Plaisir de maigrir ou anorexie ?
Une étude française remet en cause la peur de prendre du poids ressentie par les anorexiques mentales, en suggérant qu'elle éprouvent, au contraire, un plaisir à maigrir.
Selon une étude d'une équipe de recherche Inserm de l'hôpital Sainte-Anne à Paris et publiée dans Translational Psychiatry, l'anorexie mentale serait davantage liée au plaisir de maigrir, qu'à la peur de grossir.
L'anorexie mentale est un trouble alimentaire reposant sur 3 critères internationaux : la présence d'une restriction alimentaire menant à une perte de poids, une perception déformée du poids du corps et une peur intense de grossir. Seulement, il semblerait que ce dernier critère ne soit pas tout à fait exact. De récentes études auraient mis en évidence des altérations des circuits de la récompense chez des personnes atteintes d'anorexie, ce qui a poussé les chercheurs de l'hôpital Saint-Anne à explorer cette piste. "Lorsque la recherche piétine, il est important de remettre en question les critères qui sont à la base même du trouble. [...] Nous avons donc ré-évalué le dernier critère, en faisant l'hypothèse qu'il s'agirait d'un reflet en miroir de ce qui est réellement impliqué, c'est-à-dire un effet récompense de la perte de poids.", explique Philip Gorwood, directeur de l'étude.
Afin de vérifier leur hypothèse, les scientifiques ont exposé 71 femmes atteintes d'anorexie mentale, et 20 patientes saines, à des images représentant des individus en surpoids, de corpulence normale (IMC se situe entre 18 et 25), ou maigres. Elles devaient alors attribuer une appréciation à ces différents visuels. Pendant l'exposition aux images, les chercheurs mesuraient également l'activité cérébrale des participantes, ainsi que leur taux de sudation.
Les femmes atteintes d'anorexie ont une réaction positive face à la maigreur, alors que les femmes non malades n'ont pas de réaction particulière. En effet, les scientifiques ont observé une sudation et une activité cérébrales plus importante lorsque les malades étaient exposées à la maigreur. Par contre, face au surpoids ou à une corpulence normale, les deux groupes de femmes avaient une réaction presque équivalente. Pour l'équipe de chercheurs, ces résultats suggèrent que les femmes anorexiques réagiraient davantage positivement à la maigreur, que de manière négative face au surpoids.
Un facteur génétique fort. Les scientifiques ont aussi observé chez les patientes anorexiques, la présence d'une forme différente (allèle) d'un gène appelé BDNF. Selon eux, c'est cet allèle qui expliquerait la différence de réaction entre les femmes malades et les femmes saines.
Les auteurs soulignent tout de même que leur étude comporte des limites, comme la taille de l'échantillon de femmes saines (20 pour 71 malades), ou encore la diversité des profils des patientes anorexiques, notamment en termes de traitements médicamenteux, qui ont pu influencer leurs réponses lors de l'expérience. Ils mentionnent également ne pas avoir pu vérifier si les patientes étaient suffisamment concentrées lorsqu'elles regardaient les différentes images.
Rappelons que les troubles du comportement alimentaire touchent environ 15 à 20 % de la population française. Ses mécanismes biologiques demeurent mal connus. Ce que l'on sait, c'est que plusieurs facteurs s'associent, génétiques et environnementaux (psychologiques, familiaux et socioculturels).