Addiction au jeu d'argent : en ligne, causes, solutions
Tickets à gratter, machines à sous, paris sportifs, jeux en ligne... L'addiction aux jeux d'argent perturbe les activités personnelles, familiales et/ou professionnelles du joueur. Quels sont les jeux concernés ? Les symptômes ? Quel test faire pour savoir ? Comment s'en sortir ? Réponses avec le Dr Juliette Hazart, addictologue, nutritionniste et coach en cohérence cardiaque.
Qu'est ce qu'une addiction aux jeux d'argent ?
"C'est une pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu d'argent conduisant à une perturbation des activités personnelles, familiales ou professionnelles ou à une souffrance cliniquement significative" définit le Dr Juliette Hazart. "Le jeu d'argent pathologique implique le fait de risquer quelque chose de valeur dans l'espoir d'obtenir quelque chose de plus grande valeur. La plupart des personnes mentionnent qu'un ou deux types de jeux leur posent problème. Cependant, certaines d'entre elles évoquent parfois plusieurs formes de jeux." Selon l'addictologue, les jeux les plus fréquemment concernés en France sont :
- Les tickets à gratter,
- Les jeux de casino,
- Les machines à sous,
- Les jeux de loterie,
- Le blackjack
- Les jeux de cartes
- Les paris sportifs
- Les courses de chevaux.
Est-ce que ça a un nom ?
"Il s'agit du trouble lié au jeu d'argent ou du jeu d'argent pathologique" répond le Dr Juliette Hazart, addictologue.
Quels sont les symptômes ?
Le jeu d'argent pathologique est défini par un ensemble d'au moins quatre symptômes survenant n'importe quand sur une période de 12 mois. L'addictologue détaille :
- Un besoin de jouer avec des sommes d'argent croissantes pour atteindre l'état d'excitation désirée.
- Une agitation ou une irritabilité lors des tentatives de réduction ou d'arrêt de la pratique du jeu.
- Des efforts répétés mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter la pratique du jeu.
- Une préoccupation par le jeu : remémoration d'expérience de jeu passé ou prévision de tentative prochaine, moyens de se procurer de l'argent pour jouer...
- La personne joue souvent lors des sentiments de souffrance, mal-être comme un sentiment d'impuissance, de culpabilité, d'anxiété, de dépression,
- Après avoir perdu de l'argent au jeu, elle retourne souvent jouer un autre jour pour recouvrer ses pertes pour "se refaire",
- La personne ment pour dissimuler l'ampleur réelle de ses habitudes de jeu,
- La personne met en danger ou a perdu une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d'études ou de carrière à cause du jeu,
- La personne compte sur les autres pour obtenir de l'argent et se sortir de situations financières désespérées dues aux jeux.
Par rapport aux autres addictions : Certains critères sont les mêmes que pour les addictions aux substances psychoactives comme par exemple la tolérance : "C'est-à-dire le besoin de jouer de façon de plus importante pour obtenir la même excitation ou encore le sevrage c'est-à-dire l'irritabilité si la personne n'a pas accès aux jeux." Certains critères sont spécifiques au jeu d'argent pathologique comme "la poursuite du jeu pour tenter de "se refaire", le fait de compter sur les autres pour compenser les pertes financières liées au jeu ou encore le fait d'essayer de gérer ses émotions désagréables par la pratique de jeu."
Est-ce considéré comme une maladie ?
"Oui. Le trouble lié au jeu d'argent est la seule addiction comportementale qui figure dans le DSM-5, le manuel de diagnostic et de classification des troubles mentaux" informe le Dr Juliette Hazart.
Existe-t-il un test pour savoir si on est accro ?
Il est possible de faire un test sur Evalujeu, un site d'évaluation et de conseils personnalisés sur les pratiques de jeu. "Cependant, le questionnaire et les conseils associés n'ont pas vocation à remplacer la consultation d'un spécialiste" prévient le Dr Juliette Hazart.
Quelles sont les causes ?
Comme dans toutes addictions, il existe plusieurs facteurs de risque qui prédisposent au trouble lié au jeu d'argent :
- Des facteurs génétiques, physioloqiques et environnementaux : des antécédent(s) de jeu et d'argent pathologique dans la famille ou de trouble de l'usage d'alcool chez les apparentés de premier degré.
- Des tempéraments : jeu débutant tôt dans l'enfance ou l'adolescence.
- Des troubles psychiatriques : troubles de la personnalité antisociale, troubles dépressifs et bipolaires, troubles de l'usage d'une autre substance en particulier à l'alcool.
Quelles sont les conséquences de cette addiction ?
Comme pour les autres les addictions, les conséquences peuvent être physiques, psychiques, familiales, professionnelles et sociales. "Dans le trouble lié au jeu d'argent, les dommages financiers sont particulièrement marqués conduisant à des endettements. Les relations avec la famille et les amis sont souvent perturbées car les personnes souffrant de cette addiction demandent de l'argent afin de jouer ou pour rembourser des dettes dues au jeu ou encore mentent pour cacher leurs difficultés avec le jeu" détaille le Dr Hazart. Cette addiction a un retentissement sur le travail comme l'absentéisme, ou la baisse de la qualité du travail, et un impact sur les performances scolaires. "L'état de santé générale des personnes avec un trouble lié au jeu d'argent est souvent précaire. Des problèmes cardiaques comme la tachycardie et l'angor sont plus fréquents chez ces personnes" constate l'addictologue.
L'addiction aux jeux d'argent en ligne est-elle plus dangereuse ?
Le jeu en ligne a été autorisé en 2010 en France. "Dans la mesure où c'est accessible 24 heures sur 24, avec de l'argent virtuel, cela peut augmenter la dangerosité de l'addiction. En effet, les joueurs en ligne dépensent plus d'argent et jouent plus fréquemment" prévient la spécialiste qui souligne que "les critères diagnostiques sont les mêmes" que l'addiction concerne les jeux en ligne ou d'autres jeux (paris sportifs...).
Quel numéro vert contacter pour avoir de l'aide ?
Si vous êtes concerné directement ou indirectement, vous pouvez appeler Joueurs info service au 09 74 75 13 13 disponible 7 jours sur 7 de 8 heures à 2 heures. L'appel est anonyme et non surtaxé. Vous pouvez aussi contacter Joueurs info service par internet.
Que faire pour s'en sortir ?
"Une prise en soins spécialisée addictologique s'avère incontournable" explique le Dr Hazart. "Les structures médico-sociales, pluridisciplinaires comme les CSAPA (Centres de Soins d'Accompagnement et de Prévention des Addictions) ou la Maison des Addictions présentes dans tous les départements proposent des consultations gratuites et dans le respect de la confidentialité avec un accompagnement thérapeutique, social et éducatif. Elles s'adressent aux personnes en difficulté mais aussi à leur entourage. Au-delà d'un accompagnement, elles peuvent aussi être sollicitées pour de simples informations ou une proposition de soins." Parfois, une hospitalisation peut être nécessaire et sera proposée au patient. "Différentes approches thérapeutiques sont possibles et peuvent être combinées selon le patient, la réalité de la pratique de jeu et le type de jeu : intervention brève, approche motivationnelle, thérapie familiale, approche analytique, groupe d'entraide, patient expert. L'approche psychothérapeutique par la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) a une efficacité scientifiquement reconnue" complète la spécialiste. "Enfin, le dépistage et la prise en charge de troubles psychiatriques associées par un traitement pharmacologique est indispensable car les personnes ayant un trouble lié au jeu d'argent, en particulier les femmes, sont plus susceptibles d'avoir des troubles dépressifs, bipolaires ou anxieux."
Hypnose, méditation : est-ce que ça marche ?
"Dans le trouble lié au jeu d'argent, le cœur du problème va être d'essayer d'identifier et de remettre en cause les déclencheurs (pensées, émotions, situations) qui vont favoriser la pratique de jeu et la pérenniser" informe le Dr Hazart. Pour cela, les techniques de méditation de pleine conscience et de gestion des émotions semblent montrer des résultats prometteurs. "Dans ma pratique, j'utilise des techniques de cohérence cardiaque couplées à la pleine conscience. La méditation de pleine conscience favorise en effet le contrôle inhibiteur et aide à modifier les comportements automatisés. Elle permet aussi d'améliorer la qualité de vie des patients : amélioration de l'humeur, amélioration de la qualité du sommeil, diminution du niveau d'anxiété… De même, l'impact de l'hypnose sur les pratiques addictives et la qualité de vie peut être bénéfique chez certaines personnes."
Merci au Dr Juliette Hazart, addictologue, nutritionniste et coach en cohérence cardiaque.