Alopécie : qu'est-ce qui explique cette perte de cheveux ?
L'ex-Premier ministre est apparu sans sourcils, sans barbe, sans moustache et avec moins de cheveux lors d'une interview pour BFM-TV le 2 février. Il confirme être atteint d'alopécie. Qu'est-ce que c'est ? Quelles sont les causes de cette perte de cheveux ? Les traitements ?
"J'ai perdu mes sourcils, ma barbe est devenue blanche, elle tombe un peu, mes cheveux aussi, la moustache est partie" a expliqué l'ex-Premier ministre Edouard Philippe lors d'une interview pour BFM-TV jeudi 2 février. Avant de donner la cause de ces changements physiques : une alopécie. "Ce n'est ni douloureux, ni dangereux, ni contagieux ni grave" a rassuré l'homme de 52 ans. "Les médecins m'ont dit que c'était le stress. Est-ce que j'ai une vie stressante ? Oui je vous le confirme" a-t-il poursuivi avant de souligner qu'il y a des gens qui "vivent des choses beaucoup, beaucoup plus difficiles". L'alopéce touche plutôt des hommes mais aussi des femmes (et elle alors bien plus taboue). En octobre 2022, Edouard Philippe avait déjà révélé être atteint d'alopécie, sa "seconde maladie auto-immune" dans une interview au Parisien. Il souffrait aussi de vitiligo. "Très récemment, mes sourcils sont tombés. Je me suis longtemps demandé à quoi servait un sourcil. Eh bien, cela sert à se faire remarquer quand ça tombe", s'est-il amusé avant d'expliquer la nature de cette maladie : "C'est visible, cela peut arriver à tout âge. Il y a des gens pour qui c'est plus visible encore que pour moi d'ailleurs !"
C'est quoi l'alopécie ?
La chute de cheveux brutale ou progressive est appelée "alopécie". Tous les êtres humains perdent leurs cheveux au cours de leur vie. Les cheveux morts se trouvent remplacés par des nouveaux cheveux. Cette phase de chute de cheveux dure 1 à 3 mois. "Le capital cheveux diminue tout au long de l'existence. Ainsi, une femme de 60 ans possède la moitié de la chevelure, qu'elle avait à l'âge de 15 ans", explique le Dr Jean-Luc Rigon, dermatologue. Le nombre de cheveux qui poussent est normalement toujours largement supérieur au nombre de cheveux qui tombent : à tout moment, environ 80 à 85% de nos cheveux sont en phase anagène (pousse), 1 à 2 % sont en phase catagène (stagnation), et 15 à 20 % sont en phase télogène (chute). Chaque follicule capillaire a jusqu'à 20 cycles capillaires. Il ne faut donc pas s'inquiéter outre mesure d'un cheveux qui tombe : il sera la plupart du temps remplacé. Au cours de la vie, ce sont 20 à 30 cycles pilaires qui s'enchaînent. Quand la chute de cheveux s'accélère et n'est plus compensée par une repousse proportionnelle : on parle d'alopécie, car la chevelure se raréfie de manière anormale. "On estime qu'une perte de plus 100 cheveux par jour sur une longue période (plusieurs mois), est une perte anormale."
Quelles sont les causes d'alopécie ?
►Un régime trop strict peut être à l'origine d'une alopécie. "Les tissus du corps qui se renouvellent le plus vite sont les plus impactés par un tel régime. Or, les cheveux se renouvellent très vite." Ces régimes peuvent entraîner des carences, elles-mêmes responsables d'une accélération de la perte de cheveux (carence en zinc, carence en magnésium, carence en calcium et surtout carence en fer).
►Le stress et la dépression sont une autre cause possible d'alopécie. Ils peuvent être à l'origine d'une pelade, qui est une forme particulière de perte de cheveux, ou d'un blanchiment de la chevelure, car les cheveux blancs tombent en dernier. "C'était le cas de Marie-Antoinette, dont la chevelure est devenue blanche la veille de son exécution." D'autres causes de pelade existent, notamment en cas de problèmes dentaires.
►Le fait d'avoir subi une anesthésie générale est un autre facteur d'alopécie. "Les produits étant toxiques pour la racine, le cheveux meurt puis tombe. Mais en règle générale, les cheveux finissent par repousser."
► L'automne et le printemps sont des périodes propices à la perte de cheveux. "Tous les animaux à poils, dont l'être humain, font leur mue à l'entrée et à la sortie de l'hiver. En septembre-octobre, de nombreuses personnes viennent consulter car elles s'inquiètent d'une perte de cheveux… Or, c'est tout à fait normal à cette période de l'année, mais le manque de moral, qui s'installe dans le passage à la mauvaise saison, majore l'inquiétude", rassure le Dr Rigon.
►Des dysfonctionnements des ovaires ou des glandes surrénales font par ailleurs partie des facteurs identifiés.
►La ménopause s'accompagnant de modifications hormonales peut entraîner une chute de cheveux importante, ainsi qu'un changement d'aspect de la chevelure (cheveux plus fins, plus secs).
► Pendant la grossesse, les hormones sexuelles féminines (oestrogènes et progestérones) augmentent. Les cheveux sont protégés et en bonne forme. Mais après l'accouchement, c'est le contraire, le taux d'hormones chute. La phase de croissance est stoppée, un grand nombre de cheveux passe en phase catagène, puis en phase télogène. Résultat, trois mois plus tard, les femmes remarquent que leurs cheveux tombent. "Lorsqu'il y a un déséquilibre entre les hormones femelles et mâles, on peut observer une accélération de la chute des cheveux" commente le Dr Rigon.
C'est quoi l'alopécie androgénétique ?
La calvitie est une forme d'alopécie dit "androgénétique". Elle est localisée au front chez l'homme et plus diffuse chez la femme. Contrairement aux chutes saisonnières qui sont brutales, ces alopécies sont progressives. Les causes sont à la fois héréditaires et hormonales. Ainsi, certains cheveux étant anormalement sensibles aux hormones mâles, ils se renouvellent de plus en plus rapidement et les phases de chutes s'accélèrent. On parle plus souvent des alopécies masculines.
Comment faire le test de traction ?
Un test simple permet de savoir si la perte de cheveux est effectivement anormale : le test de traction. "Il faut passer deux mains dans la chevelure en écartant ses doigts à la manière d'un grand peigne. Si, au total, plus de 20 cheveux restent entre les doigts, c'est que le niveau de perte est anormal."
Quels sont les aliments qui freinent l'alopécie ?
Des régimes très stricts peuvent engendrer une accélération de la perte de cheveux. En revanche, certains aliments peuvent freiner ou prévenir l'alopécie. "Il en va ainsi de tous les aliments contenants des acides aminés soufrés", précise le Dr Rigon. Parmi ces aliments : viandes, poissons, légumineuses, céréales, œufs. Les oligoéléments ont aussi un intérêt dans la prévention de l'alopécie, de même que certains compléments alimentaires à base d'acides aminés soufrés. "Mais ils ne sont pas anodins sur le plan digestif : ils peuvent notamment donner des flatulences. Dans tous les cas, il est nécessaire de consulter son médecin avant de prendre ces compléments alimentaires."
Quels sont les traitements de l'alopécie ?
Le traitement de l'alopécie est avant tout celui de sa cause. Si l'origine est hormonale, un bilan et une thérapie appropriés seront proposés. "On peut aussi donner un cocktail de vitamines pendant un à trois mois", précise le dermatologue. Un acide aminé soufré sous forme de comprimés (cystéine) est prescrit, de même que des lotions de minoxidil.
Les lotions et shampoings anti-chutes de cheveux sont-ils efficaces ?
Tout dépend de la sévérité de la chute. Pour une chute de cheveux faible ou moyenne, certaines lotions sont efficaces. En revanche, lorsque le dégarnissement est réellement important, il faut consulter un dermatologue et se tourner vers un traitement médicamenteux. Les lotions à base de minoxidil® 2 % pour les femmes, et 5 % pour les hommes sont efficaces. "A noter que le minoxidil est assez gras ce qui peut donner un aspect inesthétique à la chevelure. Par ailleurs, la présence de propylène glycol dans ces produits peut induire des allergies, dans un cas sur 20" précise le Dr Rigon. Si ce n'est pas suffisant, les hommes peuvent être traités par médicaments à base de finasteride® sous forme de comprimés.
Quand faire une greffe de cheveux ?
Lorsque la personne souffre trop de la perte de cheveux, on peut lui proposer une transplantation capillaire sous forme de micro-greffe. Il s'agit d'une intervention chirurgicale sous anesthésie locale qui dure 2 à 3 heures. On déplace des cheveux implantés à l'arrière du cuir chevelu pour les greffer à l'avant. En effet, les cheveux de derrière ne sont pas soumis aux hormones et sont donc épargnés pas le phénomène de calvitie. Autrement dit, les cheveux greffés à l'avant du crâne vont persister et se renouveler normalement pendant toute la vie de l'individu opéré.
Quelques conseils :
- Commencez par voir un dermatologue avant d'aller frapper à la porte d'un chirurgien capillaire. Peut-être que votre alopécie ne nécessite pas de greffe de cheveux, et qu'elle peut être soignée avec des médicaments.
- Si vous êtes décidé pour l'opération, n'allez pas chez n'importe quel chirurgien. Mieux vaut vous faire conseiller par votre dermatologue (il peut vous orienter vers un de ses confrères) ou vous fier au bouche à oreille. Surtout évitez les médecins qui vous promettent la lune, qui affichent leurs coordonnées sur le web, qui attirent les clients avec des messages publicitaires du type "vu à la télé", ou encore qui se vantent d'avoir opéré des stars.
- Soyez très vigilant si le chirurgien vous propose un prix exorbitant. D'ailleurs demandez un devis mentionnant le détail des prestations. Assurez-vous aussi que le médecin est bien garanti en responsabilité civile professionnelle. Et prenez votre temps pour réfléchir et prendre votre décision, méfiez-vous des médecins qui essaient de vous influencer.
En revanche, il est un traitement préventif parfaitement inutile, qui a pourtant eu la vie dure : les 100 coups de brosse pour rendre ses cheveux plus résistants. "C'est une légende urbaine. Loin de renforcer le cheveu, cela l'abîme !" Pour entretenir sa chevelure, mieux vaut d'ailleurs troquer sa brosse contre un peigne à large dents, et l'utiliser avec des gestes doux.
Qui consulter quand on perd ses cheveux ?
Le dermatologue est le spécialiste de la perte de cheveux, mais le médecin traitant peut être consulté sur ce point. Si la cause est d'origine hormonale, le suivi se fera avec un endocrinologue ou un gynécologue.
Merci au Dr Jean-Luc Rigon, dermatologue.