Déréalisation : c'est quoi, symptômes, comment en sortir ?
Avoir l'impression d'être spectateur de sa propre vie. C'est une manifestation de la déréalisation. Le trouble est notamment déclenché par un stress intense ou à la prise de substances psychoactives.
Définition : c'est quoi un trouble de déréalisation ?
La déréalisation est un trouble dissociatif qui se caractérise par la perte de la perception de l'environnement. "Il s'agit d'une sensation persistante ou récurrente qui altère la perception. On se sent comment l'observateur extérieur de sa propre vie avec une impression d'étrangeté", explique Sabine Seguin. Ce trouble touche aussi bien les hommes que les femmes et peut commencer dès l'enfance. Si des épisodes de déréalisation sont possibles de manière ponctuelle, lorsqu'ils sont chroniques et qu'ils handicapent le quotidien, on parle de trouble de déréalisation. Il s'agit, le plus souvent, d'un mécanisme de défense du cerveau face à un stress intense ou à un traumatisme.
Quelle est la différence entre déréalisation et dépersonnalisation ?
Les troubles de la déréalisation et de la dépersonnalisation sont souvent liés : ils sont notamment causés par l'anxiété, la dépression ou encore le fait d'être témoin de violences. Il existe cependant des nuances entre les deux troubles. Vous avez la sensation d'être coupé de vous et de vos sentiments ? D'être anesthésié, de ne pas vous contrôler, d'agir comme un ''robot'' ou de ne plus être vous ? Il s'agit peut-être d'un épisode de dépersonnalisation. Lorsqu'on vit ce type d'épisode, on a un sentiment de vide, d'observer la vie de l'extérieur et d'être hors du corps. Dans le cadre de la déréalisation, cette perte de sensations est relative à l'environnement. L'individu a l'impression d'être comme dans un rêve avec une perception faussée de ce qui l'entoure. Les sons peuvent être amplifiés, les objets sont susceptibles d'être perçus comme déformés et le temps peut sembler s'accélérer ou ralentir, par exemple. "La déréalisation concerne sa propre vie et la dépersonnalisation son environnement", résume la thérapeute.
Quels sont les symptômes d'une déréalisation ?
Les symptômes d'un trouble de la déréalisation sont le sentiment d'être détaché de son corps de son esprit et de ses sensations. "C'est exactement ce qui se passe lorsqu'on est dissocié. On se sent à côté de soi-même. On a désinvesti son corps, on ne sent plus rien, on est comme étranger à son corps, on l'abandonne. Tout nous est un peu égal, on est indifférent. On se vit, au mieux, comme un avatar dans un jeu vidéo. On n'est plus vraiment là", détaille la spécialiste. On a l'impression d'être isolé de son environnement et de ne plus être acteur de sa vie. En cas de trouble, ces symptômes persistent.
Comment expliquer une déréalisation ?
La déréalisation est le plus souvent causée par un choc traumatique. "Face à ce choc, on n'a pas d'autre choix que de se dissocier. C'est une question de survie", souligne Sabine Seguin. "Il s'agit d'une sorte d'anesthésie, un système de disjoncteur pour nous éviter de sentir le pire". La spécialiste apporte plus de détails. "Lorsque nous avons un choc, c'est notre cerveau reptilien qui prend les commandes et déclenche une sorte de coupe-circuit qui empêche la communication entre l'Amygdale et le cortex préfrontal. Un afflux massif de cortisol et d'adrénaline dans notre organisme nous serait fatal. On se dissocie pour ne rien ressentir aussi bien au niveau sensoriel, qu'émotionnel. La sidération que produit la disjonction du néocortex nous prive aussi de toute réaction rationnelle. On se dissocie pour ne pas même avoir conscience de ce qui nous arrive, pour ne pas savoir ce qu'on subit". Cela peut aussi se produire lorsque nous faisons face à de la violence ou de la maltraitance dans l'enfance, en l'absence psychique d'un parent ou en cas de négligence. "Adulte, quand ce qui nous arrive est inévitable, comme une agression, un accident ou à la mort d'un proche, on n'a pas d'autre choix que de se dissocier pour ne pas sentir, ne pas savoir, pour éviter littéralement de mourir de peur ou de désespoir" complète la professionnelle.
Il s'agit donc d'un "mécanisme neurobiologique de sauvegarde exceptionnel mis en place par le cerveau"
Il s'agit donc d'un "mécanisme neurobiologique de sauvegarde exceptionnel mis en place par le cerveau de la victime pour survivre à un stress extrême". "Il faut savoir que notre cerveau procède par analogie. Dès que nous sommes en présence d'événements, de sensations, d'émotions qui ressemblent plus ou moins aux circonstances qui ont été traumatisantes, nos mémoires se réactivent", explique Sabine Seguin avant d'ajouter "Quand nous croisons, par exemple, un homme aux yeux bleus qui nous rappelle la personne qui nous a agressé sexuellement, notre système nerveux déclenche l'alerte et nous voilà dissociés. Cela peut aussi être une sensation physique ou une émotion qui ramène ces mémoires passées. Un bruit, un silence, un parfum, un gout, le rapprochement ou même le plaisir physique. C'est comme si nous revivions le trauma, alors qu'en réalité, c'est juste le réveil de vieilles mémoires. Mais notre système nerveux, lui, ne fait pas la différence et il provoque à nouveau cette dissociation". Si la déréalisation peut être causée par une maltraitance affective, une négligence au cours de l'enfance ou un traumatisme, elle peut également être occasionnée par une dépression, un stress sévère (perte d'un travail, problème de relations personnelles…) ou l'usage de drogues.
Qui consulter en cas de déréalisation ?
Il est possible de consulter des praticiens formés au traitement du syndrome post-traumatique. "Il peut s'agir de psychiatres, de psychothérapeutes, des gens qui ont une bonne connaissance des mécanismes du système nerveux", conseille Sabine Seguin. Le diagnostic repose sur un examen clinique et des tests (questionnaire, entretiens…) pour exclure d'autres troubles. Cela comporte aussi des analyses de sangs et d'urine pour rechercher la présence de substances illicites.
On ne peut pas réassocier quelqu'un qui se sent encore en danger
Quelles sont les thérapies les plus adaptées ?
L'EMDR et l'hypnose peuvent aider. "On peut aussi utiliser l'EFT pour diminuer l'intensité des émotions et éviter que le système nerveux soit débordé" ajoute Sabine Seguin. Pour la spécialiste, les thérapies psychocorporelles qui cherchent à réunir le corps et l'esprit sont de bonnes pistes. "La psychologie Biodynamique et la Somatic Experiencing sont particulièrement indiquées. Il faut bien connaitre le système nerveux pour comprendre comment ramener une personne à elle-même. Ça doit se faire tout en douceur, en la connectant avec des ressources dans l'ici et maintenant. On ne peut pas réassocier quelqu'un qui se sent encore en danger. C'est tout un processus qui doit se faire dans le respect des défenses de la personne, dans une très grande délicatesse".
Merci à Sabine Seguin, thérapeute psychocorporelle biodynamique.