Antidépresseurs et prise de poids : lesquels font grossir ?
Selon la durée du traitement, la dose et la molécule employée, la prise de poids peut être plus ou moins importante : de quelques kilos à 10 à 20 kg selon les personnes.
La prise d'antidépresseurs peut faire peur à cause du risque de prise de poids. Du moins, c'est ce que l'on entend souvent dire à propos de ces médicaments. En réalité "il existe peu d'études randomisées contre placebo ou contre une molécule de référence, en double aveugle, qui puissent nous permettre d'expliquer de manière tranchée le lien entre antidépresseurs et prise de poids" souligne le Pr Bruno Fève, endocrinologue à Paris. En effet, outre les antidépresseurs, souvent utilisés pour traiter la dépression, les syndromes bipolaire ou unipolaire, les antipsychotiques ou neuroleptiques peuvent aussi faire grossir les patients. "Dans l'expérience des psychiatres et des endocrinologues, on a l'impression que certains neuroleptiques stimulent davantage l'appétit que les antidépresseurs chez certaines personnes traitées et par ce biais favorisent une prise de poids" rapporte même le spécialiste.
Certains stimulent l'appétit plus que d'autres
Il existe schématiquement 3 grands familles d'antidépresseurs couramment prescrites dans la dépression :
- les inhibiteurs de recapture de sérotonine (IRS) comme le Prozac® (fluoxétine), le Deroxat® (paroxétine). "Pour ces derniers, les avis sont assez opposés : à très fortes doses, certains spécialistes disent qu'ils font prendre du poids ; d'autres perdre du poids."
- les inhibiteurs de recapture de sérotonine et de noradrénaline (IRSN) comme l'Effexor® (venlafaxine). "Il est davantage observé un effet propre de stimulation de l'appétit avec ces thérapeutiques, en dehors du mécanisme classique de sortie de l'épisode mélancolique" (le fait de remanger quand on va mieux).
- les antidépresseurs tricycliques (ancienne génération, utilisés le plus souvent en 2e ou 3e ligne) comme le Laroxyl® (amitriptyline)… ont clairement un effet sur la prise de poids.
Le Laroxyl a "clairement un effet sur la prise de poids"
Il faut bien noter que la prise de poids liée aux antidépresseurs est très dose-dépendante. Plus on les prend sur le long terme, en quantités importantes, plus on a de risques de grossir.
Combien de kilos en plus ?
Selon la durée du traitement, la dose et la molécule employée, la prise de poids peut être plus ou moins importante : de quelques kilos à 10 à 20 kg selon les personnes, et peut favoriser alors le développement de pathologies : intolérance au glucose, voire diabète ou dyslipidémie selon les terrains génétiques. "Il est difficile de donner une échelle de prise de poids car celle-ci peut être minime ou inversement. Il convient que ces patients soient suivis par différents médecins spécialistes de la problématique" note-t-il.
Le risque de prise de poids atteint son apogée après deux à trois ans d'utilisation.
La cohorte METADAP, réalisée en France et coordonnée par le Pr Emmanuelle Corruble, a permis de suivre sur 6 mois des patients déprimés traités par antidépresseurs et de surveiller la survenue d'un syndrome métabolique. "Sur 650 patients, nous avons observé que ces derniers avaient tendance à développer des troubles métaboliques (prise de poids, tension, intolérance au glucose, dyslipidémie…) plus que dans la population générale. Les causes de ces troubles peuvent être liées à des déterminants génétiques et/ou à des facteurs environnementaux comme l'alimentation, le style de vie, le travail, l'entourage" a-t-il expliqué. En 2018, des chercheurs anglais du King's College de Londres ont montré que les patients à qui l'on prescrivait l'un des 12 antidépresseurs les plus couramment utilisés (dont mirtazapine (Norset®), duloxétine (Cymbalta®), sertraline (Zoloft®), venlafaxine (Effexor®), citalopram (Séropram®, Celexa), fluoxétine (Prozac®),
escitalopram (Seroplex®), amitriptyline (Laroxyl®), paroxétine (Deroxat®, Seroxat®)), étaient 21% plus susceptibles de connaître un épisode de prise de poids que ceux qui ne prenaient pas ces médicaments. Le risque de prise de poids atteignait son apogée après deux à trois ans d'utilisation continue. Pour les patients classés comme ayant un poids "normal" le risque de passer à la catégorie "en surpoids" ou "obèse" augmentait de 29% par rapport à ceux qui ne prennent pas d'antidépresseurs.
Remerciement au Pr Bruno Fève, endocrinologue à l'hôpital Saint-Antoine, Paris