Comment la chanteuse Rose s'est relevée de son cancer du sein

La chanteuse Rose a eu un cancer du sein et le raconte dans son livre "Les Montagnes Roses" pour aider d'autres femmes à tenir bon. Moral en dents de scie, douleurs, effets secondaires de l'hormonothérapie, plongée dans l'alcool... Interview exclusive pour Le Journal des Femmes.

Comment la chanteuse Rose s'est relevée de son cancer du sein
© La chanteuse Rose / Pixeline Photographie

Dans un livre poignant, "Les Montagnes Roses", la chanteuse Rose se livre sans fard sur son cancer du sein, découvert en avril 2021. Avec une plume "cash" et sans chichi, l'artiste raconte ce parcours du combattant, le moral en dents de scie, les douleurs auxquelles on ne s'attend pas... Texte documentaire précieux pour toutes celles qui traversent l'épreuve de la maladie. Rose veut aussi alerter sur les effets secondaires de l'hormonothérapie, un traitement souvent efficace mais dont les effets délétères peuvent être dévastateurs. Interview exclusive pour le Journal des Femmes.

Le Journal des Femmes : Quand le cancer du sein a-t-il fait irruption dans votre vie ?

Rose : C'était pendant les vacances de Pâques. En avril 2021. J'ai réalisé que j'avais deux boules sur le côté gauche du sein gauche. J'étais dans le déni, je savais qu'elles étaient là mais jusqu'à ce moment-là, je ne m'étais pas inquiétée. Et soudainement, ces boules étaient plus visibles, plus grosses. Je les montre à ma mère et je comprends que c'est inquiétant. Je suis rentrée à Paris subir tous les examens et le verdict est tombé le 26 avril.

Le Journal des Femmes : Vous rentrez dans le parcours de soins et tout s'enchaîne...

Rose : Le diagnostic est tombé alors que j'étais avec ma famille. Je ne savais pas par où commencer et c'est ma petite sœur, beaucoup plus pragmatique que moi, qui a appelé l'institut Curie pour tout organiser. Cela commence par un prélèvement des nodules. A partir de là, les examens s'enchaînent. Il faut les affronter étape par étape sans penser à la suite. Je ne pensais pas au pire, j'étais dans le moment présent, je me concentrais sur les examens. On m'a ensuite programmé une mastectomie totale, du fait du positionnement des tumeurs. On m'avait également expliqué, après la cytoponction, que c'était un cancer qui évoluait lentement et qu'il était possible que cela s'arrête après la mastectomie et avec une hormonothérapie durant 5 ans. Point.

"On dispose de peu d'informations, on vit cancer, on mange cancer, on dort cancer"

Le Journal des Femmes : Comment vous sentez-vous à ce moment là ?

Rose : L'attente de l'opération est assez terrible. On dispose de peu d'informations, on vit cancer, on mange cancer, on dort cancer. Le mal est en nous et il n'y a qu'à attendre qu'on nous le retire. J'avais cette sensation d'avoir le mal en moi et je ne pouvais absolument plus rien faire d'autre que d'attendre. On n'a aucun symptôme et pourtant on sent que le cancer est là. C'est très étrange. Le 27 mai, la tumeur a été retirée. La reconstruction a eu lieu en même temps et je me suis réveillée avec mes deux seins. Là, nouvelle attente d'un mois des résultats d'analyses du ganglion sentinelle prélevé. Le corps médical m'avait parlé pour mon cas du stade 1, sans ganglion touché. C'est donc ce que j'avais en tête. Mais la maladie était finalement un peu plus avancée. Le 27 juin, on m'explique que mon ganglion est positif et que je dois voir un oncologue rapidement. Selon les pourcentages, l'algorithme, les probabilités, je me retrouve dans la case chimio, mais juste à la limite. Je vois l'oncologue, il me présente le programme, la première séance est programmée le 5 juillet. Je pleure toutes les larmes de mon corps, je n'avais pas été préparée à tout ça.

Le Journal des Femmes : L'annonce de de la chimio a été plus difficile à encaisser que celle du cancer ?

Rose : Oui ! J'étais beaucoup plus choquée et bouleversée que lorsque j'ai appris que j'avais un cancer. Je suis effrayée par les effets secondaires de la chimiothérapie qui m'attendent. J'étais prête à donner mon accord mais par un concours de circonstances, me voici à prendre rendez-vous dans une clinique avec d'autres oncologues, dont le Dr Toledano qui a une excellente réputation, qui m'exposent mes choix. S'ils me laissaient le choix, je me dis que c'est parce que je l'ai vraiment, même si je rentrais de justesse dans la case chimio selon les recommandations. Je décide alors de ne pas subir de chimio. Je mise sur la radiothérapie et l'hormonothérapie.

"On n'a finalement pas le droit de se plaindre si on a ses cheveux, si le cancer n'est pas grave et si on n'a pas de métastase"

Le Journal des Femmes : Comment se déroule la radiothérapie ?

Rose : J'ai passé mon été, 5 jours sur 7, à suivre ma radiothérapie. Ces rayons détruisent les cellules cancéreuses, mais aussi les cellules non-cancéreuses que le corps pendant deux mois, ne cesse de reconstruire. C'est la raison pour laquelle on est totalement épuisé. Au bout de quelques semaines, la peau est vraiment très abîmée, mais la radiothérapie est facilement supportable.

 

Le Journal des Femmes : L'hormonothérapie... Cela a été une épreuve particulièrement éprouvante. On ne vous avait pas prévenu des effets secondaires ?

Rose : Je ne sais pas si on ne m'avait pas prévenu ou si je n'ai pas voulu entendre. Déjà, c'est un cumul. Il y a les douleurs pendant des mois au niveau du sein, des douleurs intercostales, des douleurs résiduelles dues à la chirurgie et la radiothérapie. Puis, avec l'hormonothérapie, ce sont les symptômes de la ménopause qui s'installent. Douleurs articulaires, bouffées de chaleur. Et dans mon cas, une baisse phénoménale, monumentale, du morale, de l'humeur, de la libido. De la mélancolie, je suis ensuite passée à une anhédonie qui ne me lâchait plus. Tout le monde me répète alors que c'est le contre-coup. On n'a finalement pas le droit de se plaindre si on a ses cheveux, si le cancer n'est pas grave et si on n'a pas de métastase. Et on ne peut pas décemment dire à des gens qui nous ont sauvé la vie, qu'on a envie de mourir.

Le Journal des Femmes : Ce mal-être profond n'a pas été suffisamment considéré par le corps médical selon vous ?

Rose : Disons que j'avais l'impression qu'on ne me prenait pas au sérieux. J'ai un lourd passif d'addict derrière moi et la maladie, la dépression, la fatigue, m'ont fait retomber dedans. Plus rien n'allait et j'ai retrouvé du bonheur en buvant de l'alcool alors que j'avais arrêté depuis trois ans. Je trouve tout de même que cet aspect-là n'a pas bien été évalué me concernant. On ne me donnait aucune solution et la solution je l'ai trouvée le 12 septembre. Je me suis infligée une hospitalisation d'urgence en avalant des cachets. Pas assez pour que ce soit plus grave, mais suffisamment pour rester trois semaines à Sainte-Anne.

"Je n'avais pas envie de mourir, mais je n'avais plus envie de vivre non plus. Je ne supportais plus ma vie."

Le Journal des Femmes : Vous avez fait une tentative de suicide ?

Rose : Je ne l'appelle pas comme ça, mais les autres oui. Je n'avais pas envie de mourir, mais je n'avais plus envie de vivre non plus. Je ne supportais plus ma vie. Et je ne voyais pas le bout : 5 ans hormonothérapie, tout en étant retombée dans l'alcool, c'était beaucoup trop. Je n'avais plus envie de boire mais je n'arrivais pas à arrêter. Je n'avais pas envie de mourir, mais je n'arrivais plus à vivre. J'avais besoin qu'on me prenne en charge. Peut-être que je n'ai pas supporté que les gens ne s'inquiètent pas et j'ai fait en sorte qu'on s'inquiète.

Le Journal des Femmes : La situation a-t-elle évolué à partir de là ?

Rose : Mon oncologue a été prévenu et il a pris la mesure de la situation. C'était aussi lui que je voulais alerter. Ça a été long, mais j'ai commencé à aller mieux, parce que je ne buvais plus et parce que ma souffrance était reconnue. Je m'étais fait peur avec cet épisode à Sainte-Anne. J'avais peur de ne pas me rater si je recommençais. Je pensais à mes parents, ma famille, mon fils, mon mec et ça a été mon boulot, il fallait que j'aille mieux. Cela m'a semblé une éternité avant que je relève la tête. On a mis des mois à trouver le bon médicament et en janvier, un matin, je me suis réveillée et plus rien ne pesait sur moi.

Le Journal des Femmes : Vous avez poursuivi votre hormonothérapie ?

Rose : Oui, cela ne m'a jamais traversé l'esprit d'arrêter. Me dire que je vis en sécrétant des hormones qui nourrissent mon cancer, ce n'est pas possible. Les antidépresseurs ont permis de contrer les effets du traitement. A partir de là, je suis rentrée dans le cercle vertueux, j'ai pu tout mettre en place pour aller mieux. Sobriété, sport, yoga et ce journal. J'ai compris que tout ce que j'avais écrit comptait et que non, je n'avais pas rien fait. Cela m'a permis de me revaloriser, de retrouver de l'estime pour moi et de trouver la force de contrer les effets délétères de l'hormonothérapie. Mais de nombreuses femmes arrêtent le traitement à cause de ces effets secondaires.

Le Journal des Femmes : Que voulez-vous dire à ces femmes ?

Rose : Je veux leur dire qu'il y a des solutions et que surtout, ça passe. Cet état horrible dans lequel on se retrouve, il passe. C'est une dépression ni plus ni moins. On pense que la situation est définitive et c'est normal qu'on n'ait plus envie de vivre ou qu'on choisisse d'arrêter le traitement. Pour moi, les antidépresseurs sont une obligation pour être capable de supporter l'hormothérapie. Les antidépresseurs m'ont sauvée ! 

Le Journal des Femmes : Ecrire ce journal vous a-t-il aussi permis d'aller mieux ?

Rose : Oui, cela a été thérapeutique car identifier ses émotions, c'est déjà aller mieux. Cela m'a permis d'accepter la maladie et de m'en libérer parfois. Mais je voulais aussi que ce livre soit thérapeutique pour d'autres femmes. Je me suis beaucoup inspirée du programme des alcooliques anonymes : ce sont des alcooliques qui aident d'autres alcooliques. Le témoignage et la transmission d'un message par quelqu'un qui a traversé les mêmes épreuves, c'est le meilleur traitement.

Le Journal des Femmes : Comment allez-vous aujourd'hui ?

Rose : Mes derniers examens sont bons. Je vis un jour à la fois.

Merci à Rose, auteure du livre Les montagnes roses, Eyrolles, 25 août 2022