Cardiomyopathie : symptômes, à cause de quoi ?

Cardiomyopathie : symptômes, à cause de quoi ?

La cardiomyopathie est une maladie du muscle cardiaque qui peut engager le pronostic vital.

"Les cardiomyopathies sont des maladies du muscle cardiaque, en grande partie génétiques, mais pas exclusivement" commence le Dr Joëlle Sissmann, cardiologue. La conséquence, c'est que la fonction pompe du ventricule gauche du coeur va être altérée, avec inadéquation entre le débit cardiaque et les besoins, se traduisant par un essoufflement." Là, il faut consulter pour prévenir un éventuel accident cardiaque tel que l'infarctus.

La cardiomyopathie dilatée

Dans cette forme de cardiomyopathie, "la cavité cardiaque augmente de taille", observe la cardiologue. La qualité de la contraction cardiaque est aussi altérée. Résultat, le cœur se contracte mal, et donc se vide mal, provoquant une baisse de débit cardiaque. Il éjecte mal la quantité de sang voulue à chaque battement, laissant un volume résiduel important dans la cavité cardiaque. Ceci aboutit à un essoufflement à l'effort"Lorsque les causes sont génétiques, le cœur est en général très hypocontractile : il se contracte mal, éjecte mal, provoquant ainsi la baisse du débit cardiaque et donc l'essoufflement (ce qu'on appelle une congestion)", explique-t-elle. "Certaines causes génétiques vont entraîner par le biais d'anomalies moléculaires des altérations du fonctionnement du muscle cardiaque et donc une mauvaise contractilité du cœur qui peu à peu va se dilater". De nombreuses pathologies peuvent également provoquer une dilatation secondaire du cœur. Elles peuvent être "la conséquence d'un infarctus du myocarde ou d'une maladie des valves", note la cardiologue.

Schéma d'une cardiomyopathie
Schéma d'une cardiomyopathie © designua - 123RF

La cardiomyopathie hypertrophique

La cardiomyopathie hypertrophique est une augmentation de l'épaisseur des parois du cœur aboutissant à une augmentation de la taille du ventricule gauche. "De ce fait, le cœur est en général moins élastique qu'en temps normal", explique la cardiologue. Cela provoque une gêne du remplissage cardiaque et un essoufflement à l'effort. Les causes les plus fréquentes sont l'hypertension artérielle ou le cœur de sportif/le sport intense. Il peut aussi s'agir de maladies génétiques mais c'est "relativement rare", indique Joëlle Sissmann. Parmi elles, les maladies "de surcharge" pouvant être liées à des déficits enzymatiques, provoquant un épaississement du muscle cardiaque, et qui atteignent souvent d'autres organes (par exemple, maladie de Fabri). "On peut également avoir des surcharges en métaux, comme dans la maladie de l'hémochromatose : une surcharge chronique en fer va entraîner un épaississement des parois du cœur et une surcharge d'autres organes comme le foie". Il peut aussi y avoir des anomalies liées à des surcharges de dégradation de protéine comme dans l'amylose cardiaque.

La cardiomyopathie obstructive (CMO) : la mort subite redoutée

La cardiomyopathie obstructive (CMO) désigne une forme de cardiomyopathie hypertrophique avec une paroi si épaisse qu'il y a une gêne à l'éjection du sang lorsque le ventricule se contracte. Les symptômes sont multiples, de l'essoufflement à la syncope mais aussi l'arythmie et peuvent évoluer vers l'insuffisance cardiaque. "Il s'agit d'une cardiomyopathie hypertrophique particulière avec un obstacle à l'éjection. Cet obstacle va être la cause d'une baisse du débit cardiaque qui peut être tellement brutale à l'effort qu'elle peut provoquer une syncope voire une mort subite", explique la cardiologue. La mort subite est la complication la plus redoutée de cette maladie, survenant chez des patients à haut risque, surtout lorsque la maladie est méconnue ou non diagnostiquée, en particulier chez les sportifs. "La cardiomyopathie obstructive est exclusivement d'origine génétique", observe Joëlle Sissmann. Causée par la mutation d'un gène qui code pour le muscle cardiaque, elle se transmet de manière autosomique dominante : l'enfant peut être atteint si l'un des deux parents porte l'anomalie. "Il faut savoir qu'il existe tout un catalogue de maladies génétiques qui peuvent être la cause de cardiomyopathies", alerte la cardiologue. "Ainsi lorsqu'on constate une cardiomyopathie hypertrophique, obstructive ou dilatée sans cause évidente, il faut réaliser un génotypage de la personne atteinte, et une enquête familiale", poursuit-elle. "Le dépistage par le biais de l'identification de la mutation génétique qui a été responsable de la cardiomyopathie est nécessaire chez les ascendants et les descendants de la personne identifiée".

La cardiomyopathie de stress : non génétique

La cardiomyopathie de stress ou Tako Tsubo (syndrome du cœur brisé) tient son nom d'un vase japonais dont le cœur prendrait la forme au cours de la maladie. "Souvent liée au stress, on la retrouve chez des femmes un peu âgées", note Joëlle Sissmann. "Ces dernières ont les symptômes d'un infarctus, mais au cours de la coronarographie, les artères apparaissent en général normales". La cardiomyopathie de stress régresse comme elle est arrivée, avec récupération de la fonction cardiaque en quelques jours. Les causes de la cardiomyopathie de stress ne sont pas génétiques. "Il s'agit d'un terrain particulier sur lequel la maladie serait causée par un stress majeur, le stress libérant des hormones (les catecholamines) qui peuvent avoir une toxicité sur le cœur. Ce dernier est comme "sidéré", et simule alors un infarctus du myocarde", explique la cardiologue. 

Quelle est l'espérance de vie avec une cardiomyopathie ?

"Il est difficile de parler d'espérance de vie de façon générale, car elle dépend des causes et des possibilités thérapeutiques, déclare la cardiologue. L'âge auquel on pose le diagnostic, le pays dans lequel on vit, l'accès aux soins, et notamment à la greffe cardiaque…". Certaines formes sont traitées relativement longtemps grâce à des médicaments, une surveillance régulière et certaines restrictions (alimentaires, sportives, etc.), et dans d'autres cas, des accidents ne laissent aucune espérance de vie, comme la mort subite des sportifs. "Concernant les cardiomyopathies dilatées, il existe de plus en plus de traitements efficaces permettant de maintenir les patients avec des conditions de vie souvent plus que correctes, et parfois presque normales", précise-t-elle. "Lorsque le traitement est dépassé, il reste toujours l'option de la greffe cardiaque". 

Quels sont les symptômes des cardiomyopathies ? 

Les symptômes des cardiomyopathies sont assez univoques : 

  • Fatigabilité ; 
  • Essoufflement ; 
  • Douleurs ;
  • Plus rarement un malaise ;
  • Plus rarement dans les cardiomyopathies hypertrophiques obstructives, des syncopes, notamment à l'effort (on pense aux sportifs qui tombent brutalement dans les stades).

Quelles sont les complications d'une cardiomyopathie ?

"Dans toutes les cardiomyopathies, il peut exister des complications", ajoute la cardiologue. "En dehors de la baisse du débit cardiaque, des signes de congestion pulmonaire et d'insuffisance cardiaque qui constituent les signes d'évolution de la maladie, les principales complications sont des troubles du rythme cardiaque (arythmie) qui peuvent être graves en eux-mêmes ou aggraver les symptômes sous-jacents".

Comment diagnostiquer une cardiomyopathie ?

"Souvent, un malaise ou un essoufflement sont des symptômes qui alertent", observe Joëlle Sissmann. "La personne va très vite se rendre chez le cardiologue ; aujourd'hui ce dernier dispose d'un échographe qui va permettre la plupart du temps d'établir le diagnostic", poursuit-elle. "Il existe de nombreux autres moyens d'établir ou d'affiner le diagnostic, en particulier l'imagerie par IRM qui va permettre de caractériser beaucoup de formes". 

Comment se soigne une cardiomyopathie ?

Les traitements dépendent du type de cardiomyopathie.

► Traitements de la cardiopathie hypertrophique . "Pour certaines causes génétiques, notamment la maladie de Fabri, on a identifié l'anomalie responsable et développé des médicaments spécifiques pour traiter les symptômes", observe la cardiologue. Le traitement fait appel à des bétabloquants et parfois au Vérapamil si les bétabloquants sont mal tolérés ou inefficaces.

► Traitements de la cardiomyopathie de stress. "Le repos ainsi que des bêtabloquants (IEC ou ARA2) sont prescrits une fois que la coronarographie confirme l'absence de lésion coronaire", indique Joëlle Sissmann. "L'existence d'une atteinte coronaire toujours possible nécessite un traitement spécifique".

► Traitements de la cardiomyopathie dilatée"Il existe beaucoup de traitements, essentiellement pour traiter les symptômes", indique la cardiologue : diurétiques, inhibiteurs calciques, bêtabloquants, inhibiteurs de l'enzyme de conversion... Dans certains cas, la stimulation cardiaque (défibrillateur, pacemaker) ou la transplantation cardiaque sont envisagées.

► Traitements de la cardiomyopathie obstructive. "Par le biais d'un traitement médicamenteux, on va essayer de soulager l'obstruction. Dans des formes évoluées, on peut essayer d'induire une résection du bourrelet qui est responsable de l'obstruction, soit chirurgicalement, soit en induisant un infarctus a minima, pour détruire le tissu en excès", conclut Joëlle Sissmann. 

Merci au Dr Joëlle Sissmann, cardiologue.