Tatouage : pourquoi on n'arrive jamais à s'arrêter à 1 ?

En France, 1 adulte sur 5 est tatoué.

Tatouage : pourquoi on n'arrive jamais à s'arrêter à 1 ?
© Artem Markin - stock.adobe.com

Autrefois associé à des sous-cultures spécifiques comme les marins, les motards et les criminels, le tatouage est devenu beaucoup plus accepté et courant dans la société contemporaine. "Aujourd'hui, en France, où le tatouage est légal à partir de 16 ans, 20% de la population adulte est tatouée", reconnait le Docteur Nicolas Kluger, dermatologue à Paris, responsable de la Consultation médicale dédiée aux tatouages à l'Hôpital Bichat et auteur du livre "Mon tatouage et moi" (Ed. Vuibert). Si le phénomène était très masculin avant, il est devenu majoritairement féminin depuis une dizaine d'années. "Le tatouage s'est totalement démocratisé notamment parce que les techniques se sont développées et nous permettent de proposer tout style artistique : chacun y trouve son compte !", précise Yvaine Huang, tatoueuse à Paris. Selon le Dr Kluger, on distingue plusieurs profils :

► Ceux qui ne se tatouent pas du tout,

► Ceux qui se tatouent "comme ça", avec un petit tatouage discret pour un effet mode/bijou,

► Ceux qui se tatouent pour cacher un défaut physique (comme une cicatrice),

► Et ceux qui se tatouent souvent. "Ce sont des personnes qui pensent déjà au prochain tatouage alors qu'ils sont en train d'en finir un !" Leur optique est différente. "Ce sont souvent des personnes qui ont des motivations profondes conscientes ou non avec une altération de leur image corporelle. Ils pensent, parfois inconsciemment, que le tatouage va améliorer leur apparence globale (recherche de correction de quelque chose)."

Les raisons d'un tatouage : "Les premiers sont généralement réfléchis. Les derniers plus au hasard"

Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles on peut se faire tatouer. "C'est souvent un besoin de matérialiser un moment de vie marquant (positif ou négatif) afin de ne pas l'oublier ou au contraire de passer à autre chose", constate Yvaine Huang. Parmi les principales raisons, on peut citer : 

► La beauté du tatouage : "Pour certains, le simple désir d'embellir leur corps ou d'ajouter une dimension esthétique est suffisant pour se faire tatouer, reprend le médecin. Ils apprécient l'apparence des tatouages et l'effet visuel qu'ils créent."

► L'expression de valeurs personnelles (prénom, rupture…)

► L'appartenance à un groupe : "Certains se font tatouer pour montrer leur appartenance à un groupe ou une communauté, que ce soit une culture, une sous-culture, une fraternité, ou une organisation."

► Une distinction par rapport aux autres. "Aujourd'hui, c'est surtout la zone tatouée qui peut faire la différence (main, cou…)"

► Un acte de se dépasser vis-à-vis de la douleur notamment

► Une résistance/opposition à la société

► Par addiction/dépendance

► Par impulsion

"Chaque tatouage est unique et les raisons derrière chaque décision sont souvent un mélange complexe de ces facteurs. Les premiers sont généralement réfléchis. Les derniers plus au hasard", note le Dr Kluger.

Le tatouage peut avoir un effet euphorisant

Le tatouage peut avoir un effet euphorisant. "Généralement, on se sent mieux après", souligne le Dr Kluger. Mais cet effet est transitoire et on peut chercher à le revivre. Le processus de se faire tatouer libère des endorphines, qui sont des hormones de bien-être. "Pour certains, cette sensation (qu'elle soit douloureuse, ou peu) peut devenir addictive, les poussant à vouloir revivre cette expérience", complète la tatoueuse. "Selon les techniques et selon l'artiste, la douleur peut être agréable voir addictive. Les client(e)s sont sensibles à l'art et se rapprochent du collectionneur avec le temps." Nous avons 2m² de peau au total et cette surface se couvre finalement très rapidement. "Quand on est tatoué partout on peut soir tatouer par-dessus soit détatouer au laser, mais ça a un cout et cela prend du temps", reconnait le médecin. "Parfois, les gens obtiennent de nouveaux tatouages pour couvrir ou améliorer des tatouages existants dont ils ne sont plus satisfaits." Cela peut entraîner une augmentation du nombre total de tatouages.

Gérer cette "addiction"

Lorsque les tatouages deviennent trop proches, il est important de réfléchir aux motivations. "Prenez le temps de réfléchir aux vraies raisons derrière le besoin de nouveaux tatouages, conseille le médecin. Est-ce une recherche de satisfaction esthétique, une façon de gérer le stress, une manière de marquer des événements émotionnels ?" On peut aussi fixer des limites claires sur le nombre de tatouages ou le budget consacré à cette activité. "Le tatoueur peut aussi avoir un rôle "psychologique" et dire à la personne de "faire attention" s'il revient trop souvent ou si cela devient une "addiction"." Enfin, consulter un thérapeute ou un conseiller peut aider à explorer les motivations sous-jacentes et à trouver des moyens sains de gérer les émotions. "Mon objectif est de créer un endroit le plus cosy et safe pour nos séances, avec de la musique douce et beaucoup d'attention et de temps donné à chaque personne", assure Yvaine.

Qui peut être tatoueur en France ?

L'étape essentielle pour devenir tatoueur en France est de suivre une formation spécifique en hygiène et salubrité. Cette formation est obligatoire et vise à garantir que le tatoueur maîtrise les règles de base pour éviter les risques d'infection et de contamination. La formation est dispensée par des organismes agréés. Une fois la formation en hygiène et salubrité terminée, le tatoueur doit déclarer son activité auprès de l'Agence Régionale de Santé (ARS) de sa région. Cette déclaration permet de s'assurer que le tatoueur respecte les normes de santé publique. "Bien que la loi française n'impose pas de diplôme artistique spécifique pour devenir tatoueur, il est fortement recommandé d'avoir une solide formation en dessin et en art", conclut le médecin. "De nombreux tatoueurs peuvent avoir une formation dans le cursus artistique, puis en travaillant comme apprentis dans un salon de tatouage sous la supervision d'un tatoueur expérimenté."