Anesthésie locorégionale : c'est quoi, durée, à jeun ?
L'anesthésie locorégionale concerne un membre ou une région du corps. Elle permet de supprimer momentanément la sensation de douleur en vue d'un acte chirurgical ou d'une opération. Il en existe plusieurs types : rachianesthésie, péridurale, épidurale, blocs... Définition, durée, préparation, risques.
L'anesthésie locorégionale est proche de l'anesthésie locale mais permet d'anesthésier directement le nerf et donc d'insensibiliser une zone ou région précise. Moins lourde que l'anesthésie générale, elle est recommandée pour un bon nombre d'actes chirurgicaux, obstétricaux, médicaux (endoscopie, radiologie...). Quand réalise-t-on une anesthésie locorégionale ? Combien de temps fait-elle effet ? Quels sont les risques et effets à craindre ? Faut-il être à jeun ? Comment s'y préparer ? Les réponses aux questions que l'on se pose.
Définition : qu'est-ce qu'une anesthésie locorégionale ?
"L'anesthésie locorégionale a un concept similaire à l'anesthésie locale, mais dans cette première, on va aller anesthésier directement le nerf", explique le Dr Aurélien Jacquemod, anesthésiste. Elle n'entraîne pas de perte de conscience (pas comme l'anesthésie générale donc) et peut permettre ainsi un rétablissement plus rapide. Elle peut être accompagnée d'une sédation effectuée à l'aide d'un médicament sédatif, provoquant une diminution de l'anxiété, un apaisement et une somnolence.
Quels sont les produits injectés pour une anesthésie locorégionale ?
Les principaux anesthésiques sont notamment :
- La Lidocaïne
- La Bupivacaïne
- La Ropivacaïne
Indications : quand réalise-t-on une anesthésie locorégionale ?
L'anesthésie locorégionale est de plus en plus utilisée pour les interventions localisées et de courte durée et parce qu'elle permet une meilleure prise en charge de la douleur et évite d'endormir totalement le patient. Elle est particulièrement bénéfique chez les patients fragiles qui ne pourraient pas supporter une anesthésie générale (qui représenterait trop de risques). Elle est pratiquée par exemple pour :
- Des chirurgies orthopédiques (hallux valgus, opération du canal carpien...)
- Des chirurgies digestives
- Des chirurgies d'urologie
- Des chirurgies gynécologiques
- Des chirurgies du genou
- Des chirurgies de la jambe
- Des accouchements
- Soulager des douleurs post-opératoires
Quels sont les différents types d'anesthésie locorégionale ?
► Blocs centraux :
- Rachianesthésie (ou anesthésie rachidienne, anesthésie spinale) : pratiquée au niveau des vertèbres lombaires, un anesthésique est injecté dans le liquide céphalo-rachidien pour endormir la moitié inférieure du corps.
- Péridurale ou épidurale, pratiquée pour un accouchement par exemple.
► Blocs périphériques :
- Bloc tronculaire, consiste à infiltrer un nerf pour anesthésier son territoire (nerf tibial pour l'anesthésie de la voûte plantaire)
- Bloc plexique, consiste à infiltrer un ensemble de nerfs pour anesthésier une région entière (plexus brachiale pour anesthésier le bras)
C'est quoi une rachianesthésie ?
La rachianesthésie est une forme d'anesthésie locorégionale rachidienne, où le produit anesthésique est injecté dans le dos, à proximité de la moelle épinière et des nerfs qui sortent de celle-ci, permettant ainsi d'endormir la partie inférieure du bas du corps. L'effet du produit commence à se ressentir au bout de 10 minutes (ça peut prendre 30 minutes) et les douleurs disparaissent entre 20 et 30 minutes plus tard. La rachianesthésie "nécessite aussi une ponction entre deux vertèbres avec une aiguille, mais elle ne s'arrête pas à l'espace péridural : elle continue à l'intérieur du liquide céphalo-rachidien avant de sortir dans les vertèbres", explique l'anesthésiste. Cette technique d'anesthésie rachidienne est utilisée lors d'interventions chirurgicales urologiques, abdominales basses, gynécologiques et orthopédiques.
C'est quoi une péridurale (ou épidurale) ?
L'anesthésie péridurale consiste à introduire un cathéter dans l'espace péridural, via une piqûre entre 2 vertèbres au niveau lombaire (voir schéma ci-dessous). "La péridurale est efficace pendant un accouchement, mais aussi contre des douleurs post-opératoires" explique Aurélien Jacquemont. Elle peut rester en place jusqu'à deux à trois jours et diffuser en continu un anesthésiant." Il existe peu de contre-indications à la péridurale. " La première est qu'il ne doit pas y avoir d'infections de la peau dans la zone qui va être piquée, où alors il peut y avoir un transfert de bactéries, ce qui déclenchera une infection locale sur la zone de ponction ", explique l'anesthésiste. Ensuite, les troubles de l'hémostase (troubles de la coagulation du sang) sont aussi une contre-indication fréquente. Les états infectieux comme la fièvre, les frissons, sont une contre-indication : "cela veut dire qu'il y a potentiellement des germes qui circulent dans le sang, pouvant également créer une infection". Pour finir, dans certains cas, une maladie ou une tumeur neurologique importante peuvent être une contre-indication à la péridurale. "Les complications infectieuses, elles, sont très rares avec la péridurale, car l'espace péridural est très vascularisé et donc contient beaucoup de défenses immunitaires ".
Principe : comment se déroule une anesthésie locorégionale ?
Pour déterminer le type d'anesthésie adaptée, il est nécessaire de faire une consultation pré-anesthésique 48 heures avant l'opération. Vous seront demandés vos antécédents médicaux, votre état de santé, vos traitements en cours, vos allergies et les potentielles contre-indications. Un questionnaire sera rempli. Le jour de l'examen, il faut venir sans maquillage, ni vernis à ongles pour ne pas empêcher le bon fonctionnement de l'oxymètre de pouls. L'anesthésie locorégionale permet de n'endormir que la partie du corps sur laquelle se déroulera l'intervention chirurgicale, en injectant, à proximité des nerfs, le produit anesthésiant, et non sur les terminaisons nerveuses. "Pour trouver le nerf, on utilise un appareil de repérage, comme une échographie par exemple, explique le spécialiste. Puis, on va piquer sous contrôle d'échographie pour suivre l'aiguille, et déposer le produit à côté du nerf". La zone à piquer est désinfectée avec un savon antiseptique. L'anesthésiste place le patient dans une position confortable afin de pratiquer l'anesthésie : assis, couché sur le côté, couché sur le ventre... Une fois qu'il a piqué, il surveille la progression de l'insensibilisation de la zone à endolorir. Une fois que l'insensibilisation est complète (entre 5 et 45 minutes), un feu vert est donné pour l'équipe médicale qui réalise l'intervention prévue.
L'anesthésie locorégionale est-elle douloureuse ?
Lors de l'injection de l'anesthésie, cela peut faire un peu mal mais la douleur est largement supportable.
Doit-on être à jeun pour une anesthésie locorégionale ?
Il faut être à jeun au moins 6 heures avant l'anesthésie, donc il est recommandé d'être à jeun depuis la veille au soir (dans le cas où il faudrait une anesthésie générale par exemple, car en cas d'échec de l'anesthésie locorégionale, le médecin peut décider en cours d'intervention de procéder à une anesthésie générale). En fonction de l'opération, il est possible de boire des liquides sans pulpe, sans sucre ni lait jusqu'à deux heures avant.
Quels sont les avantages d'une anesthésie locorégionale ?
L'anesthésie loco-régionale permet d'endormir plusieurs nerfs, "jusqu'à 7 ou 8 nerfs" selon le spécialiste, et donc offre une anesthésie quasi-totale. "Par exemple, on peut anesthésier les six nerfs issus du plexus brachial (les nerfs qui passent dans le creux de l'aisselle et qui irriguent le bras), et cela endors le bras entier jusqu'au bout des doigts. C'est le même principe entre le genou et le pie", explique le docteur. Le deuxième côté positif est l'effet anesthésique qui se prolonge après l'opération. Ainsi, un patient qui a subi une lourde chirurgie pourra passer une journée en post-opératoire sans ressentir de douleurs", Dans ce cas-là, les anesthésistes utilisent des produits à longue durée d'action, comme la bupivacaïne, qui peut durer entre 16 à 24 heures. De plus, il y a toujours un maintien de la conscience, ce qui permet une récupération plus rapide. En effet, dans le cas des petites interventions, une sortie peut être possible deux à trois heures après l'intervention, selon l'avis du chirurgien et de l'anesthésiste.
Quels sont les risques d'une anesthésie locorégionale ?
Les risques de cette anesthésie sont très faibles. Les deux risques sont l'injection intravasculaire (comme pour l'anesthésie locale), et l'injection intra-neurale : "c'est-à-dire piquer dans le nerf au lieu de piquer à côté". Dans ce cas, qui est très rare, les terminaisons nerveuses peuvent être lésées. Cela peut entraîner une perte de sensation voire des troubles moteurs, mais généralement, le patient s'en remet en quelques semaines et il n'y a pas de séquelles. "Ce type d'erreur est devenu vraiment exceptionnel aujourd'hui", précise l'anesthésiste. Il y a aussi les risques de complications communs à toutes les anesthésies mais sont exceptionnelles :
- Risque d'allergie
- Risque d'œdème (gonflement à l'endroit piqué)
- Problèmes respiratoires
- Paralysies locales ou engourdissements
Combien de temps dure l'effet d'une anesthésie logorégionale ?
Les effets apparaissent généralement entre 10 et 30 minutes (10 minutes pour la Lidocaïne et 15 à 30 minutes pour la Bupivacaïne) et durent ensuite plusieurs heures (en général 3 heures pour la Lidocaïne, 7 heures pour la Ropivacaïne). Une rachinanesthésie par exemple dure environ 1h30. Mais la durée dépend du type d'anesthésique utilisé et du type de blocs nerveux anesthésiés. La durée de l'effet peut être rallongée en ajoutant des médicaments (adjuvants) comme l'Epinephrine ou la Morphine. Cela permet de rallonger les effets de l'anesthésie jusqu'à 20 heures par exemple.
Que se passe-t-il après l'anesthésie locorégionale ?
Après l'opération, le patient est surveillé en salle de surveillance post-interventionnelle (salle de réveil) pour surveiller sa tension artérielle, le pouls, la fréquence respiratoire... La partie anesthésiée reste insensible et endolorie plusieurs heures, voire même plusieurs jours après la sortie, si un cathéter est mis en place. Une fois que vous avez récupéré vos sensations, vous pourrez repartir. Il est recommandé de ne pas conduire après une anesthésie. Le mieux est de vous faire raccompagner.
Merci au Dr Aurélien Jacquemod, anesthésiste à Paris.