Peut-on refuser de soigner un patient ?
S'il est autorisé, le refus de soigner un patient est strictement encadré par le code de la santé publique. Mais que dit la loi exactement ? Dans quels cas un médecin peut-il exercer ce droit ? Et quel recours pour le patient ? Réponses avec Maître Muriel Bodin, avocate au Barreau de Paris, spécialisée en droit de la santé.
Définition : qu'est-ce que le refus de soin ?
Le refus de soins désigne le fait qu'un médecin refuse de prodiguer des soins à une personne qui le lui demande.
Refus de soin : ce que dit la loi en France
L'article 47 (article R.4127-47 du code de la santé publique) du Code de déontologie médicale prévoit que "hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée". "C'est une possibilité pour le médecin de le faire, ce n'est en aucun cas une interdiction, mais c'est strictement encadré", commente Maître Bodin.
Un médecin peut-il refuser de soigner un patient : dans quels cas ?
Il a l'obligation de rediriger le patient vers un de ses confrères ou un établissement de santé qui le prendra en charge.
Le médecin peut refuser les soins pour :
- des raisons qui lui sont personnelles,
- des convictions religieuses,
- des convictions professionnelles.
- en cas d'incompétence compte tenu de la spécificité d'une maladie.
Un médecin peut, par exemple, refuser de pratiquer une IVG mais il a l'obligation de rediriger le patient vers un de ses confrères ou un établissement de santé qui le prendra en charge. "Refuser des soins ne veut pas dire refuser que le patient ait une continuité dans son accès aux soins, c'est un droit qui s'accompagne toujours d'un devoir, nuance l'avocate. En revanche, il ne peut pas refuser des soins en pratiquant des discriminations d'ordre financière". Ainsi, un dépassement d'honoraires appliqué à certaines personnes constitue un refus de soins implicite, tout comme le fait de refuser des soins à des porteurs d'une carte CMU. Si tous les médecins ont cette capacité, il faut néanmoins faire la distinction entre ceux qui exercent en libéral et ceux qui travaillent en milieu hospitalier. "Le praticien hospitalier dépend de l'établissement de santé et est soumis à un devoir de continuité des soins parce qu'il est face à un usager du service public qui, contrairement à la médecine libérale, n'a pas le choix de son médecin", précise la spécialiste.
Un hôpital peut-il refuser de soigner un patient : dans quels cas ?
Le praticien hospitalier a le droit de refuser de prodiguer des soins mais pas forcément pour les mêmes raisons qu'un médecin libéral. Il peut, par exemple, refuser un soin en cas d'agressivité de la personne, surtout s'il juge que cette dernière met en péril sa sécurité ou celle du service dans lequel il se trouve. En revanche, il a l'obligation de rediriger ce patient. L'autre cas de refus de soins, c'est lorsqu'il n'y a pas d'urgence, le médecin doit alors guider le patient pour reprendre un rendez-vous ultérieurement. "En médecine, il y a une notion qui est plus d'ordre déontologique que véritablement législative, ajoute Maître Bodin. Par exemple, face à une personne qui a des douleurs intolérables, le médecin se doit de pratiquer un soin qui n'est pas d'ordre curatif mais de l'ordre de l'allégement de la souffrance. C'est vraiment du cas par cas, il faut examiner les situations en fonction du contexte".
Un dentiste peut-il refuser de soigner un patient : dans quels cas ?
Les dentistes sont soumis à la même déontologie que les médecins. Ils possèdent donc les mêmes obligations et choix.
Un chirurgien peut-il refuser d'opérer un patient ?
Le chirurgien se doit d'expliquer au patient les raisons de son refus.
Un chirurgien peut, lui aussi, refuser d'opérer un patient, même si l'on constate de nombreuses dérives. "Cela paraît assez évident que certains chirurgiens choisissent leurs patients en fonction de leur état de fortune. C'est un acte discriminatoire mais il faut pouvoir le prouver et que ce soit nécessaire à la santé de la personne", souligne la spécialiste. Par exemple, dans le cas de la chirurgie esthétique, il y a bien entendu un droit pour le chirurgien de refuser les demandes de personnes qui voudraient se faire opérer s'il considère que psychologiquement il n'y a pas de nécessité. Toutefois, le chirurgien se doit d'expliquer au patient les raisons de son refus.
Patient : quel recours a-t-il ? Que faire ?
Le recours est très compliqué parce que la charge de la preuve revient au patient et qu'un refus de soins reste difficile à prouver. Il y a toute une procédure qui est amorcée soit par un courrier à la caisse d'Assurance maladie, soit au conseil de l'ordre dont fait partie le professionnel en question. "Ce n'est pas une plainte au sens pénal du terme mais une procédure qui débute par une conciliation, un rapprochement entre patient et professionnel afin d'aboutir si possible à une résolution amiable des problèmes, précise l'avocate. Si cela ne fonctionne pas, on entre alors dans un processus plus traditionnel : soit la plainte pénale, soit la plainte administrative en fonction de la typologie professionnelle et parallèlement, de possibles sanctions disciplinaires du conseil de l'ordre".
Merci au Maître Muriel Bodin, avocate au Barreau de Paris, spécialisée en droit de la santé.