Luminothérapie : bienfaits, dangers, lampe ou lunettes ?

Pour mieux dormir, lutter contre la dépression saisonnière... La luminothérapie a plusieurs bienfaits santé mais "faite à des horaires inadaptés, elle peut aggraver les symptômes au lieu de les améliorer" prévient notre neurologue.

Luminothérapie : bienfaits, dangers, lampe ou lunettes ?
© Adobestock

Troubles du sommeil, dépression saisonnière... La luminothérapie est un traitement par la lumière qui consiste à exposer les yeux à une source lumineuse artificielle dépourvue d'infrarouges (IR) et d'ultraviolets (UV) à l'aide de lampes ou de lunettes. "La lumière a des effets directs sur un grand nombre de paramètre physiologiques et comportementaux, comme la fréquence cardiaque, l'humeur et l'attention. Elle a des effets bénéfiques sur la cognition, sur la mémoire de travail" rappelle d'emblée le Pr Patrice Bourgin, neurologue et responsable du centre des troubles du sommeil au CHU de Strasbourg et d'une équipe de recherche CNRS à l'Institut des Neurosciences à Strasbourg. Mais attention à ne pas s'exposer n'importe comment si on veut faire de la luminothérapie, au risque sinon de dérégler l'organisme.

Quels sont ses bienfaits de la luminothérapie pour la santé ? 

Les indications médicales les plus établies de la luminothérapie sont la dépression, les troubles du rythme circadien, l'insomnie, les maladies neuro-dégénératives comme Alzheimer et Parkinson" informe le Pr Bourgin.

Quels effets sur la dépression ?  "Notre équipe a publié une étude concluant que la luminothérapie était aussi efficace que les anti-dépresseurs de référence et que l'association de la luminothérapie et des anti-dépresseurs était plus efficace que les anti-dépresseurs seuls ou la luminothérapie seule" nous apprend le neurologue. Qui plus est, "la luminothérapie n'a pas les effets secondaires des anti-dépresseurs". Elle semble particulièrement indiquée dans les dépressions avec retard de phase (personnes qui se couchent très tard et se lèvent très tard).

En cas de cancer ? Les bénéfices de la luminothérapie dans le cadre du cancer ne sont pas encore validés par des preuves scientifiques. Il existe des recherches sur l'intérêt de la luminothérapie dans la gestion de la fatigue persistante chez les personnes ayant été traitées par un cancer et sur la gestion des symptômes dépressifs dans le cadre de cancers. La photothérapie dynamique (PDT), elle, est proposée en traitement de certains cancers (notamment des cancers superficiels de la peau). Elle entraîne la formation de radicaux libres permettant la destruction des lésions.

Contre l'acné ? La photothérapie dynamique et l'exposition à la lumière bleue pourraient constituer des traitements pour les acnés réfractaires au traitement mais il n'a pas été validé médicalement.

Contre le psoriasis ? Deux types de photothérapie sont utilisés dans la prise en charge du psoriasis sévère : la photothérapie UVB et la PUVAthérapie. La photothérapie U.V.B est un traitement consistant en l'irradiation du corps par des rayons ultraviolets B (UVB) sans prise de médicament photosensibilisant. La PUVAthérapie, elle, est un traitement qui consiste en l'irradiation du corps par des rayons ultraviolets A (UVA) après la prise d'un médicament photosensibilisant. C'est l'effet anti-prolifératif et l'effet immunomodulateur de l'exposition aux UV qui explique les effets bénéfiques sur le psoriasis. 

► Pour un meilleur sommeil : "La lumière a des effets indirects sur notre horloge biologique et sur la régulation des rythmes veille/sommeil. Elle agit la nuit en supprimant la production de mélatonine ce qui permet de synchroniser notre rythme veille-sommeil et nos rythmes biologiques". La luminothérapie peut ainsi régler des difficultés à bien dormir : "Une méta-analyse a permis de voir un effet bénéfique de la luminothérapie sur l'insomnie, qui dépend de l'intensité de la lumière et du mode d'administration" analyse-t-il.

Contre les douleurs articulaires ? Les effets de la luminothérapie sur les douleurs articulaires sont en cours d'évaluation.

En cas de maladie de Parkinson ou d'Alzheimer ? "La luminothérapie a fait la preuve de son efficacité dans le soulagement des troubles non-moteurs de la maladie de Parkinson et des symptômes de la maladie d'Alzheimer" indique le Pr Bourgin.

Lampes ou lunettes ?

La luminothérapie se fait avec des lampes validées de luminothérapie à domicile. Le format de ces lampes est souvent compris entre 20 et 40 cm, elles se posent sur une table ou s'accrochent au mur et diffusent une lumière blanche. Un schéma de traitement standard est de s'exposer quotidiennement à 10 000 Lux pendant 30 minutes ou 5000 lux pendant une heure. On s'installe devant, à 30-40 cm des yeux, on peut lire, travailler... en évitant d'être dans le noir. Ces lampes ne sont pas tout à fait similaires à la lumière du jour puisque les lumières sont fluorescentes ou à LED. Plusieurs types de lampes sont en vente dans le commerce "toutefois aucun matériel n'a de dossier de validation prouvant son efficacité dans le traitement des troubles circardiens du sommeil" soulignait la Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil (SFRMS)en 2020.  "Il existe aussi des lunettes de luminothérapie qui ont l'avantage de pouvoir être utilisées en ambulatoire dans la vie au quotidien" indique le Pr Bourgin. Mais "il existe peu d'études scientifiques à leur sujet et leur innocuité rétinienne est à évaluer" explique la SFRMS. Dans tous les cas, pour le médecin "il vaut mieux un encadrement médical pour faire de la luminothérapie. Celle-ci doit se faire à horaires précis dépendant de l'indication : par exemple si on utilise la luminothérapie tôt le matin on avance le rythme circadien, si elle est utilisée le soir elle retarde le rythme circadien". Aussi, mieux vaut passer par des centres de sommeil ou par des psychiatres qui s'intéressent à la luminothérapie. "En cas de troubles extrêmes du rythme circadien, un expert doit calculer les horaires adéquats d'exposition" indique le spécialiste.

Quels sont les dangers de la luminothérapie ?

La luminothérapie ne présente pas ou peu de danger, elle sera évitée en cas d'atteinte rétinienne importante. En revanche, il peut y avoir quelques effets secondaires, liés surtout à un mode d'administration inadapté. "La luminothérapie faite à des horaires inadaptés peut aggraver les symptômes au lieu de les améliorer" prévient le Pr Bourgin.

"La luminothérapie faite à des horaires inadaptés peut aggraver les symptômes au lieu de les améliorer"

Par exemple, dans les troubles du sommeil, si la luminothérapie est effectuée trop tard le soir, elle peut entraîner une insomnie, une hyperactivité, faite le matin trop tôt elle peut occasionner un réveil précoce, pas de ré-endormissement). La luminothérapie peut s'accompagner les premiers jours de nausées, céphalées, irritabilité. Si ces effets persistent plus de quelques jours la dose de luminothérapie doit être diminuée. Enfin, "Il faut savoir que c'est un traitement vraiment actif dans la dépression, comme les anti-dépresseurs. Aussi, il existe un risque, certes rare, d'accès maniaque chez une personne souffrant de troubles bipolaires" informe le neurologue.

Quelles sont les contre-indications de la luminothérapie ?    

Il y a peu de contre-indications à la luminothérapie. La rétinopathie sévère en est une. "Lorsque la rétine est abimée, il est recommandé de ne pas trop s'exposer à la lumière" explique le Pr Bourgin. Il est recommandé aux personnes ayant une cataracte, une DMLA, un glaucome de prendre l'avis de l'ophtalmologiste avant de faire des séances de luminothérapie.

Merci au Pr Patrice Bourgin, neurologue et responsable médical du centre des troubles du sommeil et du centre international de recherche en ChronoSomnologie (CIRCSom) au CHU de Strasbourg ainsi que d'une équipe CNRS à l'Institut des Neurosciences de Strasbourg (INCI équipe 9 de l'UPR 3212).)