Anticorps monoclonaux Covid : liste, en France, indication, Omicron
Ronaprève, Xevudy, Evusheld... En France, 3 traitements à base d'anticorps monoclonaux font l'objet d'une autorisation en accès précoce pour la prise en charge des personnes à haut risque de forme grave de la maladie Covid-19, selon la HAS. Indication, efficacité, contre Omicron, mode d'action, effets secondaires... Infos.
Ronaprève, Xevudy, Evusheld... En France, trois traitements à base d'anticorps monoclonaux font l'objet d'une autorisation en accès précoce pour la prise en charge des personnes à haut risque de forme grave de la maladie Covid-19. Les anticorps monoclonaux ciblent spécifiquement la protéine Spike située à la surface du SARS-CoV-2, neutralisant ainsi la capacité du virus à se fixer et à pénétrer dans les cellules humaines. D'autres traitements curatifs sont en cours d'évaluation.
C'est quoi un anticorps monoclonal ?
Lors d'une infection virale, l'organisme humain élabore une réponse immunitaire dans le but de guérir d'infection et d'empêcher une future réinfection par ce même virus. "La réponse immunitaire est un ensemble complexe de réactions biologiques de défense qui sont effectuées entre autres par les protéines circulantes appelées anticorps" explique le Dr Henri Agut, virologue. Ces anticorps, en se liant à un composant du virus, bloquent sa pénétration dans les cellules et empêchent donc l'infection virale. "Le sérum d'un patient immunisé va contenir un ensemble hétérogène d'anticorps, qui cibleront différents composants du virus : on parle d'anticorps polyclonaux" décrit le virologue. La production d'anticorps spécifique à un seul et même composant du virus, par une cellule cultivée en laboratoire, date de 1975 et vaut à ses inventeurs le prix Nobel de la médecine en 1984. C'est la naissance des anticorps monoclonaux. Dans le cadre du Covid, ces anticorps monoclonaux sont conçus pour cibler spécifiquement la protéine S située à la surface du SARS-CoV-2, neutralisant ainsi la capacité du virus à se fixer et à pénétrer dans les cellules humaines.
Quels sont les types d'anticorps monoclonaux ?
Il existe 4 types d'anticorps monoclonaux :
- Les anticorps murins : "Ce sont les premiers anticorps monoclonaux à avoir été développés, à partir des anticorps de la souris qui est un animal d'expérience très accessible" explique le Dr Agut. Cependant, à l'usage thérapeutique, ces anticorps utilisés chez les humains, provoquent dans certains cas la production d'anticorps humaine anti-souris, "soit une réaction d'intolérance ou d'allergie" précise le spécialiste. Ils sont aujourd'hui très peu utilisés.
- Les anticorps chimères : "Ces anticorps sont dotés d'une structure mixte ayant à la fois des propriétés d'anticorps humains et d'anticorps de souris" décrit le Dr Agut.
- Les anticorps humanisés : Ils sont créés à partir d'une fraction de l'anticorps de souris, greffé sur une immunoglobuline humaine.
- Les anticorps humain : ces anticorps sont humains à 100% et permettent de limiter les risques d'intolérance ou d'allergie. Ils sont produits par des souris transgéniques ou trans-chromosomiques.
Comment sont-ils produits ?
La production des anticorps monoclonaux est très complexe et fait appel au génie génétique et à la culture cellulaire. Les anticorps humains, les plus performants, sont produits à partir de souris ou de lapins transgéniques dans lesquels ont été insérés des séquences génétiques humaines à la place des séquences murines, afin de produire un anticorps spécifiquement humain. "Les anticorps monoclonaux sont produits au laboratoire par une culture homogène de cellules immunitaires - dérivées des lymphocytes B - qui ont été sélectionnées sur le type d'anticorps qu'elles produisent et sur leur spécificité – à savoir le composant viral reconnu qui est unique par définition" décrit le spécialiste. "Les techniques de sélection et d'entretien des cultures cellulaires, la purification des anticorps produits et le contrôle de leur qualité, sont particulièrement élaborées, délicates, et coûteuses tant en temps de travail qu'en réactifs" ajoute le Dr Agut. Comme l'explique le spécialiste, cet investissement s'avère très rentable car la production quasiment illimitée d'un anticorps monoclonal et sa propriété remarquable de se lier spécifiquement à un unique composant viral peuvent être exploitées dans plusieurs registres : purification biochimique du composant, diagnostic de l'infection virale et, bien sûr, traitement préventif et curatif de cette infection. "Chacun de ces anticorps monoclonaux est désigné par un nom internationalement reconnu qui porte le suffixe –mab (pour monoclonal antibody)" précise le virologue.
Quels sont ceux autorisés contre le Covid en France ?
Actuellement en France, trois traitements à base d'anticorps monoclonaux font l'objet d'une autorisation en accès précoce pour la prise en charge des personnes à haut risque de forme grave de la maladie Covid-19 :
- Ronaprève (casirivimab et imdevimab) de Roche-Regeneron a été autorisé en août 2021 par la HAS
- Evusheld (tixagévimab et le cilgavimab) d'AstraZeneca autorisé en décembre 2021 par la HAS et l'ANSM.
- Xevudy autorisé en janvier 2022 par la HAS
A date, Xevudy et Ronapreve s'administrent en établissement de santé, en raison de la surveillance d'au moins une heure qui doit être mise en place après administration. Evusheld est disponible en ambulatoire en prophylaxie, sur prescription hospitalière. La bithérapie Lilly, Bamlanivimab + Etesevimab autorisée temporairement en mars 2021 par l'ANSM a été suspendue le 31 décembre 2021. Elle ne doit plus être administrée aux patients.
C'est quoi le Ronapreve ?
Le Ronapreve est un médicament fabriqué par le laboratoire Roche-Regeneron composé de casirivimab et d'imdevimab, deux anticorps monoclonaux. Le casirivimab et l'imdevimab ont été conçus pour se fixer à la protéine de pointe du SRAS-CoV-2 (le virus à l'origine du COVID-19) sur deux sites différents. Lorsque les substances actives se fixent à la protéine de pointe, le virus est incapable de pénétrer dans les cellules du corps. Le 21 février 2022, la HAS délivre une autorisation d'accès précoce au Ronapreve® dans le traitement curatif de la Covid-19 chez les patients âgés de 12 ans (et pesant au moins 40 kilogrammes) et plus à risque élevé de forme grave et ne nécessitant pas d'oxygène supplémentaire sous réserve de la sensibilité de la souche de SARS-CoV-2 vis-à-vis de Ronapreve®. "Elle restreint toutefois son utilisation aux seules situations d'impossibilité de prescrire les médicaments actuellement recommandés (Xevudy®, Evusheld®, Paxlovid®), et uniquement après un criblage démontrant que le patient est infecté par une souche SARS-CoV-2 sensible au Ronapreve®, autre que le variant Omicron. Ainsi, dans un contexte de remplacement complet du variant Delta par le variant Omicron, l'utilisation de Ronapreve® devient très marginale." Ronapreve contient deux substances actives, le casirivimab et l'imdevimab. Il est administré en perfusion ou en injection sous la peau. Cependant, "dès lors qu'un variant Omicron sera détecté par un test de criblage, l'association casirivimab et imdevimab ne devra pas être utilisée" préconise la HAS.
C'est quoi Evusheld ?
En décembre 2021, les autorités sanitaires françaises (ANSM, HAS) ont décidé d'autoriser l'accès précoce à la bithérapie Evusheld (tixagévimab/cilgavimab) du laboratoire AstraZeneca. Ce médicament est indiqué en prophylaxie pré-exposition de la Covid-19 chez les personnes de 18 ans et plus :
- faiblement ou non répondeurs à la vaccination, et appartenant à l'un des sous-groupes à très haut risque de forme sévère de Covid-19 tels que définis par l'ANRS-MIE (patients ayant reçu une greffe d'organe solide, patients atteints d'hémopathie lymphoïde, patients recevant un traitement par anticorps anti-CD20…);
- ou non éligibles à la vaccination et qui sont à haut risque de forme sévère de Covid-19.
Ce médicament nécessite une prescription hospitalière et l'administration se fait par voie intramusculaire sous surveillance médicale. Il ne doit pas être administré aux personnes ayant au moins deux facteurs de risque cardiovasculaire (dyslipidémie, diabète, obésité, hypertension, tabagisme, sujet âgé…).
Quelle efficacité contre Omicron ?
Selon les analyses de chercheurs de l'Institut Pasteur publiées en décembre 2021 sur neuf anticorps monoclonaux utilisés en clinique ou en phase de développement préclinique, six perdent totalement leur activité antivirale, et les trois autres sont de 3 à 80 fois moins efficaces contre Omicron par rapport à Delta. En janvier 2022, la Direction générale de la Santé a confirmé :
- Bamlanivimab + Etesevimab (Lilly) : perte totale d'activité neutralisante de chacun des deux anticorps
- Casirivimab + Indevimab / Ronapreve (Roche) : perte totale d'activité neutralisante de chacun des deux anticorps. En présence du variant Omicron, Ronapreve ne doit pas être administré, informe l'ANSM.
- Tixagevimab + Cilgavimab / Evusheld (AstraZeneca) : activité neutralisante malgré une perte partielle d'activité sur Omicron.
- Sotrovimab / Xevudy (GSK) : les données consolidées in vitro montrent un maintien de l'activité sur Omicron.
Pour quels patients atteints du Covid ?
Les anticorps monoclonaux sont réservés aux patients à risque de faire une forme grave de Covid-19. En janvier 2022, la Direction générale de la Santé a actualisé les informations relatives à leur utilisation dans les diverses situations médicales curatives et prophylactiques face à la diffusion du variant Omicron résistant aux anticorps monoclonaux.
- En curatif : L'utilisation de la bithérapie Roche, Casirivimab + Imdevimab (Ronapreve®), doit être exclusivement réservé aux infections Delta et ne peut être réalisée qu'après criblage à la recherche du type de variant infectant le patient : l'activité neutralisante du médicament reste conservée en présence du variant Delta ; en présence du variant Omicron ce traitement ne doit pas être administré. Le Xevudy (sotrovimab) autorisé en janvier 2022 peut être administré aux patients infectés par le variant Omicron.
- En préventif : La bithérapie AstraZeneca, Tixagévimab + Cilgavimab (Evusheld®) reste indiqué chez les patients adultes à très haut risque de forme sévère et faiblement/non répondeurs à la vaccination après un schéma vaccinal complet OU non éligibles à la vaccination. La bithérapie Roche, Casirivimab + Imdevimab (Ronapreve®) ne doit plus être utilisée en raison de la prépondérance du variant Omicron sur le territoire.
Quelles indications en dehors du Covid ?
- Dans les infections virales de façon préventive "en se liant à des molécules de la surface du virus, ils empêchent la fixation du virus sur les cellules présentes à la porte d'entrée dans l'organisme et bloquent ainsi tout début d'infection" décrit le virologue.
- Contre une infection virale de façon curative : "Quand l'infection est déjà enclenchée, ils bloquent la propagation du virus des cellules infectées vers les cellules voisines" explique le Dr Agut. En pratique, les indications des anticorps monoclonaux sont la prévention des infections chez des sujets à très haut risque de formes graves et le traitement de ces formes graves une fois enclenchées. "Quelques exemples : la prévention des bronchiolites à virus respiratoire syncytial chez les jeunes enfants ayant des comorbidités importantes ou le traitement des infections à virus Ebola" précise le spécialiste.
- Dans le traitement de maladies auto-immunes inflammatoires chroniques, telles que le lupus érythémateux, la sclérose en plaque, la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn. Les anticorps monoclonaux développés pour traiter ces maladies ont pour cibles des protéines qui sont impliquées dans cette réaction immunitaire anormale.
- Dans le traitement de certains cancers : en aidant le système immunitaire à reconnaître et à détruire les cellules tumorales plutôt qu'en s'attaquant directement aux cellules tumorales.
- Dans le traitement des migraines.
Quels effets contre le cancer ?
Les anticorps monoclonaux sont utilisés dans le traitement du cancer dans le cadre d'immunothérapie. Ils sont efficaces pour repérer les cellules tumorales et s'y lier ce qui permet au système immunitaire de les attaquer pour les détruire. C'est notamment le cas du trastuzumab qui est un traitement de choix dans certaines formes de cancer du sein, ou du rituximab qui traite certains types de lymphomes non hodgkiniens et la leucémie lymphoïde chronique. Ces traitements d'immunothérapie ont considérablement amélioré le pronostic vital des patients qui y sont éligibles depuis le début des années 2000.
Quels effets contre la migraine ?
Un traitement à base d'anticorps monoclonaux a été présenté en avril 2018 lors de la 70e assemblée annuelle de l'American Academy of Neurology à Los Angeles. Ce traitement appelé érénumab est très prometteur, et a fait l'objet d'une vaste étude publiée en octobre 2018 dans le Lancet (3). L'étude a révélé que 30% des personnes traitées à l'érénumab présentaient une réduction de 50% ou plus du nombre de jours mensuels sans migraine. Ce traitement est déjà disponible dans plusieurs pays européens tels que l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne, l'Italie ou le Luxembourg, mais son accès est très limité en France, du fait de son prix très élevé et de sa non prise en charge par l'Assurance maladie.
Quels sont leurs effets secondaires ?
De manière générale, les anticorps monoclonaux peuvent entraîner des effets secondaires de type intolérance ou allergie potentiellement graves. "Ce risque impose que l'administration intraveineuse de ces produits soit effectuée sous stricte surveillance médicale et fasse ensuite l'objet d'un suivi attentif pour détecter d'éventuels effets secondaires imprévus. Un suivi virologique est aussi indispensable lors de l'administration d'anticorps monoclonaux antiviraux tant pour juger de l'efficacité des traitements que pour détecter l'éventuelle sélection d'une résistance aux anticorps" explique le Dr Henri Agut. Au 31 mai 2021, un peu plus de 1000 patients Covid ont bénéficié d'un traitement par bithérapie d'anticorps monoclonaux et il n'y a pas de "signal de sécurité" mis en évidence indique l'ANSM le 8 juin, "au-delà de certains effets indésirables déjà observés dans les essais cliniques, tels que des réactions allergiques".
Merci au Dr Henri Agut, virologue.
Sources :
Traitements par anticorps monoclonaux actuellement disponibles contre la Covid-19 et utilisation selon les variants. ANSM. 11 janvier 2022.
Mise à jour des informations relatives à l'utilisation des anticorps monoclonaux et des autres traitements en lien avec l'évolution de l'épidémie de COVID-19 liée au SARS-CoV-2 : impact de la diffusion du variant Omicron. DGS. 4 janvier 2022.
Covid-19 : autorisation d'accès précoce accordée à un traitement prophylactique. HAS. 6 août 2021.
COVID-19 : l'accès aux bithérapies d'anticorps monoclonaux contre la Covid-19 est élargi, ANSM, 8 juin 2021.
BAMLANIVIMAB, anticorps monoclonal : Approvisionnement des établissements de santé et prise en charge des patients à risque élevé d'évolution vers les formes graves, Direction générale de la Santé, 27/02/2021
Traitement par anticorps monoclonaux, éligibilité et orientation vers la prise en charge des patients, Ministère des Solidarités et de la Santé.
Efficacy and tolerability of erenumab in patients with episodic migraine in whom two-to-four previous preventive treatments were unsuccessful: a randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 3b study, The Lancet, Octobre 2018