Insomnie fatale familiale : symptômes, c'est quoi ?
Ce type d'insomnie s'installe progressivement jusqu'à devenir invalidante.
L'insomnie peut être fatale dans des cas exceptionnels. Il ne s'agit pas d'un simple trouble du sommeil mais d'une maladie. Cette maladie s'appelle l'insomnie fatale et est dite "familiale" car elle se transmet par un des parents à l'enfant. Les cas sont rares en France avec "peut-être 2 ou 3 familles touchées" selon la neurologue Christine Tranchant que nous avons interviewée. La moyenne d'âge des patients est de 50 ans. "La maladie peut survenir plus tôt ou plus tard, entre 20 et 61 ans", poursuit le Pr Tranchant. La mort est inévitable et survient entre 9 et 30 mois (moins de 3 ans donc) après la déclaration de la maladie.
Définition : c'est quoi l'insomnie fatale familiale ?
"C'est est une maladie héréditaire et génétique, liée à une anomalie du gène PRNP, indique la Professeure Christine Tranchant, neurologue au CHU de Strasbourg et spécialiste des maladies génétiques à prions rares. Ce gène code une protéine qui s'appelle le prion. Nous avons des maladies touchant le prion, mais qui ne sont pas génétiques, comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Et d'autres qui sont d'origine génétique comme l'insomnie fatale familiale." La protéine prion aurait un rôle dans le renouvellement cellulaire des cellules neurales, indispensables au développement du système nerveux central. Pour rappel, ce système régule de nombreuses fonctions, comme le mouvement, la mémoire, la parole, les pensées et la perception. "La protéine prion s'agrège et se dépose au niveau de certaines cellules ce qui favorise la dégénérescence et la mort des cellules neuronales", explique la Professeure Tranchant.
Quelles sont les causes de l'insomnie fatale familiale ?
L'insomnie familiale est une maladie génétique de transmission autosomique dominante. "Il suffit qu'un parent soit porteur de l'anomalie pour risquer de la transmettre à son enfant. Chaque individu possède chaque gène en deux exemplaires : un exemplaire provient du père et un autre de la mère. Si l'un des deux gènes est anormal, le risque de développer la maladie existe. En d'autres termes, chaque fois que le parent concerné a un enfant, il lui transmet la moitié de son patrimoine génétique : il a 50 % de risque de transmettre le gène anormal et 50 % de chance de transmettre le gène sain", détaille la Professeure Tranchant. Quant à l'origine de l'anomalie du gène codant la protéine prion, elle reste à ce jour inconnue.
Quels sont les symptômes ?
L'insomnie est le premier et principal symptôme. Elle est très sévère, puisqu'elle entraîne une disparition des cycles circadiens, régulant le rythme biologique du corps. "L'insomnie s'installe progressivement jusqu'à devenir invalidante. Ce n'est pas juste une difficulté à s'endormir : il s'agit d'une perte progressive du sommeil. D'ailleurs, nous nous apercevons lors de l'examen d'enregistrement du sommeil qu'il est totalement désorganisé. Une insomnie de 3 jours ou une insomnie chronique ne signifie pas pour autant que l'on souffre d'insomnie fatale", détaille la spécialiste. Le tableau de l'insomnie familiale fatale est plus complexe". Le système nerveux autonome est atteint, s'en suit une :
- Modification du rythme cardiaque ;
- Hypersudation ;
- Augmentation de la tension artérielle ;
- Perte de poids.
"Ces troubles sont assez constants au cours de l'évolution de la maladie et ce tableau clinique s'installe de manière progressive".
Les fonctions cognitives sont altérées, engendrant des troubles de la mémoire et de l'attention. "La confusion est également présente, avec parfois des hallucinations. Chez certains malades, des troubles moteurs et des troubles de l'équilibre apparaissent." Le patient perd son autonomie, il devient grabataire. Son état de santé s'aggrave au fil des mois. La mobilité et le contact avec l'entourage diminuent jusqu'à disparaître.
Comment est-elle diagnostiquée ?
Comme nous l'explique le Pr Cyril Goizet, généticien clinique du Centre de Référence Maladies Rares "Neurogénétiques" du CHU de Bordeaux, "il est possible pour les descendants d'une personne malade de se faire tester afin de connaître leurs statut génétique. Il s'agit du test présymptomatique, qui s'inscrit dans le cadre de la loi de bioéthique qui encadre la médecine prédictive. Le protocole du test présymptomatique est assez lourd et comprend de nombreux rendez-vous d'accompagnement et de préparation avec une équipe pluridisciplinaire." Les patients doivent être majeurs. Le test est réalisé dans des services de génétique par des équipes déclarées à l'Agence de Biomédecine. "Dans la plupart des cas, l'IRM est normale et ne montre pas de signes spécifiques. Parfois, l'électroencéphalogramme oriente ce diagnostic."
Et en cas de grossesse ?
"Il est envisageable, pour ceux qui ont hérité de la mutation familiale, d'avoir des approches préventives pour les grossesses futures, grâce à un diagnostic prénatal ou un diagnostic pré-implantatoire, offrant la possibilité technologique d'arrêter la transmission de l'insomnie fatale familiale". Lors d'un diagnostic prénatal, des cellules embryonnaires sont récupérées, puis analysées. Si la mutation est présente, une interruption de grossesse pour raisons médicales peut être proposée. Si la mutation est absente, la grossesse se poursuit. Pour le diagnostic pré-implantatoire c'est-à-dire quand la grossesse passe par la PMA avec FIV "nous récupérons 1 ou 2 cellules sur l'embryon pour faire le test génétique. S'il est non porteur de l'anomalie, l'embryon est réimplanté dans l'utérus de la mère. Ce protocole représente d'énormes contraintes, mais il permet d'éviter d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. Le taux de réussite de cette technique est d'environ 25 %".
Quels sont les traitements ?
Le traitement est palliatif car la maladie ne se guérit pas. "Nous n'avons pas de médicaments contre l'insomnie fatale familiale et nous ne prescrivons pas de somnifères, car ils sont inefficaces. En cas de confusion ou d'agitation, nous pouvons aider le patient. En cas de troubles de la déglutition, nous posons une sonde gastrique. Nous veillons à ce que le patient reste correctement hydraté. La kinésithérapie peut également être proposée. Tout ce qui peut améliorer le confort du patient est mis en place par l'équipe soignante".
Quelle est l'évolution de la maladie ?
La maladie est fatale, "après une période d'insomnie, le patient tombe dans une forme de coma, comme dans d'autres maladies à prion rares, en raison d'une atteinte importante de la structure du système nerveux central." L'insomnie fatale familiale évolue en 3 grands stades :
► Apparition rapide d'une insomnie qui s'aggrave sur quelques mois, s'accompagnant parfois de troubles psychiatriques (anxiété, hallucinations..) ;
► Présence évidente de signes dysautonomiques ;
► Dernier stade de la maladie : survenue rapide de troubles cognitifs, le patient est incapable de parler, de marcher (mutisme akinétique), puis tombe dans le coma entraînant le décès.
Merci à la Professeure Christine Tranchant, neurologue au CHU de Strasbourg et spécialiste des maladies génétiques à prions rares et au Professeur Cyril Goizet, généticien clinique du Centre de Référence Maladies Rares "Neurogénétiques" du CHU de Bordeaux.
- La protéine prion : un acteur du destin des cellules souches neurales, Inserm
- Maladies à prions / Maladie de Creutzfeldt-Jakob, Inserm
- Orphanet