Don d'organes : inscription, loi, refus, qui peut donner ?

Plus de 66 000 Français vivent grâce à un organe greffé. Depuis 1976, la loi française prévoit que nous sommes tous des donneurs d'organes à notre mort, sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus de donner. Parcours.

Don d'organes : inscription, loi, refus, qui peut donner ?
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En France, plus de 66 000 personnes vivent grâce à un organe greffé. En 2021, 5 276 greffes ont été  réalisées en France soit une augmentation de 19,3% par rapport à l'année précédente, souligne l'Agence de Biomédecine. Nous sommes tous donneurs présumés d'organes et de tissus, sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus de donner (soit en informant ses proches, soit en s'inscrivant sur le registre national des refus). Le don d'organe peut se faire avant ou après la mort mais il est alors différent. Avant la mort "ce don ne peut se faire que pour des organes, qui, une fois prélevés, ne mettent pas en jeu le pronostic vital : c'est essentiellement un rein car on en a deux. Après la mort, on peut donner tous les organes et tissus" informe le docteur Averland. Quels organes précisément peuvent être prélevés après la mort ? Dans quelles circonstances ? Mort cérébrale ? Sous combien de temps ? Qui peut donner ? Les contre-indications ? 

Que dit la loi française sur le don d'organes ?

Affiche don d'organe 2022
Affiche de la Journée nationale sur le don d'organes du 22 juin 2022 © Agence de Biomédecine

Depuis 1976, la loi française prévoit que nous sommes tous des donneurs d'organes à notre mort, sauf si nous avons exprimé de notre vivant notre refus de donner (soit en s'inscrivant sur le registre national des refus, soit en informant ses proches). Il est possible de ne donner que certains organes et tissus. Pour ce faire, il faut préciser sur le registre national des refus ou indiquer à ses proches les organes et les tissus qui ne doivent pas être prélevés. Le consentement présumé est ainsi en vigueur. "En l'absence de choix exprimé, on demande aux proches de témoigner des dernières volontés du défunt, c'est pour cela qu'il faut informer vos proches de vos volontés de votre vivant."  Une personne qui s'est inscrite sur le registre du refus peut à tout moment revenir sur sa décision et modifier sa volonté. Enfin, la loi interdit une rémunération en échange d'un don d'organes ou de tissus et elle impose l'anonymat du donneur et du receveur.

Conditions : qui peut donner ses organes ?

Si tout le monde peut donner ses organes après la mort, "99% des décès ne sont pas éligibles au don d'organe", explique le médecin. La personne doit en fait être en état de mort encéphalique or l'état de mort encéphalique survient dans 1% des décès selon l'expert. "Les personnes concernées meurent suite à un événement qui affecte le cerveau sans toucher les autres organes." C'est le cas par exemple en cas d'AVC, de traumatismes qui touchent la tête lors d'accidents ou de chutes (vélo, moto, escalier...). "Du côté de l'agence de la biomédecine, il y a une procédure rigoureuse et complexe. On doit s'assurer que la mort encéphalique a été diagnostiquée comme c'est indiqué dans la réglementation. On doit interroger le Registre National des Refus et en toute fin, on doit attribuer les greffons à des receveurs" informe le Dr Averland.

Le don d'organes après la mort se fait ainsi sous deux conditions : 
⇒ Il faut que la personne soit dans un état de mort encéphalique.
⇒ Il faut qu'elle ne soit pas inscrite au Registre National des Refus. .

Combien de temps après la mort se fait le don d'organes ?

Il doit être réalisé très rapidement, maximum 24 heures après la mort. Certains organes doivent être prélevés encore plus rapidement. "Il faut aller vite, c'est une course contre la montre" indique notre interlocuteur. 

Pourquoi faut-il être en état de mort cérébrale ?

Le don d'organes après la mort peut être réalisé sur très peu de gens (1% de l'ensemble des décès environ) car il ne s'applique qu'aux personnes en état de mort cérébrale (ou "encéphalique"). "C'est un processus de mort où le cerveau est détruit avant que le cœur ne s'arrête (les autres organes en dehors du cerveau fonctionnent encore grâce aux techniques de réanimation). On sait que si le cerveau est détruit, il n'y a pas de retour en arrière possible : plus d'ouverture des yeux, de dialogue, plus de vie de relation" détaille le Dr Averland. Cet état est très compliqué à concevoir pour les familles pour plusieurs raisons selon le médecin : "Dans nos civilisations, la mort présente, dans l'imaginaire collectif, des caractéristiques précises, le corps est froid, blanc et immobile. Or la mort encéphalique est particulière car elle a un aspect assez proche de la vie : chaud, rose et le cœur bouge. sur les appareils de réanimation." "Quand le patient est en mort cérébrale, on doit en faire le diagnostic systématiquement en respectant la loi qui l'encadre, précise le docteur. Si cette mort est avérée on arrive pendant quelques heures, maximum 24 heures, à maintenir les fonctions vitales le temps d'organiser le prélèvement d'organes." Passé ce délai, les fonctions vitales se dégradent et il y a des défaillances, les organes ne sont plus prélevables. 

Comment s'inscrire sur le Registre du refus du don d'organes ?

Il n'y a pas de registre du "oui" au don d'organes en France. En revanche, il y a un registre du "non". Si on ne souhaite pas donner ses organes après sa mort, il est possible de s'inscrire sur le Registre national des refus. En sachant qu'une personne inscrite sur ce registre peut à tout moment revenir sur sa décision et modifier sa volonté. Au moment du décès, avant d'envisager un prélèvement d'organes et de tissus, les équipes médicales vérifieront systématiquement si la personne décédée a fait valoir de son vivant une opposition au prélèvement de ses organes et tissus. Elle consultera le registre national des refus pour savoir si le défunt y est inscrit. L'inscription sur le registre peut se faire en ligne ou par courrier. Il faut être muni de sa pièce d'identité. On peut s'opposer au prélèvement de tout ou partie de son corps après sa mort :

  • pour une greffe d'organes et/ou de tissus (thérapeutique)
  • pour la recherche scientifique (différent du don du corps à la science) 
  • pour rechercher la cause du décès : autopsie médicale (excepté les autopsies judiciaires auxquelles nul ne peut se soustraire)

Y a-t-il un âge limite pour donner ses organes ?

"Il n'y a pas d'âge limite au sens de l'état civil. On peut prélever des gens très âgés, on a déjà prélevé des donneurs au-delà de 90 ans. On a besoin d'organes issus de donneurs plus âgés car la population vieillit bien en bonne santé et on peut se retrouver en attente d'une première greffe au-delà de 60 ans." S'il n'y a pas de limite d'âge, "il y a une limite au niveau du fonctionnement de l'organe et de son état physiologique, qui doit être parfait."

La carte de donneur est-elle obligatoire ?

En France, il n'existe aucune carte de donneur ayant une valeur légale. Si une personne souhaite faire connaître son opposition au don d'organes et de tissus après sa mort, le principal moyen est de s'inscrire sur le registre national des refus, ou de faire connaître son opposition à ses proches. Au moment du décès, ceux-ci devront en attester auprès de l'équipe médicale.

Il y a trois possibilités pour faire état de sa volonté : 

  • Le dire autour de soi. "C'est la première des choses à faire" précise l'expert.
  • Avoir sur soi un écrit qui dit que vous êtes d'accord pour donner vos organes.
  • Avoir sur soi une carte de donneur.

Le registre est systématiquement interrogé en cas de mort encéphalique. 

Quels organes peut-on donner après la mort ?

"On peut donner les poumons, les reins, le pancréas, le foie, le cœur, commence l'expert. On réalise environ plus de 2000 greffes de reins par an en France, environ 1000 greffes du foie, quelques centaines de greffes de poumons et de cœurs et moins de 100 greffes de pancréas." 

Concernant les tissus, les dons les plus fréquents sont : 

  • Celui de la cornée.
  • Les os. "Comme les osselets de l'ouïe pour traiter les personnes sourdes."
  • Les vaisseaux sanguins.
  • Les appareils ligamentaires : "Des ensembles de ligaments et de tendons que l'on peut utiliser en chirurgie orthopédique par exemple."
  • Les valves cardiaques.
  • L'épiderme. "La couche la plus superficielle de la peau est utilisée pour les grands brûlés. On prélève en général des zones de peaux comme dans le dos ou l'arrière des cuisses" précise le docteur.

Combien de temps s'écoule entre le prélèvement de l'organe et la greffe sur un autre corps ?

"Les tissus peuvent se conserver dans les banques spécifiques", explique le Dr Averland. Ce n'est pas le cas pour les organes : "Ils ne conservent leur fonction que le temps qu'ils supportent de ne pas être oxygénés correctement." Comment sont-ils conservés entre le prélèvement à la greffe ? "On les plonge en hypothermie profonde, on les refroidit à 4 degrés, on les met dans des conteneurs spécifiques et on les transporte." La course contre la montre commence car tous les organes peuvent être greffés pendant plus ou moins longtemps après le prélèvement. Le docteur Averland précise que :

  • Le cœur doit être greffé dans les 4 heures. "C'est le laps de temps maximum que le cœur peut  garder ses fonctions entre le moment où il est privé de sang du donneur et le moment où il est de nouveau perfusé chez le receveur."
  • Les poumons avant 6 à 8 heures.
  • Le foie : sous les 8 à 10 heures suivant le prélèvement.
  • Le rein, lui, peut tenir 18 heures, "voire plus. Mais plus on allonge ce délais, moins on a de chance que la greffe soit un succès dans la durée."

En effet, la greffe ne réussit pas dans tous les cas : "C'est très variable. Il y a des donneurs qu'on n'arrive pas à prélever, des receveurs qu'on n'arrive pas à greffer car ce n'est pas le bon moment, ou toutes autres raisons." Une fois la greffe terminée, le patient devra prendre un traitement qui empêche le rejet de l'organe par le corps. "Si la personne est régulière avec ses médicaments anti-rejet, elle peut bénéficier de sa greffe au-delà de 10 ans, voire davantage dans certains cas, explique le Dr Averland. Certaines femmes greffées ont même réussi à être enceinte !"

Comment sont choisis les donneurs et les greffés ?

"Il y a environ 16 000 personnes actives susceptibles de recevoir un greffe au moment où l'on parle (janvier 2021, ndlr). Dans les meilleures années, on arrive à réaliser 7000 greffes." Tout le monde peut donner ses organes après sa mort, à n'importe quel âge. "L'agence de biomédecine essaye d'apparier un organe et une personne en fonction de plusieurs critères" explique le médecin. "On est dans le cadre d'une offre de soin dans laquelle il faut partager la ressource, que sont les organes, entre tout le monde." "Ce choix se fait en fonction de règles de répartition connues de tous, commence le médecin. C'est un équilibre très complet entre plusieurs facteurs" : 

  • L'âge n'est pas un critère : "On ne préfère pas greffer une personne jeune plutôt qu'une personne plus âgée." Mais il sert néanmoins dans le choix du receveur : "Un organe de 20 ans peut être greffé sur une personne de 60 ans, mais on va privilégier une personne du même âge car elle en fera usage plus longtemps." Le médecin précise aussi : "Les organes prélevés sur les moins de 18 ans vont uniquement à des enfants. En-dessous de 30 ans, ça va d'abord à un enfant puis à un adulte s'il n'y a pas d'enfant."
  • Selon l'urgence de la situation. 
  • Selon la durée de l'attente.
  • Selon la situation géographique. 

Que devient le corps après un don d'organe ?

"Le prélèvement est une intervention chirurgicale réalisée dans un bloc opératoire. Le corps du donneur est ensuite restauré, on referme soigneusement tout comme pour une autre intervention chirurgicale, commence le médecin. Puis on rend le corps à la famille pour qu'elle puisse réaliser les rites et tout ce qu'elle souhaite." Les frais liés à la restauration du corps sont pris en charge par l'établissement qui s'est occupé du prélèvement. En revanche, les soins relatifs aux funérailles et à la conservation du corps restent à la charge de la famille.

Quelles sont les contre-indications au don d'organes ?

Tout le monde ne peut pas être éligible au don d'organes après la mort. Les contre-indications sont les suivantes : 

  • La personne n'est pas en cas de mort encéphalique. "Le don ne peut se faire que si le patient est dans cet état de mort encéphalique : c'est-à-dire que son cerveau est mort mais que ses autres organes continuent de fonctionner" explique le Dr Averland.
  • La personne est inscrite sur le Registre National des Refus. 
  • La personne a fait connaitre son souhait de ne pas donner ses organes après sa mort à ses proches. 

Merci au Dr Benoît Averland, médecin à l'Agence de la Biomedecine, établissement Public qui gère notamment les greffes en France. Propos recueillis en janvier 2021.

Source : Don d'organes et de tissus : une mobilisation plus que jamais nécessaire 22ème Journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe et de reconnaissance aux donneurs, le 22 juin 2022