammées, dégradées ou détruites, on parle de polyneuropathie démyélinisante. Conséquence de cette atteinte : l'influx nerveux ne passe plus. "La myéline présente en surface des récepteurs qui ressemblent à ceux d'un agent externe au corps (une bactérie). Le système nerveux du patient peut donc être attaqué par son propre système immunitaire, qui va confondre les récepteurs de la myéline avec ceux des bactéries", explique clairement la spécialiste interrogée. C'est ce qu'il se passe, par exemple, dans le cas d'un syndrome de Guillain-Barré (SGB). Par ailleurs, l'axone est caché, protégé par la myéline. Si cette première couche (la myéline) est atteinte, l'axone peut l'être ensuite, ce qui devient plus grave, et sévèrement handicapant.
Polyneuropathie diabétique
On parle de polyneuropathie diabétique dans le cas d' "une inflammation des nerfs de manière chronique et progressive, à la suite d'une augmentation de la glycémie sur le long terme", comme le définit la neurologue. La polyneuropathie diabétique survient aussi lorsqu'il y a atteinte aux petits vaisseaux sanguins (microangiopathie diabétique), qui avaient pour rôle d'alimenter les nerfs et leurs axones, alors fragilisés. Cette forme de polyneuropathie se déclenche "rapidement chez un patient au diabète très déséquilibré ", alors qu'elle apparaitra " au bout de 10 voire 15 ans pour les autres diabétiques bien équilibrés". Le patient atteint d'une polyneuropathie diabétique ressent d'abord des petits fourmillements aux niveaux des extrémités. Puis, lorsqu'elle s'aggrave, cette forme de polyneuropathie peut causer - selon le degré d'atteinte des nerfs - "des vertiges, des troubles sensitifs, des troubles érectiles, et certaines paralysies", énumère le Docteur Donia Mahjoub, avant d'alerter sur la danger de la perte de sensibilité : "La personne diabétique qui a perdu sa sensibilité peut ne ressent pas douleur à son pied, en cas d'une brûlure ou d'un ongle incarné, par exemple. Puisqu'elle n'a pas mal, elle ne se rend pas compte du problème, et celui-ci n'ait pas traité à temps. Cela peut conduire à une amputation. Pour cette raison, il faut toujours examiner le pied d'un diabétique et lui assurer des soins podologiques chez un professionnel". Autre risque, cardiaque, cette fois. "Le cœur est innervé de fibres nerveuses. Mais si jamais cette sensibilité a diminué, le patient diabétique peut avoir un infarctus et ne pas le sentir", informe la neurologue. Afin de prévenir de ces dangers, les personnes diabétiques doivent régulièrement se soumettre à des examens neurologiques. "Elles consultent généralement aux premiers désagréments (crampes, fourmillements, picotements…), et doivent être suivies, une fois par an", préconise le Docteur.
Polyneuropathie alcoolique
La polyneuropathie alcoolique désigne l'atteinte de plusieurs nerfs à cause d'une consommation d'alcool régulière et chronique du patient. "Comme la chimiothérapie, l'alcool rend les cellules nerveuses toxiques et leur font perdre leur fonction", commente la neurologue. Le patient va d'abord ressentir des fourmillements, mais si les axones sont atteints, il aura des complications motrices.
Quels sont les symptômes ?
Douleurs, fourmillements, diminution ou perte de la sensibilité, sont autant de signes listés par la spécialiste d'une polyneuropathie lorsque les territoires atteints sont des nerfs sensitifs. Lorsque les nerfs moteurs sont endommagés, les symptômes peuvent alors être des crampes, puis la paralysie (faciale, des membres, de la parole, selon les nerfs atteints), ou encore, l'amyotrophie (diminution du volume du muscle). Si les nerfs atteints sont "mixtes", à la fois sensitifs et moteurs, les symptômes sont l'addition des tous ces signes.
Quelles causes ?
Les causes de la polyneuropathie sont nombreuses. Elles comprennent : "certaines maladies génétiques (maladie de Charcot, maladie de Lyme), certaines maladies auto-immunes (syndrome de Guillain-Barré) ou d'autres qui provoquent une dégénérescence (lèpre), certains traitements (médicaments anti-tuberculeux ou ceux utilisés pour la chimiothérapie), l'alcoolisme, ou encore le diabète, qui demeure la cause la plus fréquente", liste la neurologue.
Comment fait-on le diagnostic ?
Pour faire son diagnostic, le médecin doit mener une "enquête" (interrogatoire et batterie d'examens), selon l'expression de la spécialiste, durant laquelle il recherche les signes que présente le patient et prend connaissance des maladies antérieures que lui ou sa famille ont pu avoir. "Durant cette enquête, nous allons constater que les réflexes sont plutôt diminués voire abolis, ou trouver quelques paralysies selon la cause, ou encore une différence de sensibilité", exemplifie-t-elle. L'électromneuromyogramme, connu sous l'abréviation EMG ou ENMG, permet l'étude de la transmission électrique de l'influx nerveux dans différents nerfs et muscles. Il est un outil qui permet de poser le diagnostic de la polyneuropathie. D'autres examens biologiques peuvent être utiles, tels que le dosage de vitamines ou d'hormones, ou encore, la recherche de facteurs d'inflammation.
Quels sont les traitements ?
"Le traitement dépend de la cause", raisonne le Docteur. Une fois cette cause trouvée, grâce à l'enquête décrite précédemment, le neurologue va savoir vers quel traitement prescrire à son patient. Pour les causes génétiques ou toxiques, il ne s'agira pas d'un traitement qui "soignera" ses nerfs, les réparera. "Pour le moment, il n'existe que des traitements qui agissent sur les symptômes et en réduisent les conséquences", explique Donia Mahjoub. Le patient atteint du symptôme de Guillain-Barré, se verra prescrire des échanges plasmatiques, afin de nettoyer le plasma des anticorps attaquants les nerfs, corticoïdes mais surtout une prise en charge rapide dans un milieu spécialisé. Le patient diabétique, après dépistage de sa neuropathie, devra quant à lui suivre un traitement qui régule mieux son diabète et garder un suivi régulier. Enfin, toutes les neuropathies nécessitent une rééducation, "qui permet de maintenir l'autonomie du patient et d'améliorer le pronostic fonctionnel". Cette rééducation est basée sur le renforcement musculaire et le travail de l'équilibre. Et au Docteur Donia Mahjoub de conclure : "J'attire l'attention sur le fait qu'il peut y avoir une confusion entre une polyneuropathie et le syndrome de jambes sans repos, car certains de leurs symptômes, se ressemblent. D'où la nécessité de consulter un professionnel pour un meilleur diagnostic et une prise en charge orientée".
Merci au Docteur Donia Mahjoub, neurologue et praticien au centre Hospitalier de Gien, dans le Loiret.