Sommeil paradoxal : définition, durée, rôle, rêve
Une nuit est une succession de cycles qui durent à peu près 90 minutes chacun. Dans sa deuxième partie, le cerveau produit le fameux sommeil paradoxal. C'est quoi ? A quoi sert-il ? Quelle est sa durée ? Réponses éclairantes du médecin-somnologue Philippe Beaulieu.
Définition : qu'est ce que la phase du sommeil paradoxal ?
"Nous dormons par cycle. Une nuit est une succession de cycles qui durent à peu près 90 minutes chacun", introduit le Docteur Philippe Beaulieu, médecin-somnologue. "Si en début de nuit notre cerveau produit en priorité les phases de sommeil lent profond - durant laquelle nous sécrétons notamment l'hormone de croissance et sommes plus difficile à réveiller car l'activité de notre cerveau est très ralentie ; en deuxième partie de nuit, il produira plutôt ce fameux sommeil paradoxal", détaille-t-il, avant d'expliquer ce qu'est réellement ce "stade de sommeil."
► Il s'agit d'une phase de sommeil durant laquelle nos "ondes cérébrales sont rapides, comme à l'éveil". On qualifie d'ailleurs ce sommeil de "paradoxal", parce que le cerveau est actif, bien que nous soyons endormis. "Beaucoup de zones du cerveau sont très activées, comme les aires visuelles, celles de l'émotion... En revanche, les zones de "contrôle exécutif" , actives à l'éveil, sont, là, désactivées", pointe le spécialiste. "Durant la phase du sommeil paradoxal, le visage est plus expressif qu'en sommeil lent et on constate des mouvements oculaires rapides sous les paupières". "Si vous vous couchez très tard, vous risquez fort d'attaquer directement votre nuit par du sommeil paradoxal", prévient-il par ailleurs. Mais il ne faut pas oublier que durant une nuit normale, nous sommes à 60-70% du temps en phase de sommes lent léger. Notre cerveau est alors plus réceptif, et nous sommes potentiellement plus "réveillable" qu'en sommeil lent profond.
Quelle est sa durée ?
Sur l'ensemble d'une nuit, le sommeil paradoxal représente 20 à 25% du temps, découpé en trois à cinq épisodes, indique le spécialiste. "Sa quantité peut être augmentée dans certaines situations comme par exemple la présence d'une dépression", ajoute-t-il.
Quel est son rôle ?
Le somnologue explique que l'"on ne sait pas complètement" quel est le rôle de cette phase de notre sommeil. "Il y a beaucoup d'hypothèses. La phase de sommeil paradoxal permettrait surtout la récupération émotionnelle, la consolidation de la mémoire. Il existe une théorie appelée "théorie de la programmation génétique du comportement", selon laquelle, cette phase de sommeil aiderait à l'installation de tous les comportements innés. Elle pourrait être également comme une phase d'entraînement émotionnel, avant de passer à l'action", développe le Docteur Philippe Beaulieu. "La production mentale d'un rêve serait un reflet visible du travail qui s'effectue dans notre vie émotionnelle", poursuit-il. En d'autres termes, le contenu d'un rêve en phase de sommeil paradoxal pourrait, pour le sujet, "traduire ses conflits émotionnels du moment, de manière symbolique". Le rêve en sommeil paradoxal peut être, aussi, "un moyen de rejouer les émotions du moment pour les réguler. Telle une auto-thérapie, le rêve permettrait alors de revivre les vécus émotionnels et de les intégrer, pour, au final, en diminuer petit à petit l'intensité", explique clairement l'interviewé.
Comment sont les rêves pendant le sommeil paradoxal ?
Durant le sommeil paradoxal, les productions mentales sont bizarres, parce qu'on a déconnecté les zones de "contrôle exécutif", actives à l'éveil. "Nos sens sont mobilisés : on entend, on voit, on peut sentir des odeurs. Mais les zones de " contrôle exécutif " ou de la planification ne l'étant pas, les rêves sont incohérents et compliqués", détaille le médecin qui poursuit en expliquant que le contenu d'un rêve en phase de sommeil paradoxal pourrait "traduire les conflits émotionnels du moment, de manière symbolique". Le rêve en sommeil paradoxal peut être, aussi, "un moyen de rejouer les émotions du moment pour les réguler. Telle une auto-thérapie, le rêve permettrait alors de revivre les vécus émotionnels et de les intégrer, pour, au final, en diminuer petit à petit l'intensité", explique clairement l'interviewé. Cette phase de sommeil s'accompagne d'une "hypotonie musculaire", la force de contraction de nos muscles est alors diminuée. Et heureusement, démontre le spécialiste : "Sinon, on serait en train de réaliser ces rêves étranges". "Certaines maladies du sommeil (à ne pas confondre avec le somnambulisme qui, lui, survient durant la phase de sommeil lent) empêchent d'ailleurs cette inhibition motrice. Un patient qui rêve qu'il se bagarre peut donner des coups de poing dans l'air ou à son partenaire de lit", donne-t-il pour exemple. "Les rêves les plus productifs sont produits en extrême majorité pendant le sommeil paradoxal", révèle aussi l'interrogé, qui ajoute : "Suivants les moments de vie, on fait plus ou moins de rêve."
Troubles comportement du sommeil : causes, que faire ?
On parle de troubles du comportement de sommeil paradoxal lorsque cette inhibition motrice est levée, dans les cas évoqués ci-dessus, qui sont "très marginaux", insiste le docteur. Ces patients qui vivent leur rêve vont faire des mouvements agressifs ou défensifs. "Il faut faire un enregistrement de sommeil, avec vidéo, pour voir plus précisément ce qu'il se passe et s'il s'agit d'un signe prédictif d'autres maladies neurologiques", préconise alors le médecin-somnologue.
Sommeil paradoxal trop long : quelles conséquences ?
Le co-auteur de l'essai "Dormir sans tisanes ni médocs" indique que l'on peut constater une augmentation du sommeil paradoxal dans certaines pathologies, comme la dépression, ou lorsque l'on a été en privation de sommeil et que l'on compense ensuite ce manque lors de nuits de récupération. "Certaines études ont montré l'augmentation de la durée du sommeil paradoxal, après un stress de courte durée, alors qu'un stress chronique va plutôt diminuer le temps de sommeil. Au réveil, le matin, nous sortons souvent de cette phase de sommeil." Pour le docteur, "il est toujours préférable de se lever à la fin d'un cycle pour éviter ce sentiment désagréable d'avoir été coupée brutalement dans une action, un scénario…".
Merci à Philippe Beaulieu, médecin somnologue, thérapeute cognitivo-comportemenal à Paris, praticien attaché à l'Hôpital Henri Mondor, à Créteil, et co-auteur de Dormir sans tisanes ni médocs (Ed. Marabout)