Quel médicament fait perdre la mémoire ?
Certains médicaments peuvent provoquer des troubles de la mémoire plus ou moins durables et importants. Quelle cause ? Faut-il arrêter le médicament ? En cas d'Alzheimer ? Liste des médicaments et leurs effets avec le Dr Emmanuel Cognat, neurologue au centre de neurologie cognitive au groupe hospitalier Lariboisière.
Difficultés pour se concentrer, pour trouver ses mots, oubli d'informations récentes… Au-delà des troubles de la mémoire bénins liés à l'âge, certains médicaments sont accusés d'altérer la mémoire. Mais ces effets ne seraient que de courte durée. Quels sont-ils ? Faut-il arrêter le traitement ? Au contraire le continuer ? Demander l'avis d'un médecin ? Quels médicaments éviter en cas de trouble de la mémoire ? Réponses.
Pourquoi certains médicaments peuvent causer des problèmes de mémoire ?
"La plupart des médicaments incriminés causent des problèmes de mémoire au moment de la prise ou dans les semaines voire les mois qui suivent l'arrêt en cas de prescription prolongée. Mais les dernières données laissent à penser qu'il n'y a pas ou peu de médicaments qui, lorsqu'on les arrête, provoquent des problèmes de mémoire à très long terme. De plus, les traitements pouvant affecter la mémoire vont aussi avoir des bénéfices dans les pathologies de la mémoire qui causent souvent des symptômes qui justifient leur prescription, ce qui rend leur utilisation complexe car deux facettes s'opposent : le bénéfice et le risque. Il va donc falloir considérer cet inconvénient à la lueur du bénéfice attendu du médicament", explique le Dr Emmanuel Cognat.
Les médicaments qui peuvent causer des problèmes de mémoire vont agir sur les neurotransmetteurs, de petites molécules qu'utilisent les neurones pour communiquer les uns avec les autres. Leur effet bénéfique va être produit par le blocage ou l'activation de certains récepteurs à ces neurotransmetteurs qui vont alors moduler dans un sens ou dans un autre la communication entre les neurones pour obtenir l'effet recherché. Or, par ce blocage des récepteurs des neurotransmetteurs, ils vont pouvoir affecter les circuits de la mémoire et nuire à la mémorisation. Autrement dit, par le mécanisme par lequel ils donnent leur effet positif, ils vont aussi occasionner leurs effets indésirables.
Liste des médicaments qui font perdre la mémoire
Globalement, les antidépresseurs n'entraînent pas de troubles de mémoire, en tout cas pas durables.
Les médicaments pointés du doigt sont les psychotropes, c'est-à-dire les médicaments qui agissent sur le fonctionnement psychique, à savoir les antidépresseurs, les anxiolytiques et les antipsychotiques qui sont prescrits le plus souvent contre les délires. "Globalement, les antidépresseurs n'entraînent pas de troubles de mémoire, en tout cas pas durables, rassure le neurologue. Les benzodiazépines sont ceux qui sont les plus suspectés d'induire des troubles de la mémoire durable mais les dernières données sont relativement rassurantes, même si on ne peut pas être formel. En revanche, ils occasionnent des troubles de mémoire potentiellement importants durant le traitement et probablement durant les semaines et mois qui suivent. Pour ce qui est des antipsychotiques et des neuroleptiques, ils sont prescrits pour des pathologies assez sévères (schizophrénie, des anxiétés pathologiques et envahissantes) qui sont tellement intrusives sur le quotidien qu'il est difficile de faire la part des choses entre les manifestations de la maladie et les effets indésirables des traitements".
Quels signes doivent alerter ?
"Avec ces traitements, les problèmes de mémoire vont se manifester à la fois sur la mémorisation et le rappel des souvenirs, et par des difficultés de concentration, d'attention qui retentissent eux-mêmes sur la mémoire. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il y a des mises en garde pour la conduite avec ce genre de traitements", indique le spécialiste.
Faut-il arrêter le médicament ?
Ces médicaments ne doivent pas être interrompus brusquement, il faut prendre l'avis d'un médecin.
Chez les personnes souffrant de dépression sévère avec beaucoup d'anxiété, la dépression en elle-même va entraîner des problèmes de mémoire. "Une dépression retentit fortement sur la qualité de la vie, c'est pour cette raison qu'un traitement est mis en place. Ce dernier est susceptible d'entraîner des troubles de la mémoire mais il est souvent difficile d'évaluer si ces troubles sont liés au traitement ou à la dépression elle-même. Quoi qu'il en soit, le bénéfice attendu est bien plus important que la perte de mémoire sur une période de quelques semaines ou mois", nuance le Dr Emmanuel Cognat. Dans ce contexte, il ne faut pas remettre en question le traitement. En revanche, ces traitements et en particulier les benzodiazepines sont souvent prescrits au long cours chez des personnes qui n'en ont plus vraiment besoin, auquel cas l'impact sur la mémoire va persister, alors que le bénéfice n'est plus là. L'arrêt doit alors être envisagé, mais dans tous les cas, ces médicaments ne doivent pas être interrompus brusquement, il faut prendre l'avis d'un médecin.
Quels médicaments éviter chez un malade d'Alzheimer ?
Les antidépresseurs, les benzodiazépines et les neuroleptiques ne doivent pas obligatoirement être évités, mais ils doivent être prescrits avec beaucoup plus de précautions. Ce sont des traitements qui vont se révéler utiles puisque cette maladie ne va pas toucher que la mémoire mais tout le fonctionnement intellectuel et psychique au sens large, pouvant entraîner chez certains les patients atteints d'Alzheimer des troubles anxieux ou dépressifs. "La prescription doit être courte, à doses adaptées et certaines familles de traitements doivent être privilégiées plutôt que d'autres. Surtout, il est primordial de reconsidérer régulièrement les prescriptions, de ne pas accepter de reconduire un traitement dont le patient n'aurait plus besoin. Egalement, les médicaments dits anticholinergiques, prescrits notamment en cas de troubles urinaires, doivent être évités chez les malades d'Alzheimer, puisqu'ils vont avoir un impact sur la mémoire", prévient notre interlocuteur.
Merci au Dr Emmanuel Cognat, neurologue au centre de neurologie cognitive au groupe hospitalier Lariboisière – Fernand Widal et maître de conférence