Myasthénie : cause, guérison, espérance de vie
La myasthénie est une maladie neuromusculaire qui entraîne une faiblesse musculaire fluctuante d'intensité et de durée variables. Quelles sont les causes ? Quels symptômes ? Quels sont les traitements ? Les réponses avec le Dr Armelle Magot, neurologue.
Définition : qu'est-ce qu'une myasthénie ?
La myasthénie est une maladie qui affecte la jonction neuromusculaire où se déroule la transmission entre les nerfs et les muscles. "La cause principale de myasthénie est d'origine auto-immune avec des auto-anticorps (produits par le patient) qui bloquent les récepteurs de la jonction neuromusculaire (principalement les récepteurs à l'acétylcholine)", explique le Dr Armelle Magot, neurologue. "Ainsi, ils ne réagissent plus correctement et s'épuisent trop rapidement. A côté de cette cause principale, d'autres syndromes myasthéniques existent, plus rares : le botulisme, dont la toxine bloque la transmission neuromusculaire de façon transitoire, le syndrome de Lambert-Eaton dû à d'autres anticorps et souvent associé à des cancers, et enfin certaines formes génétiques rares, impliquant un gène de la jonction neuromusculaire (on parle alors de syndrome myasthénique congénital)". On parle de myasthénie grave lorsqu'il existe une atteinte des muscles servant à la respiration ou entrainant des fausses routes à répétition. Une assistance respiratoire mécanique peut alors devenir nécessaire lorsque la respiration ou l'évacuation de mucus par la toux sont insuffisants.
Quelle est la cause ?
La cause exacte de la myasthénie auto-immune est inconnue. "Elle survient probablement sur un terrain génétique particulier ; on retrouve parfois d'antécédent d'autres maladies auto-immunes dans la famille", poursuit la spécialiste. "La rencontre avec des agents viraux ou environnementaux intervient probablement aussi dans la production d'autoanticorps. On sait également que le thymus joue un rôle dans cette maladie et que son ablation peut parfois améliorer les patients". La majorité (85%) des personnes atteintes de myasthénie généralisée fabriquent des anticorps dirigés contre le récepteur de l'acétylcholine mais d'autres malades présentent des anticorps dirigés contre d'autres protéines (MuSK ou LRP4). "Certaines personnes atteintes de myasthénie n'ont ni anticorps anti-récepteur de l'acétylcholin, ni anticorps anti-MuSK, ni anticorps anti-LRP4. On parle de myasthénie "séronégative" et le diagnostic de certitude peut être alors difficile à confirmer".
Quels sont les symptômes ?
La myasthénie auto-immune apparaît à tout âge, mais touche plus fréquemment la femme jeune. La myasthénie peut se manifester comme suit à des degrés variables :
- une fatigabilité avec une apparition d'une fatigue musculaire pour un effort anormalement peu intense ;
- une chute de la paupière supérieure. "Un ptosis à bascule (tantôt à droite, tantôt à gauche) est quasiment systématiquement lié à une myasthénie", poursuit notre interlocutrice.
- des troubles de la vision comme une vision double qui disparait à la fermeture d'un œil ;
- des difficultés de mastication et de déglutition, voire de la respiration.
"La fatigabilité musculaire et la variabilité des symptômes sont les caractéristiques cliniques essentielles de la myasthénie".
Comment la diagnostique-t-on ?
Le diagnostic de la myasthénie s'effectue grâce à un interrogatoire et à des exercices physiques afin de détecter la fatigabilité musculaire. "Il n'y a pas à proprement parlé de diminution de force. Pour un effort unique, la force va être normale. C'est la répétition de l'effort qui entraine la faiblesse musculaire", confirme le Dr Magot. Un test simple, le test au glaçon, consiste à appliquer sur la paupière tombante du froid : l'amélioration du ptosis au froid est très évocatrice.
La certitude diagnostique est apportée par la recherche des anticorps qui, s'ils sont positifs, confirment la myasthénie. "Cependant les anticorps peuvent rester négatifs et la réalisation d'un électromyogramme, qui étudie la transmission entre le nerf et le muscle peut aider à établir le diagnostic ". Enfin, parfois la réponse aux traitements pourra corroborer le diagnostic.
Quel est le traitement ?
La myasthénie auto-immune n'est pas une maladie que l'on guérit définitivement. Elle peut néanmoins être contrôlée grâce à un traitement adapté comme des médicaments anticholinestérasiques, qui diminuent la dégradation de l'acétylcholine. "L'utilisation de cortisone ou d'un traitement immunosuppresseur est également possible. Enfin, l'ablation du thymus peut être réalisée en fonction des cas", complète notre interlocutrice. En cas de critère de sévérité, une hospitalisation est indispensable pour éviter les complications de la maladie qui peuvent être mortelles sur le plan respiratoire. "Le patient doit aussi être éduqué à sa maladie pour en dépister les signes de gravité ; il reçoit une carte d'urgence de sa maladie et une liste de médicaments qu'il ne doit pas prendre sans avis médical".
Comment évolue la myasthénie ?
Tout comme la localisation des muscles atteints, l'évolution varie selon les personnes. Parfois, la maladie touche seulement les muscles des yeux et des paupières. Dans d'autres cas, une faiblesse généralisée s'installe dans les deux années qui suivent le début des symptômes. La particularité de la myasthénie est qu'il s'agit d'une maladie fluctuante au cours de la journée, au cours des mois mais aussi au cours des années. "Souvent les premières années sont les plus sévères puis la maladie a tendance à s'améliorer sous l'effet conjugué du temps et des médicaments utilisés", détaille le médecin. L'évolution varie aussi selon les personnes. "La maladie peut toucher seulement les muscles des yeux et des paupières et on parle alors de myasthénie oculaire s'il n'y a pas eu d'autres atteintes au cours des 2 ans suivant le début des symptômes. Dans les autres cas, la myasthénie est dite généralisée mais les symptômes peuvent varier d'une personne à l'autre : certains sont plus gênés pour lever les bras, d'autres pour la déglutition ou la phonation, d'autres pour la vision". Une forme particulière de myasthénie est la myasthénie néo-natale. "Lorsque des patientes enceintes atteintes de myasthénie transmettent leurs anticorps à leurs bébés, on parle alors de myasthénie néonatale. Elle peut se manifester par une faiblesse musculaire présente à la naissance mais qui va s'améliorer rapidement puisque l'enfant va fabriquer progressivement ses propres anticorps". Cette forme reste assez rare : environ 12 % des bébés dont la mère est touchée par la myasthénie.
Quelles sont les chances de guérison ?
Dans la myasthénie auto-immune, on ne parle pas de guérison mais plutôt de rémission. "Quand la maladie se déclare, elle demeure à vie", reconnait notre spécialiste. Néanmoins, la maladie étant souvent plus active au début de son déclenchement, il y a souvent spontanément une amélioration au fil du temps qui permet parfois de se passer complétement de traitement sans rechute. Les traitements permettent aussi que le patient ait la vie la plus normale possible, sans ou avec peu de symptômes, ce qui est concerne heureusement la plupart des cas.
Quelle est l'espérance de vie ?
"Il n'y a pas de diminution de l'espérance de vie dans cette maladie mais il faut éduquer le patient pour lui apprendre à dépister les symptômes graves (respiratoire ou troubles de la déglutition) afin de mettre en place le traitement nécessaire et efficace en cas de crise myasthénique", conclut le Dr Magot.
Merci au Dr Armelle Magot, Praticien Hospitalier, Centre de Référence des Maladies Neuromusculaires AOC, CHU de Nantes.