Parosmie et Covid : définition, durée, traitement, que faire ?
La parosmie est une maladie caractérisée par une distorsion du goût et des odeurs. C'est un symptôme rapporté par des malades du Covid, notamment lors de la vague Omicron. Cause, durée, traitement, réversible ou pas... Les réponses avec le Dr Thierry Rousselet, ORL et chirurgie cervico-odonto-faciale.
Définition, c'est quoi la parosmie ?
La parosmie est une maladie caractérisée par une distorsion des odeurs et du goût. "C'est une sensation d'odorat qui ne correspond pas à ce que l'on a sous le nez. C'est une fausse sensation, déclenchée par le bulbe olfactif" indique le Dr Thierry Rousselet, médecin ORL. Les personnes qui en souffrent ont l'impression que leurs aliments ont des effluves et un goût désagréables. Ce phénomène se produit lorsque une infection touche la muqueuse olfactive : le virus provoque la mort de ses cellules et, indirectement, la destruction des neurones olfactifs.
Quels sont les symptômes ?
La nourriture a une odeur et un goût dégoûtants. "Au lieu de sentir un citron, vous pouvez sentir le chou pourri ou le chocolat peut sentir l'essence" cite par exemple une étude publiée le 18 janvier par l'Université d'East Anglia (Royaume-Uni) et Fifth Sense, l'organisme de bienfaisance pour les personnes touchées par les troubles de l'odorat et du goût. "La parosmie s'accompagne d'une inflammation de la muqueuse nasale. Des vésicules apparaissent sur la muqueuse de la cornée inférieure et la cloison nasale. C'est un relief engendré par le virus, notamment par celui du Covid, qui donne des petites lésions" détaille l'ORL. Des problèmes nutritionnels peuvent apparaître à la suite de ce trouble si la personne ne veut plus manger.
Quelle est la cause ?
"Il y a plusieurs causes à la parosmie : allergies, atteinte virale, inflammations chroniques de la cloison nasale à cause de la pollution ou de l'environnement (sécheresse par exemple). Le bulbe olfactif (cellules nerveuses olfactives) est mal ventilé et il donne de mauvaises informations entraînant la parosmie" souligne le Dr Thierry Rousselet. La parosmie peut également provenir de causes traumatiques et neurologiques qui atteignent le bulbe olfactif ou cérébral. "Les troubles olfactifs post-traumatiques concernent des sujets de tous âges et peuvent être secondaires à des traumatismes crâniens même mineurs" indiquent les chercheurs de l'étude anglaise sortie mi-janvier.
La parosmie est-elle un effet secondaire du Covid ?
Après l'anosmie (la perte de l'odorat), la parosmie (la distorsion de l'odorat), est un des nouveaux symptômes révélé du Covid-19. "C'est un trouble très fréquent, il peut même précéder l'apparition des autres symptômes liés au virus, comme les symptômes pulmonaires. Le patient arrive avec une parosmie ou une anosmie, et surviennnent quelques jours après les autres symptômes de l'inflammation du Covid" révèle notre expert. L'étude menée par l'University of East Anglia et Fifth Sense a montré qu'environ 250 000 adultes au Royaume-Uni ont souffert de parosmie à la suite d'une infection par le Covid. "Cela affecte également les enfants" constatent les scientifiques britanniques.
Combien de temps dure la parosmie en cas de Covid ?
La parosmie peut disparaître rapidement avec les autres symptômes de la maladie du Covid. "Cela concerne 95% des patients. En général, la parosmie dure de quelques jours à quelques mois, mais certains patients n'ont toujours pas retrouvé leur sens au bout de 6 mois" nuance le Dr Thierry Rousselet. "Dans les cas de longue durée, on se lance dans l'exploration d'autres pathologiques" poursuit-il. Un article de l'INSERM publié en juillet 2021 a évalué la durée des troubles olfactifs liés à la contamination du coronavirus (incluant anosmie, parosmie ou hallucinations olfactives). "Si un participant sur cinq a déclaré avoir récupéré la totalité de ses capacités olfactives dans les 16 jours en moyenne après le début de l'infection, un délai de 3 à 6 mois a été nécessaire pour une poignée d'entre eux. [...] Près de la moitié des participants déclarait des troubles toujours persistants, qui duraient depuis 1 à 10 mois. Les femmes et les personnes âgées ont plus de risque de voir ces symptômes persister que les hommes ou les plus jeunes. On observe aussi que la moitié des personnes qui ont répondu à l'enquête ont des distorsions des odeurs ("parosmie")".
Comment diagnostiquer la parosmie ?
"Il faut d'abord se baser sur les symptômes décrits, puisqu'on a pas de "preuves" visibles. On peut réaliser une olfactométrie [la mesure des odeurs par analyse sensorielle ndlr] dans certains hôpitaux spécialisés, comme celui de Lariboisière à Paris. Cette mesure peut être accompagnée d'une endoscopie nasale afin de détecter une inflammation du bulbe olfactif", explique le médecin ORL. "Nous n'avons pas d'appareil qui permet un dépistage en ORL courante" précise-t-il. Dans le cas de parosmie traumatique (liée à une cause traumatique ou neurologique), "on réalise une IRM de l'étage antérieur de la base du crâne pour voir le bulbe olfactif intérieur afin de détecter une tumeur ou une compression neurologique".
Traitement : comment soigner une parosmie ?
"Un ORL prescrit généralement des corticoïdes locaux pour diminuer l'inflammation qui cause le trouble olfactif. Ce n'est pas contre-indiqué et même très adapté en cas d'infection au coronavirus", précise notre expert. Selon la HAS, "une rééducation olfactive en cas de troubles de l'odorat persistants" serait aussi une réponse à la parosmie. "Les enfants comme les adultes devraient envisager l'"entraînement à l'odorat", qui est apparu comme une option de traitement simple et sans effets secondaires pour diverses causes de perte d'odorat" ont indiqué les scientifiques britanniques. Le professeur Carl Philpott de l'école de médecine de l'Université d'East Anglia à Norwich, expert en odeurs et cité par l'étude britannique donne une astuce pour entraîner son odorat : "Renifler au moins quatre odeurs différentes - par exemple l'eucalyptus, le citron, la rose, la cannelle, le chocolat, le café ou la lavande - deux fois par jour pendant plusieurs mois".
Merci au Dr Thierry Rousselet, ORL et chirurgie cervico-odonto-faciale, à l'hôpital Bicêtre.
Sources :
"Pourquoi les enfants peuvent ne plus manger après Covid", 18 janvier 2022, University of East Anglia et Fifth Sense.
"Covid-19 et odorat : les anosmies persistantes sont fréquentes et impactent la qualité de vie", 5 juillet 2021, INSERM.
"Récupération des troubles olfactifs et de la qualité de vie liés au COVID-19 : aperçus d'une étude observationnelle en ligne" 7 juin 2021, Chemical Senses.
'Les troubles de l'odorat', Revue Médicale Suisse 2007; volume -7. no. 127, 2221 - 2224