Médicament tératogène : définition, liste, effets, exemple
On qualifie de "tératogène" un médicament aux effets malformatifs (qui augmentent le risque de malformations du fœtus), ou alors fœto-toxiques, c'est-à-dire, qui peuvent altérer le développement embryonnaire et la santé du futur bébé. Brigitte Layani, pharmacienne à Toulouse, nous éclaire sur le sujet.
Qu'est-ce qu'un médicament tératogène ?
On qualifie de "tératogène" un médicament aux effets malformatifs (qui augmentent le risque de malformations du fœtus), ou alors fœto-toxiques, c'est-à-dire, qui peuvent altérer le développement embryonnaire et la santé du futur bébé. On trouve dans le terme "tératogène" le préfixe "térato", qui signifie en grec ancien "monstre". Littéralement, "tératogène" signifie donc "faiseur de monstre".
Quels sont les effets secondaires ?
"Une substance tératogène est susceptible de provoquer des malformations chez les enfants exposés in utero", peut-on lire sur le site du Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT), qui indique aussi que "la période où les risques tératogènes sont les plus importants se situe au cours des deux premiers mois de grossesse." "Ces médicaments sont absorbés par le bébé dès lors qu'ils traversent la barrière placentaire", explique Brigitte Layani, pharmacienne. Seules les très grosses molécules ne passent pas le placenta. Autrement dit : la plupart des médicaments le passe. S'ils sont sans-danger pour les adultes et donc pour ces femmes enceintes, ces médicaments présentent de multiples risques graves pour l'enfant à naître : l'agénésie, c'est-à-dire, l'absence de formation totale ou partielle d'un organe ou de membres tels que ses bras ou ses jambes (l'exemple de la thalidomide, prescrite pour traiter la nausée dans les années 50-60), ou encore des anomalies congénitales (main palmée, doigts surnuméraires sur les pieds, …), et d'autres malformations (du tube digestif, du cœur, de l'appareil génito-urinaire,…).
Liste : les principaux médicaments tératogènes disponibles en France
On peut citer pour exemple :
- Isotrétinoïne (Contracné®, Curacné®, Procuta®)
- Acitrétine (Soriatane...)
- Acide valproïque (Dépakine®, Dépamide®, Dépakote®, Micropakine®),
- Topiramate
- Diéthystilbestrol (Distilbène®)
- Autres rétinoïdes oraux (alitrétinoïne - Toctino®)
- Misoprostol (Gymiso®, Misoone®)
- Mycophénolate (Cellcept®, Myfortic® ),
- Thalidomide,
- Testostérone
- Danazol tel que le Danatrol® (qui ont des effets uniquement sur les foetus féminins)
- et les antimitotiques.
Parmi les principales molécules tératogènes présentes dans des médicaments disponibles en France, la pharmacienne interrogée pense à l'isotrétinoïne (par voie orale), utilisée dans les traitements de l'acné, dans le Roaccutane, par exemple, "absolument contre-indiqué" durant une grossesse. "Si une femme ignore qu'elle est enceinte et suit ce traitement durant son premier trimestre, cela peut urgemment faire l'objet d'une interruption médicamenteuse de grossesse", alerte-t-elle.
Brigitte Layani cite également l'acitrétine, dans le Soriatane®, prescrit par exemple pour des formes sévères de psoriasis. Elle évoque également des antiépileptiques, tels que la Dépakine, ou le Tegretol. Sur le site du CRAT, les professionnels de santé ont listé "les médicaments tératogènes avérés à proscrire pendant au moins les deux premiers mois de grossesse, et si possible au-delà, sauf indication exceptionnelle." Pour toute vérification, le Centre de Référence énumère également sur son site les médicaments tératogènes avérés utilisables en cours de grossesse en l'absence d'alternative plus sûre, ceux pour lequel un effet tératogène est "fortement suspecté mais pas confirmé à ce jour", ainsi que les médicaments dits fœto-toxiques, aux "effets fœtaux ou néonatals irréversibles plus ou moins sévères." Même s'il ne s'agit pas de médicaments, Brigitte Layani appelle à la prudence quant à l'utilisation des huiles essentielles : certains de ces produits "passent la barrière placentaire par la circulation sanguine."
Quelles sont les contre-indications ?
Prendre ces médicaments listés ci-dessus et sur le site du CRAT durant la période de grossesse est bien sûr contre-indiqué, "tout comme durant la période d'allaitement", précise la pharmacienne. "Si le traitement est indispensable à la nouvelle mère, alors il faut temporairement arrêter de donner le sein. Et s'il n'est pas indispensable, elle l'arrête et le reprendra après cette période d'allaitement." "L'âge de la future ou nouvelle mère n'entre pas en ligne de compte, ces médicaments sont dans tous les cas contre-indiqués", souligne-t-elle par ailleurs.
Quelles sont les précautions ?
D'après l'étude "Médicaments tératogènes ou fœto-toxiques utilisés pendant la grossesse en Belgique", 80% des femmes prennent au moins un médicament pendant leur grossesse dans les pays économiquement développés, alors que, par précaution, "les pharmaciens ne doivent leur prescrire que du paracétamol", dit Brigitte Layani. Sauf dans le cas où la femme est atteinte d'une maladie chronique qui nécessite un traitement qui ne peut être interrompu. "La surveillance doit être extrême et le suivi, plus important que lors d'une grossesse habituelle", prévit la pharmacienne. Elle précise ensuite que, parfois, certains traitements peuvent être diminués voire temporairement arrêtés, ou encore substitués à d'autres médicaments lors des phases les plus à risque de la grossesse. C'est l'exemple aussi des femmes sous anti-dépresseurs. "On ne peut pas les sevrer totalement, alors on va adapter leur traitement", explique Brigitte Layani. Par précaution, les pharmaciens se doivent aussi de vérifier pourquoi le médecin a prescrit à sa patiente enceinte un médicament tératogène : "On l'appelle pour lui demander s'il est au courant de la grossesse de la patiente. C'est notre devoir, nous sommes la dernière barrière avant la délivrance d'un médicament qui présentent des risques." Aussi, les notices médicamenteuses mentionnent systématiquement les risques liés à leur prise chez la femme enceinte. La signalétique sur les boîtes - depuis 2017 et l'entrée en vigueur d'un décrit qui impose la présence d'un pictogramme "femme enceinte" - est à la fois très visible et compréhensible par tous. Le panneau dessiné, souvent en rouge, et qui alerte du danger, est soit rond, lorsqu'il indique que le médicament ne doit absolument pas être utilisé durant la grossesse, soit triangulaire, sur les médicaments qui peuvent être utilisés chez la femme enceinte uniquement s'il n'y a pas d'autres médicaments disponibles.
Merci à Brigitte Layani, pharmacienne à Toulouse.