Transplantation fécale : comment ça se passe ?
La transplantation fécale est mise en œuvre face à une altération du microbiote intestinal. En administrant des selles d'un donneur sain, le receveur voit sa flore intestinale restaurée, et ainsi cela lui permet de retrouver un bon état de santé.
Qu'est-ce qu'une transplantation fécale ?
Une transplantation fécale est l'administration de selles issues d'un donneur sain chez un patient dont le microbiote est altéré et joue un rôle délétère. "La transplantation fécale est réalisée à visée thérapeutique. Il s'agit d'une transplantation du microbiote fécal, des selles d'un donneur sain chez un receveur malade".
Quelles sont les indications ?
La seule indication validée et utilisée en soins courants est l'infection à Clostridioides difficile. Cette bactérie est responsable d'un tableau aigu avec une diarrhée d'intensité légère à grave, parfois accompagnée de douleurs abdominales et qui peut entraîner une inflammation du côlon. Cette infection survient le plus souvent suite à la prise d'antibiotiques. "La particularité de cette infection est qu'elle est traitée par des antibiotiques spécifiques qui ciblent ce germe mais il existe un risque de récidive, le microbiote n'arrivant plus à se restaurer entre les différents épisodes d'infection. Et quand il y a eu deux récidives, on peut envisager une transplantation fécale pour guérir le patient", explique le Dr Cécilia Landman. Toutes les autres indications potentielles font aujourd'hui l'objet de protocoles de recherche. Il s'agit de pathologies majoritairement chroniques où il y a une altération du microbiote (maladies inflammatoires notamment digestives, éradication de bactéries multirésistantes…).
Comment ça se passe ?
"À l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) et plus particulièrement à Saint-Antoine, nous avons un centre de transplantation fécale avec une équipe médicale, une unité pharmaceutique de préparation des transplants et une infirmière de coordination. Nous validons l'indication de transplantation fécale pour les dossiers transmis par l'extérieur (gastro-entérologues, médecins généralistes ou médecins hospitaliers). Si l'indication est retenue, on organise la transplantation du microbiote fécal : soit le transplant est envoyé dans le service demandeur, soit il est fait dans notre centre", précise le Dr Landman. La transplantation fécale est réalisée en hospitalisation de jour (une journée) sauf si l'état du patient nécessite une hospitalisation plus longue. La veille, les antibiotiques prescrits pour l'infection à C. difficile sont arrêtés et une préparation colique pour laver le côlon est réalisée. Différentes voies sont envisageables pour administrer le transplant :
- par voie haute : par la pose d'une sonde naso-gastrique, le transplant est administré via des seringues
- par voie orale : en ingérant 15 gélules/j pendant 2 jours ;
- par voie basse : par la pose d'une sonde rectale, l'administration se fait via un lavement qui doit être retenu pendant au moins deux heures.
"La grande majorité des transplantations sont réalisées au lit du malade sans anesthésie générale", ajoute-t-elle. La voie endoscopique est parfois utilisée pour certains patients qui nécessiteraient des explorations plus approfondies en parallèle. Dans ce cas, ils seront sous anesthésie générale. La surveillance après la transplantation fécale est de 4 heures. Une consultation de suivi sera fixée à distance de la transplantation (quelques semaines) pour juger de l'efficacité du traitement.
Qui sont les donneurs ?
La sélection des donneurs sains est faite sur leur état de santé : "un autoquestionnaire pour les nouveaux donneurs permet une première évaluation clinique pour savoir s'ils n'ont pas de contre-indication, de facteur de risque d'infection ou de bactérie multirésistante (comme un voyage récent ou une hospitalisation à l'étranger, par exemple), une pathologie chronique dans laquelle le microbiote pourrait être impliqué, des antécédents de pathologies inflammatoires, de cancers… chez eux ou dans la famille proche". Une consultation est ensuite fixée pour un questionnaire plus détaillé et examen clinique. Par ailleurs, à chaque fois en début et fin de don, il y a une prise de sang et une analyse de selles. "On cherche à éliminer tout risque d'infection et à éviter que le microbiote des donneurs éligibles favorise l'apparition d'une pathologie inflammatoire chez le receveur. Ces différents bilans répétés tous les mois pendant les périodes de don permettent d'éviter au maximum ce risque", insiste le Dr Landman. Sur le centre de transplantation fécale de Saint-Antoine, l'infirmière de coordination voit une dizaine de donneurs par an, la moitié d'entre eux est finalement contre-indiquéé au don après le questionnaire et/ou les bilans. Les donneurs en fonction de leur régularité pourront réaliser entre 5 et 15 dons par mois.
Y a-t-il des règles à suivre après une transplantation fécale ?
Il n'existe pas de règles hygiéno-diététiques à suivre pour les receveurs. La seule recommandation est surtout d'éviter la prise d'antibiotiques mais aussi d'AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens). "On incite les receveurs à reprendre une alimentation normale d'autant plus qu'ils ont souvent été beaucoup restreints par l'infection à C. difficile et ont perdu beaucoup de poids".
Il n'y a pas de contre-indications
Y a-t-il des risques associés à la transplantation fécale ?
Il y a très peu de risques associés à la transplantation fécale : on observe rarement des vomissements en cas de recours à la sonde quand l'administration est trop rapide ; une fièvre après la transplantation quand elle réalisée chez des patients déjà atteints d'une infection colique grave… "Toutes les études montrent que la transplantation fécale est très bien tolérée. Il peut apparaître parfois de faibles douleurs abdominales le jour de l'intervention et une perturbation du transit après", note-t-elle.
Y a-t-il des contre-indications ?
Il n'y a pas de contre-indications à la transplantation fécale mais plutôt des spécificités liées à la voie d'administration. "Les receveurs sont assez souvent des personnes fragiles, âgées, avec des pathologies associées et comme cela se fait au lit du malade et sans anesthésie générale, il n'y a pas de contre-indications", conclut le Dr Landman.
Merci au Dr Cécilia Landman, Service de Gastroentérologie et Nutrition, Centre de transplantation fécale (AP-HP), hôpital Saint-Antoine, Paris.