Crise de paranoïa : les signes qui ne trompent pas

Crise de paranoïa : les signes qui ne trompent pas

La paranoïa (ou psychose paranoïaque) est une maladie basée sur des délires de persécution qui peuvent handicaper le malade et son entourage.

Quand on parle de "paranoïa" il faut distinguer deux choses : la psychose paranoïaque qui est une maladie et la personnalité paranoïaque qui est un trait de caractère.

La psychose paranoïaque est une maladie mentale chronique du groupe des psychoses. La paranoïa, du grec "para", à côté et "nous", l'esprit, est définie comme un délire, logique dans son développement, comportant un sentiment de persécution auquel le malade adhère totalement mais n'altérant pas ses capacités intellectuelles. "Le paranoïaque est convaincu de la véracité de ses interprétations, nous explique le docteur Guillaume Fond, psychiatre. L'individu paranoïaque pense qu'une menace plane sur sa personne et interprète de nombreux signes comme en étant la preuve". Cette psychose survient plus souvent chez les hommes d'âge moyen (entre 40 et 60 ans). Les hommes sont deux fois plus nombreux à être atteints par ce type de trouble.

D'autre part, certains individus ont une personnalité paranoïaque, trait de caractère à différencier de la paranoïa car il n'existe pas chez ces personnes de délires. "Le DSM-IV (outil de classification publié par l'Association américaine de psychiatrie pour définir les troubles mentaux) définit une personnalité paranoïaque comme un "état de méfiance soupçonneuse envahissante envers les autres dont les intentions sont interprétées de façon malveillante, poursuit le spécialiste. Les personnalités paranoïaques se caractérisent par une surestimation pathologique d'elles-mêmes, une susceptibilité démesurée associée à une méfiance extrême à l'égard des autres, un jugement faussé, une absence d'autocritique et un certain autoritarisme". Cette personnalité se développe dès la fin de l'adolescence et peut rester souple, n'altérant pas le fonctionnement de la personne. Certains chefs d'entreprise ou représentants politiques ont des personnalités paranoïaques qui leur ont permis de parvenir à leurs postes.

Quels sont les signes de la paranoïa ?

► Un délire de revendication : le malade a une croyance solidement ancrée selon laquelle il serait "le héraut" d'une cause méconnue que lui seul a pu comprendre. La volonté de "faire éclater la vérité au grand jour" ou bien encore de punir les coupables est souvent associée à ces délires. 

► Un délire d'interprétation : le malade s'appuie sur des arguments tangibles et sur ses propres interprétations de la réalité pour aboutir à des idées de persécution, de préjudice et de sa propre victimisation. C'est la théorie du complot : tout est dirigé contre lui. Ce type de délire est dit "en réseau" car il s'étend peu à peu à toute la vie psychique et concerne tous les domaines de la vie du sujet. Le hasard est jugé intentionnel et malveillant par le malade.

Quelles sont les causes de la paranoïa ?

Comme dans la plupart des affections psychiatriques, il n'existe pas une cause unique de la paranoïa. "La psychose paranoïaque provient d'une perturbation de la dopamine dans le cerveau et se traite par antipsychotiques. Les facteurs déclenchant précis sont inconnus à ce jour. La prise de certaines substances psychoactives peut favoriser l'émergence d'un épisode paranoïaque transitoire", ajoute notre interlocuteur. 

La personnalité paranoïaque provient à la fois d'un tempérament (une prédisposition innée, provenant du terrain génétique et du développement du cerveau) et d'un schéma acquis pendant l'enfance (par l'éducation et les expériences précoces). Un schéma est une vision plus ou moins rigide du monde qui va biaiser l'interprétation de la réalité. Dans le cas de la personnalité paranoïaque, ce schéma sera un schéma de méfiance du type : "Tout inconnu est un ennemi potentiel, on ne peut compter que sur soi ou encore, on me cache des choses"

Quels sont les risques et complications ?

Une personne souffrant d'une personnalité paranoïaque peut tout fait vivre normalement sans que ces troubles ne virent au délire paranoïaque constitué. Le risque principal pour les personnes de ce type est donc de tomber dans une véritable psychose paranoïaque. Une fois la paranoïa bien installée, la psychose du malade peut le conduire à adopter des comportements dangereux pour lui (idée suicidaire) et/ou pour les autres (agressivité, allant jusqu'au meurtre du persécuteur). Ces risques sont réels et certains signes doivent alerter de la dangerosité psychiatrique du sujet : 

  • Existence d'un persécuteur bien déterminé. 
  • Délire de longue date et évoluant dans le temps. 
  • Troubles de l'humeur. 
  • Alcoolisme.

"La personnalité paranoïaque peut s'accommoder de la réalité mais peut également se rigidifier et entraîner des troubles dans les relations interpersonnelles (avec les collègues, le conjoint …). Il s'agit d'une indication de psychothérapie, uniquement si la personne est consciente du trouble et souhaite l'améliorer. Une psychothérapie ne peut jamais être conduite contre la volonté du patient", insiste le psychiatre.

Comment est diagnostiquée la paranoïa ?

Le diagnostic est réalisé par un psychiatre. Le psychiatre doit différencier la paranoïa de nombreuses affections psychiatriques où des délires du même style peuvent être observés, notamment la schizophrénie et les troubles bipolaires. Enfin, les arguments employés par le malade, quel que soit le stade d'évolution de la maladie peuvent souvent paraître valables et pertinents, ce qui fait que le paranoïaque peut arriver à convaincre de la "véracité" de ces propos. 

Comment soigner la paranoïa ?

Le traitement peut commencer à partir du moment où le malade accepte de se faire soigner. Or pour cela, il faut qu'il puisse reconnaître l'existence de ses troubles, ce qui semble incompatible avec la nature de cette affection. Ainsi, le malade ressent comme une agression le fait de se faire soigner, s'il ne le voit pas comme un complot visant à lui porter préjudice. Dans des cas de dépression ou de risques d'homicide, notamment lorsqu'existe un persécuteur désigné, l'hospitalisation, contrainte ou non, peut être nécessaire. Cela peut aller jusqu'à l'hospitalisation sous contrainte en psychiatrie. Les antipsychotiques sont le traitement de référence de la psychose paranoïaque et la psychothérapie le traitement de référence de la personnalité paranoïaque. 

Que faire en cas de crise de paranoïa ?

Un épisode psychotique aigu de paranoïa est une indication d'hospitalisation sous contrainte qui doit passer par le SAMU voire les forces de l'ordre en cas de dangerosité. "Le patient est évalué par un psychiatre aux urgences psychiatriques le plus souvent, celui-ci prononce l'hospitalisation immédiate pour protéger le patient et son entourage", conclut le médecin. 

Merci au Dr Guillaume Fond, psychiatre à l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille et enseignant-chercheur à la faculté Aix-Marseille Université, conférencier et auteur des ouvrages "Devenez la meilleure version de vous-même en 3 étapes" (Ellipses) "Je fais de ma Vie un Grand Projet" (Flammarion) et "Voyage au cœur de la souffrance : regards croisés d'un psychiatre et d'une avocate sur le burn-out et le harcèlement professionnel" (JC Lattès). 

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