Trouble du comportement alimentaire (TCA) : symptômes, que faire
Les troubles du comportement alimentaire (TCA) se caractérisent par un rapport anormal à la nourriture. Une prise en charge médicale et psychiatrique est nécessaire. Quels sont les types de TCA ? Les symptômes ? Comment aider une personne qui en souffre ? Le point avec Carine Grzesiak, psychologue.
Définition : qu'est-ce qu'un TCA ?
"Un trouble du comportement alimentaire, également appelé trouble de la conduite alimentaire, désigne un déséquilibre dans le rapport à la nourriture et le comportement, souvent signe d'un désordre affectif, qui perturbe toute la vie du patient", explique Carine Grzesiak, psychologue. Les troubles du comportement alimentaire (TCA), tous types confondus, sont de plus en plus fréquents, notamment chez les adolescents. Au-delà des pathologies lourdes que représentent l'anorexie mentale et la boulimie, les TCA peuvent aussi concerner des dérives allant de la compulsion à l'addiction alimentaire. Le nombre d'adolescents présentant des TCA est en constante et forte augmentation depuis une trentaine d'années.
Quels sont les types de TCA ?
Il existe trois grands types de troubles du comportement alimentaire (TCA) :
► L'anorexie. D'après la Société de Nutrition et de Diététique de Langue Française (SNDLF), voici les critères diagnostiques :
- Refus de maintenir le poids corporel au niveau ou au-dessus d'un poids minimum normal pour l'âge et pour la taille.
- Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale.
- Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l'estime de soi, ou déni de la gravité de la maigreur actuelle.
- Chez les femmes post-pubères, aménorrhée (absence d'au moins trois cycles menstruels consécutifs ou règles ne survenant qu'après traitement hormonal).
► La boulimie nerveuse. D'après la SNDLF, voici les critères diagnostiques :
- Survenue récurrente de crises de boulimie (absorption, en une période de temps limitée, d'une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances et sentiment d'une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise),
- Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids (vomissements provoqués, emplois abusifs de laxatifs, diurétiques, exercice physique excessif, etc.),
- Les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés surviennent tous deux, en moyenne, au moins deux fois par semaine pendant 3 mois,
- L'estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle,
- Le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d'anorexie mentale.
► L'hyperphagie boulimique :
- Survenue récurrente de crises de boulimie : Les crises de boulimie sont associées à trois des caractéristiques suivantes (ou plus) :
- manger beaucoup plus rapidement que la normale ;
- manger jusqu'à éprouver une sensation pénible de distension abdominale ;
- manger de grandes quantités de nourriture en l'absence d'une sensation physique de faim ;
- manger seul parce que l'on est gêné de la quantité de nourriture que l'on absorbe ;
- se sentir dégoûté de soi-même, déprimé ou très coupable après avoir trop mangé.
Le comportement boulimique est source d'une souffrance marquée. Il survient, en moyenne, au moins deux jours par semaine pendant 6 mois. Il n'est pas associé au recours régulier à des comportements compensatoires inappropriés et ne survient pas exclusivement au cours d'une anorexie mentale ou d'une boulimie.
Quels sont les symptômes ?
"Un trouble du comportement alimentaire se traduit essentiellement par un rapport à l'alimentation qui devient plus présent, plus obsessionnel, un changement d'habitudes alimentaires, une sélection des aliments ou de fortes restrictions, une stratégie d'évitement des moments de repas, une image de soi dévalorisé et un isolement", indique la psychologue. Il est important de différencier les symptômes : "caractéristique particulière des conduites alimentaires", des syndromes : "regroupement symptomatique d'une entité nosologique répertoriée". Prenons l'exemple de l'anorexie, ce trouble est un symptôme que l'on peut retrouver dans différentes pathologies alors que l'anorexie mentale, elle, est un syndrome. Les principaux symptômes mis en jeu dans les troubles du comportement alimentaire sont les suivants : hyperphagie prandiale (augmentation des apports caloriques pendant les repas), hyperphagies extra-prandiales (grignotage, compulsions alimentaires, accès boulimique et hypophagie. L'hypophagie se traduit par :
Une anorexie : "l'anorexie se définit par l'absence de faim ou de satiété à l'heure habituelle des repas." Il faut bien faire la distinction entre l'anorexie et le refus de manger. Dans le premier cas la personne ne ressent pas de sensation de faim alors que dans le deuxième si.
Des comportements restrictifs : la restriction dite "cognitive" se définit comme "la tendance à limiter volontairement son alimentation dans le but de perdre du poids ou de ne pas en prendre".
Quelles sont les causes ?
Dans l'immense majorité des cas, l'apparition de TCA s'accompagne de troubles psychologiques incontestables : dépression, anxiété, perte de l'estime de soi. A ces facteurs psychopathologiques, il convient d'ajouter des facteurs psychosociaux. C'est la raison pour laquelle une thérapie familiale apporte souvent de bons résultats. "Les traits de personnalité autour de l'estime de soi et du perfectionnisme sont souvent présents", insiste notre interlocutrice.
Un TCA doit être pris en charge rapidement, dès l'apparition des symptômes.
Quand et qui consulter ?
"Un TCA doit être pris en charge rapidement, dès l'apparition des symptômes. En premier lieu, on peut s'adresser à son médecin généraliste ou une infirmière scolaire, qui nous orientera vers un psychologue, un psychiatre, un nutritionniste ou un service spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire. Le plus souvent, les personnes souffrant de TCA n'ont pas conscience de leur maladie, c'est donc à l'entourage de tirer la sonnette d'alarme et de les poussée à consulter", informe notre psychologue.
Comment aider une personne qui souffre de TCA ?
Le premier conseil, c'est de ne surtout pas faire de reproches sur le comportement ou le physique de la personne souffrant de TCA
Les proches d'une personne souffrant de TCA jouent un rôle primordial dans sa guérison. Le premier conseil, c'est de ne surtout pas faire de reproches sur le comportement ou le physique de la personne souffrant de TCA du type "tu as vu comme tu es maigre", "arrête ta comédie", car cela ne ferait qu'empirer les choses. L'essentiel est de guider la personne avec bienveillance, de lui faire comprendre qu'elle a besoin d'être aidée et de la convaincre de se faire suivre par un équipe spécialisée. "Il est crucial que la prise en charge soit rapide, car la situation peut rapidement se dégrader sur le plan physique et en terme de détresse psychologique. On peut, par exemple, ouvrir le dialogue avec la personne, la questionner sur l'image qu'elle a d'elle-même, son état émotionnel (dépression, anxiété, sentiment de puissance), afin de l'aider dans son cheminement et lui faire prendre conscience de sa souffrance", conseille la psychologue.
Diagnostic : quels tests ?
Un amaigrissement de plus de 15% du poids initial, une aménorrhée (absence de règles), une perte d'appétit et une dysmorphophobie témoignent d'une anorexie
Deux questionnaires permettent de diagnostiquer et d'évaluer les TCA : le EAT et le SCOFF. Ces tests peuvent être effectués par le médecin traitant, un psychiatre, un psychologue ou une diététicienne. Ces questionnaires visent à dresser un premier bilan et à orienter le diagnostic. Le diagnostic est ensuite clinique. Selon la Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB), un amaigrissement de plus de 15% du poids initial, une aménorrhée (absence de règles), une perte d'appétit et une dysmorphophobie témoignent d'une anorexie. La boulimie et l'hyperphagie boulimique sont plus difficiles à diagnostiquer car le poids n'est pas modifié. L'interrogatoire du patient permet de poser le diagnostic.
Quels sont les traitements ?
Les TCA nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire. Un suivi en psychothérapie est indispensable. "Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) sont particulièrement préconisées car elles permettent au patient de développer de nouveaux comportements alimentaires", réagit notre interlocutrice. Un suivi psychiatrique est également nécessaire, surtout en cas de dépression. Des anxiolytiques peuvent être administrés. L'hypnose et la méditation de pleine conscience peuvent également se révéler utiles. En cas d'amaigrissement important et de troubles physiques associés (notamment bradycardie, hypotension, aménorrhée), une hospitalisation s'impose.
Merci à Carine GRZESIAK, psychologue.