Grippe de Hong Kong : en France, nombre de morts, coronavirus

Grippe de Hong Kong : en France, nombre de morts, coronavirus

Pandémie peu connue voire oubliée, la grippe de Hong Kong a provoqué le décès d'un million de personnes dans le monde entre 1968 et 1970. Combien de morts a-t-elle fait en France ? Quels étaient ses symptômes ? Le vaccin a-t-il suffi à l'éradiquer ? Quels point communs avec l'épidémie de coronavirus ?

Des décennies, voire des siècles avant la pandémie de coronavirus, plusieurs épidémies ont frappé la planète. Parmi elles : l'épidémie de grippe de Hong Kong de 1968 qui, en moins de deux ans, a fait près d'un million de morts dans le monde, dont 31 000 en France. Quelle est son origine, les symptômes de la maladie et son taux de mortalité ? Combien de temps a-t-elle duré ? Existe-t-il des points communs avec l'épidémie Covid-19  ? Découverte. 

Origine de la grippe de Hong Kong

La grippe de Hong Kong serait apparue en Chine centrale en février 1968 avant, comme son nom l'indique, de frapper particulièrement Hong Kong en juillet 1968  où elle touche un demi-million d'habitants soit 15% de la population hongkongaise, selon un rapport de l'Organisation mondiale de la Santé. A noter qu'à l'époque, Hong Kong était une colonie britannique, aujourd'hui, c'est une région administrative de la Chine située au sud-est de Canton. Ensuite, "elle atteint Singapour début août, puis toujours en août, la Malaisie, la République du Vietnam, les Philippines et Taiwan (Chine). En septembre, l'infection gagne Madras, Bombay, la Thaïlande et quelques régions d'Australie; elle atteint aussi l'Iran, probablement par l'intermédiaire des Congrès internationaux de Médecine Tropicale et du Paludisme", liste l'OMS. Importée par des Marines revenant du Vietnam et à cause de la multiplication très rapide des transports aériens, elle se propage ensuite vers les Etats-Unis où elle décime 50 000 personnes en seulement trois mois. Puis, elle est présente en Europe jusqu'à l'hiver 1969. En France, l'épidémie arrive en deux vagues :

  • La première à la fin de l'hiver 1968-1969 : le virus fait des victimes mais ne semble pas se montrer particulièrement meurtrier.
  • La deuxième, entre décembre 1969 et janvier 1970 : l'épidémie est cette fois bien plus sévère et cause près de 40 000 décès, dont 17 000 directement imputables à la grippe. 

• Attention : il ne faut pas confondre la grippe de Hong Kong avec la grippe asiatique qui elle est liée au virus H2N2 de type A et qui est apparue, 10 ans plus tôt, en 1957-1958.

• Les pandémies du XXe siècle sont souvent associées à l'émergence d'un nouveau sous-type de virus de grippe A, à partir de réservoirs animaux, auquels la population n'est pas encore immunisée

Symptômes : œdème pulmonaire, crachats de sang...

La grippe de Hong Kong pouvait aussi s'attaquer à des patients jeunes, causant des atteintes gravissimes.

La grippe de Hong Kong est causée par une souche de type A, remplaçante de la souche H2N2 : la souche H3N2. La souche H3N2 est un nouveau virus qui ressemble à la souche H2N2, mais elle n'a pas la même hématogglutinine, une protéine présente à la surface du virus de la grippe qui permet la fixation de la particule virale sur une cellule cible (voir le schéma ci-dessous). Lorsqu'elle infectait des cellules et se propageait au sein d'un organisme, la souche H3N2 entraînait des symptômes typiques de la grippe, plus ou moins sévères en fonction des personnes infectées, comme : une toux sèche et douloureuse, des douleurs musculaires, une fièvre élevée, des maux de tête... Elle était particulièrement agressive chez des personnes avec des pathologies pré-existantes. La grippe de Hong Kong pouvait aussi s'attaquer "à des patients jeunes, causant des atteintes gravissimes. Les gens faisaient des œdèmes pulmonaires aigus : ils toussaient et crachaient du sang. On essayait de les ventiler mais ils mourraient très vite", relate Le professeur Pierre Dellamonica, ancien chef du service infectiologie du CHU de Nice, dans un article du Figaro

structure du virus de la grippe h3n2
Structure du virus de la grippe H3N2 © designua - 123RF

Vaccination

Les premiers vaccins ont été réservés en priorité aux personnes âgées, aux femmes enceintes et aux sujets qui souffrent de maladies chroniques.

Dès que la première souche du virus H3N2 fut isolée au Centre national de la Grippe de Hong Kong, l'OMS l'expédia à Londres, au Centre mondial OMS de la Grippe qui distribua des souches de ce nouveau virus aux fabricants de vaccins et aux centres nationaux intéressés. Les centres nationaux ont pu tester l'immunité des populations vis-à-vis du virus ainsi que l'efficacité des vaccins grippaux existants. Malheureusement, la plupart des individus qui ont déjà été contaminés par la grippe A ne possédaient pas une immunité suffisante pour se protéger complètement contre cette nouvelle souche. Autrement dit, les vaccins grippaux existants ne conféraient que peu voire pas d'immunité contre ce nouveau virus. "Les premiers lots de nouveaux vaccins ont été prêts en novembre. Toutefois, pendant quelques mois, les quantités disponibles n'étaient pas suffisantes. Les premiers stocks ont donc été réservés en priorité aux individus qui risquaient de succomber à l'infection grippale, c'est-à-dire aux personnes âgées, aux femmes enceintes et aux sujets qui souffraient de maladies chroniques débilitantes, telles que les affections cardio-vasculaires, pulmonaires ou métaboliques", précise l'OMS. 

Éradication et durée

En octobre 1969, l'OMS réunit ses scientifiques à Atlanta pour tenir une conférence internationale sur la grippe de Hong Kong. Au terme de cette grande réunion, ils estiment que la pandémie est finie alors qu'elle est en train de se répandre en Europe et notamment en France. En novembre 1969, les premiers vaccins contre la souche H3N2 sont distribués, d'abord aux personnes les plus vulnérables, puis à la population générale. Les stocks de vaccins sont de plus en plus importants et la pandémie s'essouffle progressivement. D'après le peu de données épidémiologiques disponibles sur le sujet, la grippe de Hong Kong aurait fait le plus de ravages entre l'été 1968 et le printemps 1970. C'est d'ailleurs après la pandémie de la grippe de Hong Kong et après s'être aperçu qu'il y avait une véritable surmortalité des personnes âgées que les politiques annuelles de vaccination contre la grippe ont commencé à se mettre en place. Aujourd'hui, le sous-type H3N2 circule toujours en France et il y a toujours des épidémies saisonnières de grippe H3N2, mais des vaccins permettent de limiter les contaminations. 

Combien de morts en France ?

La grippe de Hong Kong serait la première pandémie de l'ère moderne. 

Les données sur le bilan de la grippe de Hong Kong sont lacunaires. Selon les recherches de 2003 d'Antoine Flahault, épidémiologiste à l'Inserm, et d'Alain-Jacques Valleron, chargé de recherche à l'Inserm, la grippe de Hong Kong aurait fait plus de 31 000 morts en France entre décembre 1969 et janvier 1970 et serait considérée "la première pandémie de l'ère moderne. Celle des transports aériens rapides. La première, aussi, à avoir été surveillée par un réseau international", décrit Antoine Flahault. Selon les estimations de l'Organisation mondiale de la Santé, la grippe de Hong Kong aurait fait près d'un million de victimes dans le monde entier entre l'été 1968 et le printemps 1970. Il s'agirait de la troisième plus grande pandémie du XXè siècle, après la pandémie de grippe espagnole et la pandémie de grippe asiatique. 

Points communs avec l'épidémie Covid-19

Un retentissement social et économique. A l'époque, l'épidémie de la grippe de Hong Kong est sous-estimée par les médias et ne semble pas avoir réellement marqué les esprits contemporains. Si bien qu'elle est souvent oubliée des listes des grandes épidémies mondiales. Pourtant, elle a impacté l'organisation et l'économie de certains pays. En France : beaucoup d'écoles et de commerces sont contraints de fermer, 15% des cheminots sont infectés et les transports sont perturbés, il y a une vraie baisse de la capacité industrielle, 20% de personnels en moins dans les usines...

Une grande vitesse de propagation. Comme le coronavirus responsable de l'épidémie Covid-19, le virus de la grippe de Hong Kong a voyagé très rapidement, grâce notamment à "deux facteurs importants : la rapidité des transports aériens et aussi le nombre de personnes transportées", remarque précise Patrice Bourdelais, historien et directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, dans un article de RFI. Et de poursuivre : "Une épidémie au fond suit les grandes voies d'échange et de communication (...) Et donc ces épidémies sortent toujours par Hong Kong (ou la Chine plus généralement, ndlr), qui est une place qui rayonne beaucoup. À partir de là, elles se dirigent classiquement vers le Japon, puis (ou en même temps) vers le sud-est asiatique : Vietnam, Singapour, Australie, Inde, Iran, puis les États-Unis, l'Europe, l'Afrique. La pandémisation se fait toujours de la même manière, à peu de choses près".

Un taux de mortalité différent. En termes d'évolution dans le monde, "Le Covid-19 n'est pas très différent de la grippe de Hong Kong, mais il est plus meurtrier", indique Antoine Flahault, dans une interview accordée au Figaro. Avant de préciser que "la moitié des infections par la grippe de Hong Kong a touché les jeunes, mais ils n'en mourraient que très exceptionnellement avant 65 ans. Alors que la moitié des personnes en réanimation pour Covid-19 ont moins de 58 ans [...] On risque d'avoir un taux de mortalité directe 10 à 20 fois supérieur que celui de l'épidémie de 1968

Sources :

Pandémies grippales, Capacité médecine de catastrophe, Avril 2014, H. Coignard - Samu de Paris, Maladies infectieuses et tropicales Necker-Enfants Malades, Paris V.

La grippe dans le monde - Période octobre 1967 - septembre 1968, OMS. 

Les grippes pandémiques, 20 mai 2019, Santé publique France. 

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