Droit à l'oubli et cancer : 5 ans depuis le 1er juin 2022
Le droit à l'oubli permet aux malades de faire "oublier" leurs maladies (le cancer par exemple) lors de la souscription d'un prêt bancaire et d'en faciliter ainsi l'obtention. Le délai est passé à 5 ans depuis le 1er juin 2022. Décryptage avec Maître Muriel Bodin, avocate au Barreau de Paris, spécialisée en droit de la santé.
Le droit à l'oubli permet aux malades de faire "oublier" leurs maladies (le cancer par exemple) lors de la souscription d'un prêt bancaire et d'en faciliter ainsi l'obtention. Le délai est passé de 10 à 5 ans depuis le 1er juin 2022. Ainsi, après cinq ans de guérison, vous n'avez plus à transmettre vos antécédents médicaux à votre assureur pour contracter un prêt ou une assurance. Qu'est-ce que ça veut dire ? Pour tous les cancers ? Quelles conditions après ? Décryptage avec Maître Muriel Bodin, avocate au Barreau de Paris, spécialisée en droit de la santé.
Définition : qu'est-ce que le droit à l'oubli ?
Surprimes, exclusions de garanties, tarifs exorbitants pour l'assurance emprunteur... Souscrire un emprunt bancaire en France après un cancer est un véritable parcours du combattant. Mais la loi sur la modernisation de notre système de santé promulguée le 26 janvier 2016 dans le cadre de la convention AERAS a instauré le droit à l'oubli. Cette mesure permet aux ex-malades du cancer d'occulter leur passé médical lors de la souscription d'un prêt bancaire à l'issue d'un certain délai après la fin du protocole thérapeutique, sans rechute.
Délai : qui bénéficie du droit à l'oubli au bout de 5 ans ?
Le 17 février 2022, la proposition de loi réduisant à 5 ans le droit à l'oubli pour les personnes ayant eu un cancer a été adoptée définitivement par le Parlement. Cette loi supprime également le questionnaire médical pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros. La loi a été publiée le 1er mars 2022 et est entrée en vigueur le 1er juin 2022. Concrètement, après cinq ans de guérison d'un cancer (ou d'une hépatite C également reconnue dans la nouvelle loi), vous n'avez plus à transmettre vos antécédents médicaux à votre assureur pour contracter un prêt ou une assurance. Et il n'y a plus de distinction selon l'âge auquel le cancer a été diagnostiqué. La proposition de loi avait été déposée par la députée Patricia Lemoine et plusieurs de ses collègues le 29 octobre 2021. Le délai est inchangé pour les cancers pédiatriques, soit 5 ans après la fin du protocole thérapeutique, en l'absence de récidive.
Avant le 1er juin 2022 :
- lorsque le cancer a été diagnostiqué avant 21 ans, le droit à l'oubli s'appliquait 5 ans à compter de la fin du protocole thérapeutique ;
- lorsque le cancer a été diagnostiqué après 21 ans, le droit à l'oubli s'appliquait 10 ans à compter de la fin du protocole thérapeutique.
Quelles conditions pour que le droit à l'oubli s'applique ?
Selon la convention AERAS actuelle (s'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé), deux conditions doivent être réunies pour que le dispositif du droit à l'oubli puisse être appliqué :
- La nature du prêt : les contrats d'assurance couvrent les prêts à la consommation affectés ou dédiés, les prêts professionnels pour l'acquisition de locaux et/ou de matériels, les prêts immobiliers ;
- L'échéance des contrats d'assurance doit intervenir avant le 71ème anniversaire de l'emprunteur.
La convention précise aussi qu'aucune information médicale relative à la pathologie cancéreuse du sujet ne pourra être sollicitée par l'assureur dès lors qu'elle a été diagnostiquée. Dorénavant, le droit à l'oubli est fixé à 5 ans pour tous les cancers et l'hépatite C et il n'y a plus de distinction selon l'âge auquel le cancer a été diagnostiqué. En outre, le texte adopté comporte une autre mesure avec la suppression de la transmission à l'assureur de toute information relative à l'état de santé de l'assuré ou d'un examen de santé pour les prêts dont la part assurée par personne est inférieure à 200 000 euros et dont l'échéance arrive avant le 60e anniversaire de l'assuré. Cette suppression est entrée en vigueur le 1er juin 2022.
Quelles sont les conditions pour les assurances emprunteur à partir du 1er juin ?
A partir du 1er juin 2022, les personnes ayant contracté un prêt immobilier pourront résilier leur assurance emprunteur à n'importe quel moment. Auparavant, plusieurs textes avaient d'ores et déjà réformé l'assurance crédit immobilier :
- La "loi Lagarde" du 1er juillet 2010 a ouvert le droit de choisir librement son assurance emprunteur.
- La "loi Hamon" du 17 mars 2014 a permis de résilier à tout moment et ce, dès la première année du contrat.
- L'amendement dit "Bourquin" à la "loi Sapin 2" du 9 décembre 2016 a élargi ce droit de résiliation au-delà de la première année.
Pourtant, "aucune de ces mesures législatives n'a, jusqu'à aujourd'hui, véritablement permis de libéraliser le marché de l'assurance-emprunteur qui reste en situation de quasi-monopole au profit des banques", avait déclaré la députée Patricia Lemoine à l'origine de la proposition de loi. Un marché défavorable aux consommateurs, puisqu'il représente un chiffre d'affaires de près de sept milliards d'euros. À ce jour, la commission paritaire a validé les dispositions suivantes de la proposition de loi :
► "La date d'échéance à prendre en compte pour l'exercice du droit de résiliation mentionné à l'article L. 113 12 du présent code est, au choix de l'assuré, la date d'anniversaire de la signature de l'offre de prêt par celui ci ou toute autre date d'échéance prévue au contrat". "Cependant, la commission mixte paritaire a validé que la notice annexée à l'offre de prêt mentionne la possibilité pour l'emprunteur de résilier le contrat à tout moment. Par ailleurs, elle supprime les dispositions relatives à la mention de la date d'échéance. Il faudra donc attendre le vote final de la loi pour trancher sur ce point", précise Maître Muriel Bodin.
► "Le prêteur sera tenu de communiquer à l'emprunteur, sur un support papier ou sur tout autre support durable, la date de signature de l'offre de prêt, dès la réception de cette offre signée et de la mentionner sur toute documentation mise à la disposition de l'emprunteur et relative à son prêt." (Art. L. 313-30-1.)
► "L'assureur, la mutuelle ou l'union informera chaque année l'assuré, sur support papier ou tout autre support durable, du droit de résiliation prévu à l'article L. 113-12, des modalités de résiliation et des différents délais de notification et d'information qu'il doit respecter".
Tous les cancers sont-ils concernés par le droit à l'oubli ?
"Le droit à l'oubli concerne toutes les personnes ayant été atteintes d'un cancer, quels qu'en soient la localisation et le type histologique, mais aussi les maladies chroniques comme le diabète, qui souhaitent emprunter", répond la spécialiste.
Merci à Maître Muriel Bodin, avocate au Barreau de Paris, spécialisée en droit de la santé
Sources :
- "Réduction du délai de droit à l'oubli pour faciliter l'accès au crédit pour les anciens malades du cancer", 18 février 2022, Ministère de la santé.
- "Droit à l'oubli étendu pour les anciens malades du cancer", 21 février 2022, gouvernement.fr
- "Proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur", 3 février 2022, Vie-publique.
- "Droit à l'oubli : l'accès au crédit facilité pour les personnes ayant été atteintes d'une maladie grave", 14 février 2017, Ministère de la santé.
- "Loi de modernisation de notre système de santé", 28 janvier 2016, Ministère de la santé.