Cirrhose décompensée : symptômes, évolution, quel pronostic ?
La cirrhose décompensée est une maladie hépatique chronique évolutive, dévastatrice pour le foie. L'évolution, sans une prise en charge précoce, peut être fatale.
Définition : qu'est-ce qu'une cirrhose décompensée ?
Une cirrhose décompensée est une maladie hépatique chronique évolutive générant une destruction presque complète du foie (plus de 75 %). Ainsi, ce dernier n'assure plus ses fonctions hépatocellulaires d'épuration et de production de certaines substances indispensables à l'organisme. "Il existe deux stades de cirrhose, la cirrhose compensée qui est une maladie hépatique chronique silencieuse infraclinique, c'est-à-dire sans symptôme et qui, si elle n'est pas prise en charge, évolue inexorablement vers la cirrhose décompensée avec installation des symptômes d'insuffisance hépato-cellulaire et/ou d'hypertension portale", explique le Dr Karim Chaouchi, gastro-entérologue et hépatologue interventionnel.
Quels sont les symptômes d'une cirrhose décompensée ?
Une cirrhose décompensée est une cirrhose symptomatique. On observe à ce stade de la fatigue, un amaigrissement, une perte d'appétit et surtout une jaunisse ou un ictère "quand le foie n'assure plus son rôle d'épuration et d'élimination des selles biliaires et des déchets de l'organisme. Ces derniers vont ainsi s'accumuler en amont dans le sang et les patients devenir jaunes ou ictériques". Cet excès de bilirubine dans le sang traduit une insuffisance hépatique à un stade avancé. D'autres symptômes peuvent alors apparaître du fait de l'évolution de la maladie et de ses complications pour l'organisme, notamment des hémorragies digestives par rupture de varices œsophagiennes.
Quelles sont les causes d'une cirrhose décompensée ?
Les causes possibles peuvent être les conséquences de l'alcoolisme, d'un virus (une hépatite B ou C), d'un "foie gras" chez les personnes en excès pondéral (stéatose hépatique, conséquence d'une accumulation d'acide gras dans le foie ou hépatite graisseuse) ou de certaines maladies hépatiques chroniques auto-immunes (cirrhose biliaire primitive, hépatite auto-immune…). "Ces maladies causent une agression sur les cellules du foie, l'hépatite. La cirrhose à ce stade est compensée et réversible. En l'absence d'un traitement causal permettant de stopper l'agression du foie, la cirrhose évolue vers un stade décompensé, symptomatique, qui s'observe par une importante destruction du parenchyme hépatique ou du foie".
Comment évolue une cirrhose décompensée ?
Une cirrhose décompensée non prise en charge peut évoluer vers des saignements digestifs du fait de l'apparition de varices au niveau de l'œsophage, qui peuvent être responsables d'une hémorragie digestive. La cirrhose est un état précancéreux pouvant aboutir à un cancer du foie. "Les cellules du foie qui sont détruites par l'inflammation chronique sont remplacées par du tissu cicatriciel. Le foie devient alors "pierreux" et crée un obstacle à la circulation du sang provoquant la formation de varices dans l'œsophage pouvant se rompre, et faire place à des hémorragies digestives. L'inflammation chronique du foie peut évoluer vers la cancérisation des cellules hépatiques", décrit le Dr Karim Chaouchi. La cirrhose évoluée peut également aboutir à un coma hépatique : "les déchets accumulés non éliminés par le foie se retrouvent alors dans le sang et l'organisme, et altèrent les fonctions cérébrales. Cette défaillance cérébrale ou encéphalopathie hépatique peut aboutir à un coma", ajoute-t-il.
Comment pose-t-on le diagnostic d'une cirrhose décompensée ?
Le diagnostic d'une cirrhose décompensée s'établit à différentes étapes. À l'étape clinique, il y a deux types de signes :
► D'insuffisance hépato-cellulaire : une jaunisse "le teint jaune", une ascite "ventre gonflé par du liquide", des angiomes stellaires "de petites taches couleur jaune rubis", des petites taches vasculaires au niveau du thorax ou du torse. À la palpation du foie : "il est dur, pierreux, le bord inférieur est tranchant" ;
► Et en rapport avec l'hypertension portale : une circulation veineuse collatérale "de petites varices dans la paroi de l'abdomen" ou des œdèmes des membres inférieurs.
Des examens complémentaires viendront confirmer ce diagnostic soit par une échographie soit par un scanner qui permettront d'observer la déformation du foie, l'ascite, la dilatation de certaines veines sus-hépatiques et une mauvaise circulation du sang vers la veine cave. Une fibroscopie haute peut aussi être envisagée à la recherche de varices dans l'œsophage "qui témoignent d'une cirrhose installée". Des tumeurs dans le foie et des thromboses de la veine porte pourront aussi être découvertes en imagerie abdominale.
Aujourd'hui, il est possible d'évaluer également l'état de la fibrose du foie, le stade ultime de la cirrhose, grâce à des moyens non invasifs : examens de type fibroscanner ou fibrotest.
Si on ne traite pas la cause de la cirrhose décompensée, l'espérance de vie moyenne est de 12 à 24 mois.
Comment traiter une cirrhose décompensée ?
On peut rendre réversible l'atteinte hépatique, si on traite précocement la cause de l'hépatite ou l'agresseur du foie : "arrêt de l'alcool, traitements contre le virus de l'hépatite B ou C, traitements médicamenteux contre une maladie auto-immune". Ces différents traitements permettent de stopper le processus de destruction du foie et rendre réversibles les lésions hépatiques. La greffe hépatique est l'ultime prise en charge face à une cirrhose décompensée avec une insuffisance hépatique terminale. "On ne peut pas vivre sans foie, sachant que seulement 20 à 30 % des fonctions hépatiques viables peuvent maintenir en vie tout un organisme".
Quel est le pronostic en cas de cirrhose décompensée ?
Si on ne traite pas la cause de la cirrhose décompensée qu'elle soit d'origine alcoolique, hépatique ou auto-immune, l'espérance de vie en moyenne des patients est de 12 à 24 mois. "Quand on traite précocement la cause, le foie peut récupérer. Sans intervention et sans greffe hépatique au stade terminal de la cirrhose, l'issue est fatale".
Merci au Dr Karim Chaouchi, gastro-entérologue et hépatologue interventionnel, clinique Floréal, Bagnolet et Nogent-sur-Marne.