Interruption partielle de grossesse (jumeaux) : c'est quoi ?
L'interruption volontaire partielle de grossesse désigne l'arrêt du développement d'un ou plusieurs fœtus au sein d'une grossesse multiple (jumeaux...). Elle peut être réalisée quand une anomalie morphologique ou une anomalie chromosomique grave a été diagnostiquée. Que dit la loi en France ? Comment ça se passe ?
Définition : qu'est-ce que l'interruption volontaire partielle de grossesse ?
L'interruption volontaire partielle de grossesse, également appelée interruption sélective de grossesse, désigne l'arrêt du développement d'un ou plusieurs fœtus au sein d'une grossesse multiple. En France, elle est encadrée par la loi de bioéthique du 2 août 2021. On distingue deux cas de figure :
>> La réduction embryonnaire qui consiste à diminuer le nombre d'embryons dans les grossesses multiples de haut rang, c'est-à-dire lorsqu'il y a plus de trois embryons car cela induit un risque de prématurité ou de retard de croissance. C'est une situation que l'on voit de moins en moins car la procréation médicalement assistée (PMA) est de plus en plus encadrée. Il existe des politiques de transfert en fécondation in vitro de deux embryons maximum, ce qui limite le risque de grossesse multiple.
>> Le fœticide sélectif, ou interruption médicale de grossesse sélective, qui est réalisé plus tard dans la grossesse quand une anomalie morphologique ou une anomalie chromosomique grave a été diagnostiquée chez l'un des deux embryons.
Quelle est la loi en France ?
Selon l'article L. 2213-1.-I. du code de la santé publique, l'interruption volontaire d'une grossesse peut, "à tout moment, être pratiquée si deux médecins membres d'une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif" dans deux situations :
- la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ;
- il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
Dans le premier cas, il est précisé que l'équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner la demande de la femme doit comprendre "au moins un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique membre d'un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un praticien spécialiste de l'affection dont la femme est atteinte, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel, qui peut être un assistant social ou un psychologue". Dans le deuxième cas, c'est un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal qui est chargée d'examiner la demande de la femme.
Dans quels cas est-elle autorisée ?
"La réduction embryonnaire est proposée systématiquement à partir du moment où il y a quatre embryons parce que l'on considère que le risque de complications est trop important pour la mère. Cela est discuté en cas de grossesse triple, si la mère a une pathologie ou si elle a déjà accouché prématurément. En revanche, il n'y a pas d'indication de réduction embryonnaire dans les grossesses de jumeaux, sauf dans de très rares cas de pathologie maternelle ou de malformation utérine", explique le Dr Julia Maruani, gynécologue médical et secrétaire générale de la Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale. Le foeticide sélectif, ou interruption médicale de grossesse sélective consiste à arrêter l'évolution d'un fœtus au sein d'une grossesse multiple. "Cette intervention ne peut avoir lieu qu'à deux conditions : si l'un des deux fœtus est atteint d'une maladie incurable ou d'une malformation sévère, d'une anomalie chromosomique grave. On va interrompre la grossesse sur un des deux jumeaux. Ce sont des décisions qui sont discutées en centre pluridisciplinaire de diagnostic anténatal", commente la gynécologue.
Comment ça se passe ?
La réduction embryonnaire s'effectue par une injection intra-thoracique du fœtus de chlorure de potassium en passant par l'abdomen (voie transabdominale), ce qui arrête le cœur du fœtus. La technique concernant le foeticide sélectif va dépendre de la chorionicité, c'est-à-dire de s'il y a un ou deux placentas. "S'il n'y a qu'un seul placenta, on ne peut pas injecter un produit à l'un car cela passerait à l'autre. Lorsqu'il y a deux placentas (grossesse bichoriale), le médecin fait une injection intracardiaque de lidocaïne, le but étant d'arrêter le cœur. Quand il s'agit d'une grossesse monochoriale, le médecin va coaguler le cordon ombilical. C'est surtout dans ce cas de figure que le risque de perte fœtale, c'est-à-dire de perdre la totalité de la grossesse, est le plus important. Il est de l'ordre de 3%", précise notre interlocutrice.
La réduction embryonnaire ne peut être réalisée qu'au cours du premier trimestre de grossesse
Jusqu'à quel mois de grossesse ?
Selon la loi de bioéthique du 2 août 2021, la réduction embryonnaire ne peut être réalisée qu'au cours du premier trimestre de grossesse, "si deux médecins, membres d'une équipe pluridisciplinaire chargée d'examiner la demande de la femme, attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, que les conditions médicales, notamment obstétricales et psychologiques, sont réunies". En général, elle est pratiquée autour de 12SA car cela va permettre d'effectuer l'échographie du premier trimestre et de détecter une éventuelle anomalie chez l'un des fœtus, pour arrêter le développement de celui qui présente une malformation. En revanche, le fœticide sélectif, ou interruption médicale de grossesse sélective, peut avoir lieu après le premier trimestre, et ce, quel que soit le terme, même quelques jours avant la date prévue de l'accouchement.
Quels sont les risques ?
"Lors des réductions embryonnaires, le risque de fausse couche après le geste se situe entre 5 et 10% car on va transpercer la peau, passer dans l'utérus, dans un sac gestationnel jusqu'au fœtus. Un encadrement psychologique pour le couple doit être mis en place parce qu'il persiste toujours un sentiment de culpabilité car il ne s'agit pas d'un fœtus qui a une pathologie, juste un problème de nombre. On insiste sur le fait que c'est pour préserver la vie des fœtus restants et avoir plus de chances de mettre au monde des enfants viables et en bonne santé", informe le Dr Julia Maruani. Autres risques de complication, celui de rupture prématurée des membranes à cause de l'aiguille que l'on passe à travers la poche des eaux ce qui peut entraîner des complications sur le fœtus qui est sain et déclencher l'accouchement de manière prématurée. "La fréquence de ces complications varie selon le type de grossesse multiple. C'est une technique qui va être effectuée le plus souvent sous sédation pour la maman avec une anesthésie loco-régionale au niveau de son ventre", continue-t-elle.
Merci au Dr Julia Maruani, gynécologue médical, secrétaire générale de la Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale (FNCGM).